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05/02/2019 | FRANCE | N°17PA03083

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 février 2019, 17PA03083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société commerciale de Raiatea a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation des délibérations du conseil municipal de la commune d'Uturoa nos 163-2014 et 165-2014 du 9 décembre 2014, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600569 du 13 juin 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejet

é sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 sep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société commerciale de Raiatea a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation des délibérations du conseil municipal de la commune d'Uturoa nos 163-2014 et 165-2014 du 9 décembre 2014, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600569 du 13 juin 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2017, la société commerciale de Raiatea, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler la décision implicite susvisée ;

3°) d'enjoindre au conseil municipal d'Uturoa d'abroger les délibérations nos 163-2014 et 165-2014 du 9 décembre 2014 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 12 000 F CFP par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Uturoa une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'entrée en vigueur de l'arrêté n° 192 CM du 25 février 2016 était sans incidence sur le fondement légal des délibérations du 9 décembre 2014 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle ne pouvait pas se prévaloir utilement d'autres illégalités à l'encontre de ces délibérations ;

- le conseil municipal n'a pas compétence pour fixer les prix de l'électricité ;

- le principe d'égalité entre les usagers du service public de distribution d'électricité est méconnu ;

- l'augmentation des tarifs de l'électricité n'est nullement justifiée ;

- l'avis de l'exploitant n'a pas été sollicité ;

- la délibération n° 163-2014 méconnaît le principe d'intelligibilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2018, la commune d'Uturoa, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société commerciale de Raiatea au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable car elle n'est accompagnée ni d'une copie du jugement signé, ni du courrier de notification du jugement, ni des décisions attaquées ;

- les moyens soulevés par la société commerciale de Raiatea ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 31 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la Société commerciale de Raiatea.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par la commune d'Uturoa :

1. La SARL Société commerciale de Raiatea, usagère du service public de distribution d'électricité de la commune d'Uturoa, a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet de sa demande d'abrogation des délibérations du conseil municipal de cette commune nos 163-2014 et 165-2014 du 9 décembre 2014, la première approuvant le règlement communal pour l'exploitation de la distribution publique d'énergie électrique, et la seconde adoptant les termes du contrat d'abonnement et fixant le barème des tarifs applicables. La SARL Société commerciale de Raiatea relève appel du jugement du 13 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

En ce qui concerne le motif d'illégalité invoqué dans la demande d'abrogation du 5 juillet 2016 :

2. Dans sa demande d'abrogation des délibérations du 9 décembre 2014, la SARL Société commerciale de Raiatea a fait valoir qu'elles se trouvent dépourvues de fondement légal depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté n° 192 CM du 25 février 2016 du président de la Polynésie française, relatif aux prix de l'énergie électrique distribuée par la société EDT dans le cadre de sa concession. Toutefois, dès lors que le champ d'application de cet arrêté est limité à cette concession, son édiction est sans incidence sur la légalité des délibérations par lesquelles le conseil municipal de la commune d'Uturoa a réglementé le service public de distribution d'électricité exploité en régie par la commune, nonobstant la circonstance que la fixation des tarifs par la commune s'effectue conformément à la réglementation territoriale.

En ce qui concerne les autres motifs d'illégalité :

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration que l'administration est tenue, même spontanément, d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures. Par suite, et dès lors que les motifs d'illégalité susvisés ne résultaient pas de circonstances de droit ou de fait postérieures à la décision implicite attaquée, contrairement à ce que soutient la commune et à ce qu'a jugé le tribunal, les moyens tirés d'autres illégalités des délibérations du 9 décembre 2014, même s'ils n'avaient pas été soulevés par la société dans sa demande d'abrogation du 5 juillet 2016, ne sont ni irrecevables, ni inopérants. Il y a donc lieu pour la Cour d'examiner le bien-fondé de ces moyens.

4. En premier lieu, la société requérante soutient que le conseil municipal d'Uturoa était incompétent pour édicter les deux délibérations litigieuses. Toutefois, aux termes des dispositions de l'article 45 de la loi organique visée ci-dessus du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, les communes ont compétence pour produire et distribuer de l'électricité dans les limites de leurs circonscriptions, sans même y avoir été préalablement autorisées par la Polynésie française lorsqu'elles assuraient déjà cette production et distribution d'électricité avant la promulgation de cette loi organique, ce qui est le cas de la commune d'Uturoa. Par ailleurs l'article 53 de cette même loi organique permet aux communes d'instituer des redevances pour services rendus. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le conseil municipal d'Uturoa était incompétent pour édicter les délibérations litigieuses.

5. En deuxième lieu, la société requérante soutient que le conseil municipal d'Uturoa, en adoptant ces délibérations, a méconnu le principe d'égalité entre les usagers du service public. Toutefois, d'une part, la requérante ne peut se prévaloir d'une différence de traitement en comparant sa situation à celle des usagers d'autres communes bénéficiant d'un autre service. D'autre part, si des situations objectivement différentes peuvent justifier un traitement différent, rien n'impose à l'autorité gestionnaire du service public de fixer des tarifs différents pour chaque situation différente. Ainsi, la commune n'était pas tenue de déterminer des tarifs applicables aux commerçants différents de ceux applicables aux particuliers. Enfin, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article 49 du règlement communal pour l'exploitation de la distribution publique d'énergie électrique dans la commune d'Uturoa, instaurerait des tarifs spéciaux en violation du principe d'égalité puisque cet article dispose au contraire que tous les usagers placés dans une situation similaire pourront prétendre aux mêmes avantages. Ces moyens doivent donc être écartés.

6. Si la requérante soutient également que l'augmentation des tarifs de l'électricité n'est nullement justifiée par la nécessité économique des coûts de production et de distribution, elle n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de ce moyen. Au demeurant ces tarifs ont été abrogés et remplacés par une délibération du 31 mars 2016.

7. La société commerciale de Raiatea fait valoir également que le tarif n'a pas été fixé après avis de l'exploitant en méconnaissance du règlement communal. Toutefois ainsi qu'il a été dit ci-dessus le service est exploité en régie. En tout état de cause ce moyen tenant à la régularité de la procédure d'édiction du règlement dont l'abrogation est demandée est inopérant et ne peut qu'être écarté.

8. En dernier lieu, la société requérante soutient que les articles 41, 45 et 48 du règlement communal méconnaissent l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme. Toutefois, d'une part, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les articles 41 et 48 se rapporteraient à des taxes et redevances qui ne sont pas précisées dans la mesure où l'article 48 précise qu'il s'agit des " redevances d'entretien et de renouvellement du branchement extérieur et du compteur ", lesquelles sont comprises dans la prime d'abonnement mensuelle dont il indique les valeurs. D'autre part, si effectivement le seul article 45 va distinguer la basse et la moyenne tension alors que tous les autres articles du règlement distinguent la basse et la haute tension, ce changement de termes, pour regrettable qu'il soit, ne rend pas le règlement inintelligible puisque tout usager est capable de comprendre que, s'il ne souscrit pas un abonnement en basse tension, il devient alors redevable des tarifs relatifs à la tension supérieure. Ce moyen doit donc également être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Société commerciale de Raiatea n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société requérante, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. D'une part, la commune d'Uturoa n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions susvisées font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés par la société commerciale de Raiatea et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de cette dernière au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la commune d'Uturoa.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Société commerciale de Raiatea est rejetée.

Article 2 : La SARL Société commerciale de Raiatea versera la somme de 1 500 euros à la commune d'Uturoa au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la SARL Société commerciale de Raiatea et à la commune d'Uturoa.

Copie en sera adressée pour information au Haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2019.

Le rapporteur,

D. PAGESLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA03083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03083
Date de la décision : 05/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-04 Actes législatifs et administratifs. Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SELARL MIKOU

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-05;17pa03083 ?
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