Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 décembre 2014 par laquelle le directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris a suspendu son droit de pratiquer des honoraires différents pour une durée de deux mois à compter du 1er février 2015.
Par un jugement n° 1500753/6-3 du 22 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision contestée.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juillet et 13 novembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris, représentée par la SCP D...-Fattacini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1500753/6-3 du 22 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 4 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement contesté est irrégulier en ce qu'il n'est pas signé ;
- il est également insuffisamment motivé en ce que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que l'interprétation du docteur A...selon laquelle l'absence d'accord de la CPN équivaut à un avis rejetant toute forme de sanction et contraignant le directeur de la CPAM à devoir s'abstenir de sanctionner le médecin poursuivi, est contraire à l'intérêt général ;
- le jugement est entaché d'erreur de droit et d'appréciation des faits en ce qu'il a méconnu les dispositions de l'article 3.4 de l'annexe XXII telles que modifiées par l'avenant n°8 de la Convention nationale des médecins approuvé par arrêté du 29 novembre 2012 ; l'on ne saurait assimiler comme l'a fait le tribunal, l'absence d'accord à un rejet de la part de la CPN de toute sanction au motif qu'aucune sanction n'aurait été formellement envisagée ; si l'absence d'accord au sein de la CPN devait interdire au directeur de la caisse de sanctionner le praticien comme le soutient le tribunal, il suffirait que la section professionnelle bloque systématiquement par réflexe corporatiste tout avis paritaire au niveau de la CPN pour que la CPAM se trouve dans l'incapacité de sanctionner un médecin pratiquant des tarifs manifestement abusifs sans que le moindre recours juridictionnel puisse y remédier ;
- l'impératif d'intérêt général qui conduit à devoir assurer une rationalisation des tarifs afin de garantir à tous les assurés le droit de pouvoir accéder à des soins de qualité, en particulier les patients les plus modestes, s'oppose à une telle lecture.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2017, M.A..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 800 euros soit mise à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la décision attaquée :
- est entachée d'un premier vice de procédure dans la mesure où la rédaction du courrier d'avertissement du 26 juin 2013 l'a induit en erreur sur le délai dont il disposait pour modifier sa pratique tarifaire ;
- est entachée d'un deuxième vice de procédure dans la mesure où son audition par la commission paritaire régionale n'a pas permis un exercice utile de ses droits à la défense et n'a pas respecté les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entachée d'un troisième vice de procédure dans la mesure où la commission paritaire régionale et la commission paritaire nationale ont été réunies en formation plénière alors qu'elles auraient dû être réunies en " formation médecins " en vertu de l'article 3 de l'annexe XXI à la convention nationale du 26 juillet 2011 ;
- est entachée d'un quatrième vice de procédure dans la mesure où le directeur général de la CPAM ne pouvait prendre la décision de sanction attaquée en l'absence d'accord de la commission paritaire régionale puis de la commission paritaire nationale, dès lors qu'en vertu de l'article 3.4 de l'annexe XXII de la convention nationale, sa décision ne peut excéder les sanctions envisagées par la commission paritaire ;
- est entachée d'un cinquième vice de procédure dans la mesure où son auteur a siégé au sein de la commission paritaire régionale, en méconnaissance des droits de la défense et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entachée d'une première erreur de droit dans la mesure où le directeur général de la CPAM n'a pris en compte, pour apprécier le caractère éventuellement excessif, au sens de l'article 75 de la convention nationale, de sa pratique tarifaire, que son activité exercée à titre libéral, sans tenir compte de son activité exercée en hôpital public ;
- est entachée d'une seconde erreur de droit dans la mesure où le directeur général de la CPAM, pour apprécier le caractère éventuellement excessif, au sens de l'article 75 de la convention nationale, a comparé sa situation à l'ensemble des chirurgiens généraux alors qu'il exerce la spécialité de chirurgien orthopédiste pédiatre, et que, par ailleurs, les périodes comparées ne permettent pas d'établir qu'il n'a pas modifié sa pratique tarifaire à la suite de l'avertissement du 26 juin 2013 ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où elle n'a pas tenu compte, au-delà d'un visa purement formel, des critères, non strictement comptables, devant également être pris en compte en vertu de l'article 75 de la convention nationale, et notamment le lieu d'implantation de son cabinet et son niveau d'expertise et de compétence.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'arrêté du 22 septembre 2011 approuvant la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 26 juillet 2011 et ses annexes, notamment l'avenant n°8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, signée le 26 juillet 2011, approuvé par arrêté du 29 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la CPAM de Paris et les observations de MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., chirurgien orthopédiste pédiatrique, exerce son activité à mi-temps à l'hôpital public (Robert Debré) et en libéral dans un cabinet du 16ème arrondissement de Paris, exercice pour lequel il relève du secteur 2 dit " à honoraires libres ". Par une décision du
19 décembre 2014, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris a prononcé à l'égard de l'intéressé, la sanction de suspension du droit de pratiquer des honoraires différents pour une durée de deux mois à compter du 1er février 2015 après que la commission paritaire régionale (CPR) et la commission paritaire nationale (CPN) ont successivement échoué à départager les voix des membres les composant quant au caractère sanctionnable ou non de la sanction. La CPAM relève appel du jugement du 22 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris, sur demande de M.A..., a annulé la décision du 19 décembre 2014.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu par la CPAM de Paris, il ressort de la minute du jugement attaqué que celui-ci a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier de la chambre concernée. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit donc être écarté.
3. En second lieu, la CPAM de Paris soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il n'aurait pas été répondu au moyen tiré de ce que l'interprétation du docteurA..., des dispositions applicables relatives aux conséquences de l'absence d'accord de la CPN, serait contraire à l'intérêt général. Toutefois, ce moyen de défense auquel les premiers juges n'étaient au demeurant pas tenus de répondre se rapporte en tout état de cause au moyen d'annulation retenu. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement contesté serait irrégulier parce qu'insuffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Il résulte des dispositions de l'article 75 de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, signée le 26 juillet 2011, telle que modifiée par l'avenant n° 8 à cette convention, conclu le 25 octobre 2012, qu'en cas de non-respect par le médecin des dispositions conventionnelles organisant ses rapports avec l'assurance maladie, une procédure conventionnelle d'examen des manquements est engagée par les parties conventionnelles sur initiative d'une caisse. Cet article 75 prévoit que le non-respect des dispositions conventionnelles peut notamment porter sur une pratique tarifaire excessive des médecins exerçant en secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent. La procédure de sanction applicable en cas de pratique tarifaire excessive est décrite aux articles 3, 3.1, 3.2, 3.3 et 3.4 de l'annexe XXII à la convention nationale.
5. En vertu de l'article 3.1 de cette annexe XXII, la caisse primaire d'assurance maladie qui constate, de la part d'un médecin exerçant en secteur à honoraires différents ou titulaire d'un droit à dépassement permanent, une pratique tarifaire excessive, lui adresse un avertissement, à compter duquel le médecin dispose d'un délai de deux mois pour modifier sa pratique. En vertu de son article 3.2, si, à l'issue de ce délai de deux mois, il est constaté que le médecin n'a pas modifié sa pratique tarifaire, la CPAM lui communique le relevé des constatations détaillant notamment les éléments susceptibles de caractériser une pratique tarifaire excessive selon les critères définis à l'article 75 de la convention nationale.
6. L'article 3.3 de l'annexe XXII dispose que " Lorsque les faits reprochés justifient la poursuite de la procédure, la caisse saisit le président de la CPR (commission paritaire régionale). (...) ", et que " (...) La CPR émet en séance un avis dans les conditions définies à l'article 73.3 de la présente convention. (...) ". L'article 73.3 de la convention nationale prévoit que l'avis de la CPR " porte sur le caractère sanctionnable de la pratique tarifaire soumise puis sur la nature et le quantum de la sanction. ". L'article 3.4 de l'annexe XXII à la convention prévoit qu'" (...) en cas d'absence d'accord de la CPR actée dans le procès-verbal (...), le directeur de la CPAM peut saisir le président de la CPN (commission paritaire nationale) (...) ", que " (...) le président de la CPN saisit le président du Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) sur le caractère excessif de la pratique tarifaire en cause. (...) ", que " La CPN dispose d'un délai maximal de deux mois calendaires à compter de la réception de l'avis du président du CNOM ou à expiration du délai qui est imparti à ce dernier pour notifier son avis (...) ", qu'" A l'issue de ce délai de deux mois, ou en l'absence d'accord, l'avis de la CPN est réputé rendu. (...) ", que " La CPN émet en séance un avis sur la décision à prendre (...) ", et que " Le directeur de la CPAM prend une décision qui, lorsque l'avis de la CPN lui est transmis, ne peut excéder les sanctions envisagées par celle-ci. (...) ".
7. Par un courrier du 26 juin 2013, le directeur général de la CPAM de Paris a attiré l'attention de M. A...sur le fait qu'une analyse de sa pratique tarifaire faisait apparaître un taux de dépassement moyen de 315 % sur la période du 11 mars au 30 avril 2013, confirmant une tendance observée sur l'année 2012, où son taux de dépassement était de 351 %, et l'a averti qu'en l'absence de modification de sa pratique tarifaire à l'issue d'un délai de deux mois, il envisagerait de poursuivre la procédure prévue à l'annexe XXII de la convention nationale en lui adressant un relevé de constatations qui engagerait une procédure contradictoire au terme de laquelle il pourrait être amené à transmettre son dossier à la commission paritaire régionale des médecins pour recueillir son avis. Par une lettre du 9 juillet 2013, le docteur A...a fait savoir qu'il refusait de revoir ses tarifs, mettant en avant sa pratique hospitalière permettant un accès aux soins pour tous. Par un courrier du 20 décembre suivant, un nouveau relevé de constatations faisant apparaître un taux de dépassement moyen de 385 % du 1er juillet au 31 août 2013 lui a été envoyé. Ce relevé invitait M. A...à présenter ses éventuelles observations dans un délai d'un mois, l'informait de la possibilité de solliciter dans ce même délai un entretien au cours duquel il pourrait se faire assister par un avocat ou un confrère de son choix, lui précisait qu'au terme de cette procédure contradictoire ou à l'expiration de ce délai d'un mois, son dossier pourrait être transmis à la commission paritaire régionale des médecins, et lui précisait que la CPR serait susceptible d'envisager, si elle considérait que sa pratique tarifaire était excessive, les sanctions de suspension du droit permanent à dépassement ou du droit de pratiquer des honoraires différents, ou encore celle de suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre de la convention.
8. La CPR réunie le 26 juin 2014 a acté une absence d'accord sur la question de savoir si la pratique tarifaire de M. A...présentait un caractère excessif. Au vu de cette absence d'accord, et ainsi qu'il en avait la possibilité en vertu de l'article 3.4 de l'annexe XXII à la convention nationale, le directeur général de la CPAM a saisi la commission paritaire nationale (CPN). La CPN, réunie le 15 octobre 2014, et au sein de laquelle siégeaient, dans des conditions de quorum et de parité conformes aux dispositions de l'article 2 de l'annexe XXI à la convention nationale, dix membres au titre de la section professionnelle et dix membres au titre de la section sociale, a de nouveau constaté un partage égal des voix (dix voix " pour " et dix voix " contre ") sur la question de savoir si M. A...présentait une pratique tarifaire excessive. Les membres de la CPN, appelés ensuite à voter sur la nature de la sanction proposée par la section sociale de la commission, à savoir une suspension de la possibilité de pratiquer des dépassements d'honoraires, puis sur la durée de sanction proposée par la section sociale, à savoir une durée de deux mois, se sont à nouveau exprimés à chaque fois par dix voix " pour " et dix voix " contre ". La CPN a alors notifié au directeur de la CPAM, un avis constatant " l'absence d'accord relatif à la procédure conventionnelle engagée à l'encontre du praticien concerné ". Par une décision du 19 décembre 2014, le directeur de la CPAM a néanmoins prononcé à l'égard de l'intéressé la sanction de suspension du droit de pratiquer des honoraires différents pour une durée de deux mois à compter du 1er février 2015.
9. D'après les dispositions précitées de l'article 3.4 de l'annexe XXII de la convention nationale, la CPN dispose d'un délai maximal de deux mois pour notifier son avis au directeur de la CPAM et à l'issue de ce délai, ou en l'absence d'accord, l'avis de la commission est réputé rendu. Il est également prévu que le directeur de la CPAM prend alors une décision qui, lorsque l'avis de la commission lui est transmis, ne peut excéder les sanctions envisagées par celle-ci.
10. Contrairement à ce que soutient la caisse, ces dispositions ne peuvent s'entendre, eu égard à l'absence de mécanisme de départition prévue par la convention, qu'en ce sens que l'absence d'accord de la CPN quant à la réalité du manquement en cause ou à la sanction proposée constitue un avis, et que cet avis, qui doit être regardé comme négatif, ne permet pas la prise d'une sanction. Aussi, le directeur de la CPAM de Paris ne pouvait décider de sanctionner le docteur A...d'une suspension du droit de pratiquer des honoraires différents pour une durée de deux mois à compter du 1er février 2015, après que la commission, réunie le 15 octobre 2014, n'a pu dégager d'accord sur le caractère sanctionnable ou non de la pratique tarifaire de M.A..., et ce quand bien même ses membres ont été appelés à voter sur la nature et le quantum de la sanction proposée par la section sociale.
11. Il résulte de ce qui précède que la CPAM de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de sanction prise le 19 décembre 2014 par son directeur à l'encontre du docteurA....
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la CPAM de Paris au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CPAM de Paris la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la CPAM de Paris est rejetée.
Article 2 : La CPAM de Paris versera à M. A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
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N° 17PA02259