Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Realease Villages d'Entreprises a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009.
Par un jugement n° 1617791/2-1 du 24 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 décembre 2017 et 18 juin 2018, la SAS Realease Villages d'Entreprises, représentée par la SCPB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1617791/2-1 du 24 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant ce tribunal.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière en ce que les services de la direction des vérifications nationales et internationales étaient incompétents pour procéder à la vérification de comptabilité ;
- elle était fondée à maintenir au titre de l'exercice 2009 la provision pour dépréciation de stock d'un montant de 510 000 euros constituée en 2008, compte tenu de l'appel dont faisait l'objet le jugement du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 2 juillet 2009 ayant condamné le vendeur du bien à lui verser une indemnité de 510 000 euros en réduction du prix de vente et du risque qu'elle soit tenue de rembourser cette indemnité ;
- dans la proposition de rectification afférente à l'année 2008, l'administration a pris une position explicite admettant la comptabilisation en provision pour dépréciation du stock qui lui est opposable au titre de l'année 2009 ;
- l'administration fiscale reconnaît la déductibilité d'une provision pour risque mais considère à tort qu'elle ne pourrait en revendiquer le bénéfice alors que la provision a été régulièrement comptabilisée, certes en provision pour dépréciation du stock ; l'erreur de qualification comptable ne saurait entraîner pour le contribuable un rehaussement ; selon la documentation administrative du 26 novembre 1996 référencée 4 E confirmée par la doctrine BOI-BIC-PROV-20-20 du 4 janvier 2013, l'instruction 4G-6-84 n°181 et 182 du 17 décembre 1984 et la documentation administrative du 26 novembre 1996 référencée 4 E-122 n°5, le fait que la provision ait été comptabilisée selon la classification comptable de provision sur stock n'a pas d'incidence fiscale.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- l'arrêté du 24 juillet 2000 relatif à la direction des vérifications nationales et internationales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de Me A...C..., substituant MeB..., représentant la société Realease Villages d'Entreprises.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Realease Villages d'Entreprises, qui exerçait une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2008 à 2010. A l'issue de cette vérification, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés lui ont été notifiées au titre de l'exercice clos au cours de l'année 2009. La SAS Realease Villages d'Entreprises a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés Elle relève appel du jugement
n° 1617791/2-1 du 24 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 24 juillet 2000 relatif à la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) : " La direction des vérifications nationales et internationales est un service à compétence nationale, rattaché au sous-directeur chargé du contrôle fiscal à la direction générale des impôts ". Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Elle assure sur l'ensemble du territoire national : (...) a) Le contrôle de tous impôts, droits et taxes dus par toutes personnes physiques ou morales, tous groupements de fait ou de droit ou entités, quelle que soit la forme juridique et quel que soit le lieu de leur principal établissement, de leur direction effective, de leur siège social ou de leur domicile ; (...) c) Le contrôle des déclarations souscrites par les établissements payeurs et débiteurs divers ainsi que le contrôle des prélèvements, retenues et prescriptions à la source dus par ceux-ci à raison des rémunérations, revenus et gains de toute nature, versés à des personnes, groupements ou entités domiciliés, établis ou ayant leur siège social en France ou hors de France (...).
3. Contrairement aux allégations de la SAS Realease Villages d'Entreprises, les services de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) étaient compétents pour procéder à la vérification de sa comptabilité en application des dispositions précitées de l'article 2 de l'arrêté du 24 juillet 2000. La société requérante ne saurait utilement invoquer l'instruction 13* G-1-00 du 24 août 2000 dès lors que le paragraphe de cette instruction dont elle se prévaut concerne la procédure d'imposition et n'est par suite pas invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Sur le bien fondé des impositions :
4. D'une part, selon les termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. (...) ". Aux termes de l'article 38 nonies de l'annexe III au même code :
" 1. Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient, qui s'entend : a. Pour les biens acquis à titre onéreux, du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des frais de transport, de manutention et autres coûts directement engagés pour l'acquisition des biens et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies (...) ". Aux termes de l'article 38 decies de la même annexe : " Si le cours du jour à la date de l'inventaire des marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, produits intermédiaires, produits finis et emballages commerciaux perdus en stock au jour de l'inventaire est inférieur au coût de revient défini à l'article 38 nonies, l'entreprise doit constituer, à due concurrence, des provisions pour dépréciation ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions
du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) Les provisions qui, en tout ou en partie, reçoivent un emploi non conforme à leur destination ou deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice. Lorsque le rapport n'a pas été effectué par l'entreprise elle-même, l'administration peut procéder aux rectifications nécessaires dès qu'elle constate que les provisions sont devenues sans objet ".
6. La SAS Realease Villages d'Entreprises a, dans le cadre de son activité de marchand de biens, acquis le 26 mai 2007 un immeuble au prix de 4 250 000 euros. L'acte d'acquisition de ce bien prévoyait que le vendeur devrait indemniser l'acquéreur en cas de retard lié à la libération des locaux par leurs occupants, à hauteur de 10 000 euros par mois de retard à compter de l'acte de vente jusqu'au 31 mai 2008 et d'une somme supplémentaire de 400 000 euros dans l'hypothèse où les lieux n'auraient pas été libérés au 31 mai 2008. Or, la libération des locaux n'est intervenue que le 8 juillet 2008. La SAS Realease Villages d'Entreprises a alors constitué, au titre de l'exercice 2008, une provision pour dépréciation de stock d'un montant de 750 000 euros correspondant à la créance qu'elle estimait détenir sur le vendeur de l'immeuble ainsi qu'à la perte de valeur de ce bien du fait de la survenue de la crise immobilière. Au titre de l'année 2008, l'administration fiscale a admis cette provision pour dépréciation de stock à hauteur de 510 000 euros correspondant à la créance de la société Realease Villages d'Entreprises sur le vendeur du bien. Ce dernier a été condamné à verser ladite somme à la société requérante par jugement du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date
du 2 juillet 2009. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en litige résultent de la remise en cause par l'administration de la provision de 510 000 euros maintenue dans les écritures comptables de la société requérante au titre de l'année 2009.
7. La SAS Realease Villages d'Entreprises ne justifie pas que la valeur vénale du bien immobilier en cause était, à la clôture de l'exercice 2009, eu égard à l'intervention en cours d'exercice du jugement du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, inférieure à son coût de revient. Notamment, la seule probabilité qu'elle ait à reverser la somme de 510 000 euros au vendeur de ce bien, qui avait interjeté appel dudit jugement, n'était pas de nature à justifier le maintien de la provision pour dépréciation constituée en 2008. En outre, contrairement aux allégations de la société requérante, l'administration ne saurait être regardée comme ayant pris une position formelle qui lui serait opposable au titre de l'exercice 2009 en admettant comme fondée la constitution de la provision litigieuse en 2008, exercice au cours duquel n'était pas intervenu le jugement du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence. Il en résulte que c'est à bon droit que l'administration a considéré que la provision pour dépréciation de stock d'un montant de 510 000 euros maintenue par la SAS Realease Villages d'Entreprises au titre de l'exercice 2009 était devenue sans objet et a, par suite, rapporté le montant de cette provision aux résultats de l'exercice 2009.
8. La SAS Realease Villages d'Entreprises soutient pour la première fois en appel avoir commis " une simple erreur de classement comptable " en comptabilisant la somme litigieuse à titre de provision pour dépréciation du stock alors qu'il s'agissait d'une provision pour risque, destinée à faire face à la probabilité qu'elle soit condamnée à restituer l'indemnité d'un montant de 510 000 euros octroyée par le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence. Toutefois, les prétentions de la requérante tendent ainsi à modifier l'objet de la provision qu'elle avait constituée et ne peuvent qu'être rejetées, dès lors qu'elles conduisent à substituer, postérieurement à l'expiration du délai de déclaration, une provision nouvelle à celle qui a été initialement déclarée dans les formes prescrites au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts précité. La société requérante n'est pas davantage fondée à se prévaloir de la documentation administrative du 26 novembre 1996 référencée 4 E n°14, confirmée par la doctrine BOI-BIC-PROV-20-20 n°5 du 4 janvier 2013, ou encore de l'instruction 4G-6-84 n°181 et 182 du 17 décembre 1984 et de la documentation administrative du 26 novembre 1996 référencée 4 E-122 n°5, qui contrairement à ses allégations, n'indiquent pas que la classification comptable de la provision n'a aucune incidence fiscale et ne contiennent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir devant le juge de l'impôt avoir commis une simple erreur comptable sans incidence sur la déductibilité de la provision en cause en comptabilisant une provision pour dépréciation du stock en lieu et place d'une provision pour risque.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Realease Villages d'Entreprises n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Realease Villages d'Entreprises est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Realease Villages d'Entreprises et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 janvier 2019.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03871