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06/02/2019 | FRANCE | N°17PA03076

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 février 2019, 17PA03076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Inter Invest Outre Mer a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2011 et 2012 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au

31 décembre 2012.

Par un jugement nos 1600602, 1600603 du 13 juin 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie françai

se a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Inter Invest Outre Mer a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2011 et 2012 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au

31 décembre 2012.

Par un jugement nos 1600602, 1600603 du 13 juin 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 à raison de l'activité de son établissement Pacific Investissements ainsi que celle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2011 et 2012 à raison de la réintégration de " profits sur le Trésor " dans les bénéfices de son établissement Pacific Investissements. Il a également condamné la Polynésie française à verser à la SARL Inter Invest Outre Mer la somme de 92 000 F CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 septembre 2017 et 27 juin 2018, la Polynésie française, représentée par la SELARL Jurispol, avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1600602, 1600603 du 13 juin 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SARL Inter Invest Outre Mer devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Inter Invest Outre Mer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les prestations réalisées par l'établissement stable Pacific Investissement constituent des prestations de service à des tiers et non des opérations internes à la SARL Inter Invest Outre Mer ; les services rendus par l'établissement " Pacific Investissement " doivent être regardés comme utilisés en Polynésie française au sens des dispositions précitées de l'article 340-8 du code des impôts de la Polynésie française et sont, par suite, assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- la notion de " profit sur le Trésor " est applicable en Polynésie française et c'est à bon droit que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été mises à la charge de l'établissement Pacific Investissement au titre des exercices 2011 et 2012 à raison de la réintégration de profits sur le Trésor.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 avril et l6 juillet 2018, la SARL Inter Invest Outre Mer, représentée par la SCP Bancel Zuin Lefort, avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la Polynésie française la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la Polynésie française ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au

12 juillet 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 et, notamment, son article 53 ;

- le code des impôts de la Polynésie française,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SARL Inter Invest Outre Mer.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Inter Invest Outre Mer, alors dénommée Antilles Investissements, dont le siège est à Saint-Barthélemy, a pour activité le montage de dossiers de défiscalisation dans le cadre de la législation métropolitaine d'aide aux investissements outre-mer. Son établissement Pacific investissements a fait l'objet en 2014 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. L'administration a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur l'activité de prestation de services réalisée en Polynésie française et a rehaussé la base imposable à l'impôt sur les sociétés à raison de " profits sur le Trésor " correspondant à ces rappels. La SARL Inter Invest Outre Mer a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2011 et 2012 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. La Polynésie française relève appel du jugement

nos 1600602, 1600603 du 13 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a fait droit aux demandes de la SARL Inter Invest Outre Mer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 340-1 du code des impôts de la Polynésie

française : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti ". Aux termes de l'article 340-4 de ce code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une activité économique, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur résidence, le lieu de leur siège social, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) ". Aux termes de l'article 340-8 du même code : " Les prestations de services sont imposables lorsque le service est utilisé en Polynésie française ou lorsque le bénéficiaire a en Polynésie française le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu, sa résidence ou son domicile. Le bénéficiaire de la prestation s'entend du client direct du prestataire, quelle que soit la personne qui, en définitive, pourrait recueillir le bénéfice du service rendu. / Les prestations de services de toute nature se rapportant à un immeuble sis en Polynésie française sont imposables en Polynésie française ".

3. D'autre part, en ce qui concerne les dispositions relatives à l'exonération des opérations de défiscalisation, l'article LP 367-2 du même code dispose que : " Les personnes physiques ou morales qui réalisent en Polynésie française, directement ou via des entités créées ad hoc, des opérations d'investissements entrant dans le champ du dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer(...) bénéficient du régime d'exonération visé à l'article LP. 367-1, sous réserve du respect des conditions suivantes : ces personnes doivent se faire connaître de la direction des impôts et des contributions publiques et y faire accréditer un représentant fiscal si elles n'ont pas leur siège social ou un établissement stable en Polynésie française (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 344-2 du code des impôts de la Polynésie française, relatif à la désignation d'un représentant fiscal : " Lorsqu'une personne établie hors de Polynésie française y est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou doit y accomplir des obligations déclaratives ou encore y recevoir des remboursements de crédit de taxe non imputable, elle est tenue de faire accréditer auprès de la direction des impôts et des contributions publiques un représentant assujetti établi en Polynésie française qui s'engage à remplir les formalités lui incombant et, en cas d'opérations imposables, à acquitter la taxe à sa place. Dans le cadre de cette accréditation, elle peut en outre déclarer ce même représentant habilité à percevoir en son nom tout remboursement de taxe (...) ".

5. La SARL Inter Invest Outre Mer, dont le siège social est à Saint-Barthélemy, a pour activité le montage d'opérations permettant à des investisseurs métropolitains de bénéficier des réductions d'impôt sur le revenu notamment prévues par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts au titre des investissements productifs neufs qu'ils réalisent outre-mer. Il résulte de l'instruction que son établissement Pacific Investissements, accrédité en qualité de représentant fiscal en Polynésie française de sociétés en nom collectif (SNC) constituées de personnes privées assujetties à l'impôt sur le revenu en France métropolitaine, assure le montage et la gestion de contrats de location-vente entre ces SNC et des exploitants polynésiens, portant sur des biens éligibles à la défiscalisation métropolitaine. Il assure notamment l'acquisition des biens, la conclusion des contrats pour le compte des SNC et l'encaissement des loyers dus par les exploitants polynésiens. Les SNC lui versent des honoraires en rémunération de ces prestations. Compte tenu des conditions d'accréditation et des obligations incombant à ce représentant fiscal mentionnées aux points 3 et 4, l'établissement Pacific Investissement, qui est ainsi le seul organisme habilité à exercer les prestations découlant de son mandat, ne peut pas être regardé comme exécutant des opérations internes à la SARL Inter Invest Outre Mer mais exerce de manière indépendante une activité économique. Les services ainsi rendus par l'établissement Pacific Investissements aux investisseurs métropolitains doivent être regardés comme utilisés en Polynésie française, au sens des dispositions précitées de l'article 340-8 du code des impôts de la Polynésie française. Dans ces conditions, le service des contributions de la Polynésie française pouvait légalement soumettre le chiffre d'affaires déclaré par cet établissement à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la Polynésie française est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer la décharge des impositions en litige, le Tribunal administratif de la Polynésie française s'est fondé sur le moyen tiré de ce que les prestations en cause sont utilisées en France métropolitaine et que l'activité de l'établissement ne relève pas du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Inter Invest Outre Mer tant devant le Tribunal administratif de la Polynésie française que devant elle.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

7. La SARL Inter Invest Outre Mer soutient que les prestations de service en litige ne seraient pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée au motif que le bénéficiaire de ces prestations n'aurait pas, contrairement aux exigences de l'article 340-8 du code des impôts de la Polynésie française, le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu sur le territoire de la Polynésie française. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, la société remplit l'une des autres conditions prévues par cet article 340-8, relative à l'utilisation du service en Polynésie française, qui permet à l'administration d'imposer ces prestations à la taxe sur la valeur ajoutée.

8. A supposer que la SARL Inter Invest Outre Mer ait entendu invoquer la doctrine référencée BOI-TVA-CHAMP-10-10-20, le moyen ne pourra qu'être écarté dès lors que cette doctrine métropolitaine n'est pas opposable à l'administration polynésienne.

Sur le profit sur le Trésor :

9. La SARL Inter Invest Outre Mer soutient que le mécanisme de la " cascade " prévu à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, qui permet d'imputer les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur le résultat de l'exercice vérifié, ne s'applique pas à la Polynésie française. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle à ce que l'administration constate, sur l'exercice vérifié, un profit sur le Trésor à due concurrence de ces rappels dès lors qu'en application du 3 de l'article LP. 113-4 du code des impôts de la Polynésie française, ces derniers sont déductibles certes non pas du résultat de l'exercice vérifié, mais du résultat de l'exercice au cours duquel ils sont mis en recouvrement, déductibilité qui, à défaut de la constatation d'un profit sur le Trésor d'un même montant, aboutirait à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il eût été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la Polynésie française est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé la SARL Inter Invest Outre Mer, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 à raison de l'activité de son établissement Pacific Investissements ainsi que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2011 et 2012 à raison de la réintégration de " profits sur le Trésor " dans les bénéfices de son établissement Pacific Investissements, et mis à la charge de la Polynésie française la somme de 92 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu de prononcer l'annulation du jugement attaqué et le rétablissement de ces impositions. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la SARL Inter Invest Outre Mer demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la SARL Inter Invest Outre Mer sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1600602, 1600603 du 13 juin 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la SARL Inter Invest Outre Mer, en droits et pénalités, au titre des années 2011 et 2012, dont les premiers juges ont prononcé la décharge, sont remises à la charge de l'intéressée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SARL Inter Invest Outre Mer devant le tribunal administratif et devant la Cour, sont rejetées.

Article 4 : Le surplus de la requête de la Polynésie française est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française et à la SARL Inter Invest Outre Mer.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 février 2019.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

S. APPECHE

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03076
Date de la décision : 06/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SCP BANCEL ZUIN LEFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-06;17pa03076 ?
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