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29/01/2019 | FRANCE | N°16PA02275

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 29 janvier 2019, 16PA02275


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération autonome de l'éducation nationale (FAEN) a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les opérations électorales, qui se sont déroulées du 13 au 20 octobre 2011, pour l'élection des représentants du personnel au comité technique ministériel du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1203049

/5-1 du 6 décembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération autonome de l'éducation nationale (FAEN) a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les opérations électorales, qui se sont déroulées du 13 au 20 octobre 2011, pour l'élection des représentants du personnel au comité technique ministériel du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1203049/5-1 du 6 décembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février 2013 et 21 mai 2014, la FAEN représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif n° 1203049/5-1 du 6 décembre 2012 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le Tribunal administratif de Paris a méconnu les articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- les opérations électorales ont été affectées de nombreux dysfonctionnements qui ont faussé l'attribution du dernier siège,

- la date retenue pour l'élection était trop proche de la rentrée,

- les élections auraient dû intervenir après l'entrée en vigueur du décret du 16 février 2012,

- la consultation des listes électorales sur le site du ministère de l'éducation nationale a été défectueuse,

- les demandes de rectification des listes n'ont pas été prises en compte,

- certains électeurs n'ont pas reçu communication des consignes de vote, de leur identifiant et de leur mot de passe,

- les personnels affectés outre-mer ont eu des difficultés pour retirer leur matériel de vote,

- les électeurs ne disposant pas du matériel informatique adéquat n'ont pas pu exercer effectivement leur droit de vote, les kiosques de vote initialement prévus n'ayant pas été installés notamment en Polynésie française,

- de nombreux incidents ont eu lieu pendant la période de vote de nature à affecter la sincérité du scrutin,

- la liste commune que la FAEN a présentée avec deux autres syndicats n'est pas apparue comme telle,

- les professeurs agrégés et certificats de l'enseignement du second degré affectés dans des établissements publics placés sous tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche auraient dû être électeurs,

- le principe d'égalité a été méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2014, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a conclu au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un arrêt n° 13PA00583 du 10 juin 2014, la Cour administrative d'appel de Paris a, par son article 1er, annulé l'attribution du dernier siège, à l'issue des opérations électorales, en octobre 2011, des représentants du personnel au comité technique ministériel placé auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, par son article 3, rejeté le surplus des conclusions de la requête et, par son article 4, réformé le jugement en ce qu'il a de contraire à cet arrêt.

Par une décision n° 382233 du 1er juin 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'article 1er de cet arrêt et renvoyé, dans la mesure de cette cassation, l'affaire à la Cour administrative d'appel de Paris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2018, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la protestation formée par la FAEN.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- le décret n° 2011-595 du 26 mai 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'élection des membres du comité technique ministériel du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, qui s'est déroulée du 13 au 20 octobre 2011, s'est faite uniquement par un vote électronique sur internet. Sur les 957 034 électeurs appelés à voter, seuls 368 858 ont exprimé leur vote. Sur les 15 sièges à pourvoir, 7 sièges ont été attribués à la FSU, 4 à l'UNSA, 1 à la CGT, 1 au SGEN-CFDT, 1 à Sud-Education et 1 à la FNEC-FP-FO. La Fédération autonome de l'éducation nationale (FAEN) a présenté une liste conjointe avec deux autres syndicats, laquelle a recueilli 16 485 voix, ce qui ne lui a pas permis d'obtenir un siège. Elle a formé une protestation contre les résultats de ces élections professionnelles. Par un jugement du

6 décembre 2012, dont elle fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette protestation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comporte le droit à une procédure contradictoire qui implique, en principe, la faculté pour les parties à un procès, pénal ou civil, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d'influer sa décision ou de la discuter. Ce droit comporte également les droits de la défense et le principe de l'égalité des armes, qui exige de ménager un juste équilibre entre les parties au procès, et notamment à offrir à chacune d'elles une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire.

3. Le présent litige relevant du contentieux électoral et ne concernant ni les relations entre un agent public et son employeur, ne se rattache pas aux obligations à caractère civil au sens de l'article 6 § 1. En outre, il ne porte pas sur un acte à caractère de sanction susceptible d'être regardé comme touchant à la matière pénale au sens de la convention. Par suite, il ne relève pas du champ d'application des stipulations précitées, et le moyen tiré de leur méconnaissance par les premiers juges doit donc être écarté comme inopérant. La requérante n'a par ailleurs été privée d'aucun droit à un recours effectif. Enfin, le tribunal administratif pouvait, sans entacher son jugement d'irrégularité, estimer, dans le cadre de son pouvoir d'instruction, qu'il n'y avait pas lieu de demander à l'administration de produire les pièces mentionnées par la fédération requérante. Il résulte de ce qui précède que tous les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés.

Sur les opérations électorales :

4. L'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n° 13PA00583 du 10 juin 2014 ayant été annulé uniquement en tant qu'il a lui-même annulé l'attribution du dernier siège à l'issue des opérations électorales contestées, seuls les moyens de régularité du scrutin qui n'ont pas été définitivement écartés par la Cour doivent être examinés.

5. En premier lieu, s'il résulte de l'instruction que si la plate forme d'émargement et non de vote a pu être bloquée lors de l'ouverture du processus électoral, la brièveté de cette interruption intervenue en tout début de scrutin n'a pas pu avoir un effet sur la sincérité des opérations électorales.

6. En deuxième lieu, si la fédération requérante soutient que certains électeurs n'ont pas pu prendre part au vote en raison des difficultés rencontrées pour récupérer leurs identifiants et mot de passe, ainsi que leur matériel de vote, elle ne l'établit pas. A l'inverse, le ministre en défense, sans être utilement contredit, fait valoir que les procédures de transmission et de communication des données d'authentification ont été régulièrement effectuées. Il ajoute à bon droit que l'envoi des identifiants et des mots de passe ayant été fait sur les adresses email fournies par les électeurs, c'est à ces derniers qu'il incombait de vérifier l'existence éventuelle de spam et l'absence de saturation de leur boite de réception. Au demeurant, il résulte de l'instruction que la plupart des académies a adhéré durant toute la durée du scrutin aux plates formes d'assistance téléphonique qui pouvaient apporter une aide personnalisée à chaque votant.

7. En troisième lieu, si la fédération requérante fait valoir que les agents outre-mer ont eu des difficultés pour voter, il ne résulte pas de l'instruction que ces difficultés, à les supposer établies, auraient eu, eu égard aux effectifs concernés, un impact sur la sincérité du vote.

8. En quatrième lieu, et contrairement à ce que soutient la FAEN, tous les ordinateurs, quelle que soit leur marque, pouvaient être utilisés pour participer au vote dès lors qu'ils étaient connectés à internet, disposaient d'un navigateur et d'un module java. En outre, il résulte de l'instruction, d'une part, que les électeurs disposaient de la possibilité de voter à partir de n'importe quel ordinateur professionnel, personnel ou cyber café, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept et, d'autre part, qu'ils pouvaient utiliser les 24 757 kiosques de vote installés dans les écoles ayant de plus de 8 électeurs, ainsi que dans tous les collèges, lycées, et services administratifs.

9. En cinquième et dernier lieu, enfin, il ressort de l'article 4 III du décret susvisé du

26 mai 2011 que : " Chaque système de vote électronique par internet comporte un dispositif de secours offrant les mêmes garanties et les mêmes caractéristiques que le système principal et capable d'en prendre automatiquement le relais en cas de panne n'entraînant pas d'altération des données. En cas d'altération des données résultant, notamment, d'une panne, d'une infection virale ou d'une attaque du système par un tiers, le bureau de vote électronique a compétence, après autorisation des représentants de l'administration chargés du contrôle du système de vote, pour prendre toute mesure d'information et de sauvegarde et pour décider la suspension, l'arrêt ou la reprise des opérations de vote électronique ". Toutefois, contrairement à ce que soutient la FAEN, les opérations de vote n'ayant connu aucune panne susceptible d'entrainer une altération des données, le ministère n'a pas eu besoin de recourir à ce système de secours.

10. Il résulte de ce qui précède, qu'en l'absence de défaillances avérées du système de vote, le moyen tiré de ce que ces dysfonctionnements auraient empêché plusieurs milliers d'électeurs de participer aux opérations électorales contestées doit être écarté. La sincérité du scrutin n'ayant dès lors pas été affectée, il en va de même des conditions d'attribution du dernier siège à l'issue des opérations de vote. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé de faire droit à sa demande. Les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par conséquent, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Fédération autonome de l'éducation nationale doit être rejetée dans la mesure de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération autonome de l'éducation nationale et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Even, président,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVEN

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA02275


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02275
Date de la décision : 29/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-06-015 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Comités techniques paritaires. Élections.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : PINEL,

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-29;16pa02275 ?
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