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23/01/2019 | FRANCE | N°17PA03858

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 janvier 2019, 17PA03858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au Conseil d'Etat, qui a transmis sa requête au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'annuler la décision du 9 janvier 2017 par laquelle le premier président de la Cour d'appel de Nouméa a fixé son taux de prime modulable à 10 % ainsi que la décision du 10 février 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700184 du 19 octobre 2017, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une r

equête et un mémoire enregistrés les 18 décembre 2017 et 10 octobre 2018, M. C..., représenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au Conseil d'Etat, qui a transmis sa requête au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'annuler la décision du 9 janvier 2017 par laquelle le premier président de la Cour d'appel de Nouméa a fixé son taux de prime modulable à 10 % ainsi que la décision du 10 février 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700184 du 19 octobre 2017, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 décembre 2017 et 10 octobre 2018, M. C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700184 du 19 octobre 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prononcer l'annulation des décisions contestées devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier président de la Cour d'appel de Nouméa a retenu des erreurs de comportement pour fonder les décisions en litige alors qu'il s'agit d'un critère qui ne concerne pas la contribution au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ; ce faisant, il a méconnu l'article 3 du décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 ;

- la diminution du taux de la prime modulable doit s'analyser en une sanction ;

- les motifs soutenant les décisions contestées sont entachés d'erreurs de fait s'agissant de la quantité de travail accomplie en 2016 ;

- les décisions en litige sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au

26 octobre 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

- le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

- le décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire modifié par le décret n° 2011-913 du 29 juillet 2011 ;

- l'arrêté du 3 mars 2010 pris en application du décret n° 2003-1284 du

26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., magistrat de l'ordre judiciaire, exerçait les fonctions de vice-président chargé de l'instruction au Tribunal de première instance de Nouméa. Par une décision du

9 janvier 2017 le premier président de la Cour d'appel de Nouméa a fixé son taux de prime modulable à 10 %, soit un taux de prime en diminution de 2,10% par rapport à celui qui lui avait été attribué l'année précédente. M. C...a exercé, à l'encontre de cette décision, un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du 9 février 2017, notifiée le 10 février 2017. Il a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'annuler ces deux décisions des

9 janvier et 9 février 2017. Il relève appel du jugement n° 1700184 du 19 octobre 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

2. Le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire, dans sa rédaction applicable, prévoit, à son article 1er, qu'une indemnité peut être allouée aux magistrats de l'ordre judiciaire exerçant leurs fonctions en juridiction. Cette indemnité, destinée à rémunérer l'importance et la valeur des services rendus et à tenir compte des sujétions afférentes à l'exercice de leurs fonctions, comprend notamment une prime modulable attribuée, ainsi qu'il est précisé à l'article 3 de ce même décret, en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire, " notamment en tenant compte, le cas échéant, des attributions spécifiques qui lui ont été confiées et du surcroît d'activité résultant d'absences prolongées de magistrats ". L'article 7 précise que cette prime est calculée en pourcentage du traitement indiciaire brut et que le montant des crédits disponibles au titre de la prime modulable pour les magistrats du siège, d'une part, et du parquet, d'autre part, est déterminé par application d'un taux moyen à la masse des traitements indiciaires des magistrats concernés. Le taux d'attribution individuelle de la prime modulable est fixé pour les magistrats exerçant en juridiction, respectivement par le premier président de la cour d'appel pour chaque magistrat du siège de leur ressort et par le procureur général près la cour d'appel pour chaque magistrat du parquet du ressort, sur proposition du chef de juridiction sous l'autorité duquel est placé le magistrat lorsqu'il est affecté dans une juridiction du premier degré. L'article 2 de l'arrêté du 3 mars 2010 pris pour l'application de ce décret dispose que les taux moyen et maximal d'attribution individuelle de cette prime modulable sont fixés respectivement à 12 % et à 18 %.

3. En premier lieu, il résulte des dispositions du décret du 26 décembre 2003 qui viennent d'être rappelées que le taux de prime modulable attribué au titre d'une année à un magistrat est fonction de sa contribution au bon fonctionnement de l'institution judiciaire durant l'année précédente.

4. Dans sa décision du 9 février 2017 rejetant le recours gracieux de M.C..., le premier président de la Cour d'appel de Nouméa évoque notamment le comportement en public à l'audience de l'intéressé, tel qu'il a été dénoncé par l'huissier audiencier, et dans son cabinet à l'égard d'un avocat ou de sa greffière, en insistant sur l'image dégradée de la justice qu'il induit, les tensions qu'il crée, l'impact sur la qualité du suivi des dossiers et plus généralement sur les conséquences négatives d'un tel comportement sur le bon fonctionnement du service. Ce faisant, le premier président de la Cour d'appel de Nouméa ne s'est pas fondé sur des critères étrangers à ceux qu'il pouvait retenir, en application de l'article 3 du décret du 26 décembre 2003, pour fonder son appréciation quant à la participation du requérant au fonctionnement de l'institution judiciaire. Par suite, les décisions attaquées ne sont entachées d'aucune erreur de droit.

5. En deuxième lieu, il ressort de la décision de rejet du recours gracieux formé par

M. C...que le premier président de la Cour d'appel de Nouméa justifie également la fixation d'un taux de prime modulable à 10% par la charge de travail de l'intéressé et sa participation aux différentes activités de la juridiction, relevant notamment que le volume d'activité du cabinet n'avait rien d'exceptionnel. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a pris ses fonctions en octobre 2015 et, ainsi que le reconnaît le président de la chambre d'instruction dans son rapport du 4 avril 2017, a hérité d'un cabinet d'instruction " chargé " à la suite du retard pris du fait de la vacance du poste durant le congé maternité de sa prédécesseur. Ce rapport indique que les efforts, qui ont porté sur les dossiers les plus anciens, ont été fructueux alors que M. C...a dû composer avec des erreurs de saisie sur l'application Cassiopée commises avant sa prise de fonction. En outre, le requérant a dû assurer l'intérim du second cabinet d'instruction du Tribunal de première instance de Nouméa du 1er juin au 30 septembre 2016. S'il est constant qu'il a été soulagé d'une partie de ses obligations de permanence de la juridiction, il demeure qu'il a assuré seul la permanence de l'instruction sept jours sur sept sur toute cette période. Dans sa décision du 9 février 2017, le premier président relève que M. C...a assuré soixante-et-une audiences en 2016 alors que d'autres collègues magistrats ont assuré entre soixante-quinze et cent cinquante-huit audiences. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, si une dizaine de collègues du requérant ont effectivement assuré entre soixante-quinze et cent cinquante-huit audiences, huit d'entre eux en ont assuré soixante-quatre et moins, dont six entre cinquante-cinq et soixante-quatre audiences, et que le requérant est le seul à ne pas s'être vu attribuer le taux moyen de prime modulable. Dans ces conditions, M. C...est fondé à soutenir que le premier président de la Cour d'appel de Nouméa a commis des erreurs de fait s'agissant de la quantité de travail qu'il a accomplie en 2016 par comparaison avec ses collègues. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le motif déterminant ayant conduit à fixer son taux de prime à 10% est le comportement inadapté de l'intéressé et que le premier président de la Cour d'appel de Nouméa aurait pris la même décision s'il n'avait pas retenu une participation minorée de M. C...aux activités de la juridiction. Par suite, les erreurs de fait précitées relatives à la quantité de travail n'ont pas entraîné une altération manifeste de l'appréciation portée par le premier président de la Cour d'appel de Nouméa et ne sont pas de nature à justifier l'annulation des décisions attaquées.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas davantage des éléments produits par M. C...au soutien de ses conclusions, ni des autres pièces du dossier, qu'en ayant fixé à 10% le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable à compter du 1er janvier 2017, eu égard à son comportement en cabinet et lors des audiences, le premier président de la Cour d'appel de Nouméa ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, alors même que les incidents qui ont opposé ce magistrat à sa greffière, à un huissier audiencier et à une avocate étaient circonscrits au mois de mars 2016.

7. En dernier lieu, contrairement aux allégations de M.C..., ces erreurs de comportement, non contestées par l'intéressé, pouvaient être prises en compte pour la fixation du taux de prime modulable alors même qu'elles n'ont finalement pas conduit à la sanction de l'avertissement, qui avait été envisagée. Si M. C...entend soutenir que la baisse de son taux de prime modulable constitue une sanction déguisée, il ne l'établit pas, eu égard aux motifs retenus aux points 4 et 6 du présent arrêt.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et eu égard au contrôle restreint du juge en la matière, que M. C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 janvier 2019.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03858
Date de la décision : 23/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : BAYLE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-23;17pa03858 ?
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