La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2019 | FRANCE | N°17PA03656

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 17 janvier 2019, 17PA03656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F..., Mme B...F...et Mme C...F..., représentés par Me Beynet, ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à leur verser la somme de 800 486,33 euros en réparation des préjudices subis par M. D...F...lors de sa prise en charge au sein de l'hôpital d'instruction des armées Bégin.

Par un jugement n° 1510489 du 22 septembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat, d'une part, à verser à M. D...F...la somme de 139 975,96 euros, à Mme B...F... la somm

e de 3 000 euros et à MmeC... F... la somme de 2 000 euros, d'autre part, à verser...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F..., Mme B...F...et Mme C...F..., représentés par Me Beynet, ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à leur verser la somme de 800 486,33 euros en réparation des préjudices subis par M. D...F...lors de sa prise en charge au sein de l'hôpital d'instruction des armées Bégin.

Par un jugement n° 1510489 du 22 septembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat, d'une part, à verser à M. D...F...la somme de 139 975,96 euros, à Mme B...F... la somme de 3 000 euros et à MmeC... F... la somme de 2 000 euros, d'autre part, à verser à M.F..., à compter du 22 septembre 2017, au titre des frais d'assistance d'une tierce personne, une rente d'un montant annuel de 8 988 euros, sous déduction, le cas échéant, des sommes que l'intéressé pourra percevoir au titre de la majoration pour tierce personne puis de la pension de vieillesse, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 121 233,50 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2016 et à verser à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France la somme de 58 230,83 euros ainsi que les arrérages de la majoration de la pension d'invalidité pour l'aide d'une tierce personne servie à M. F...à échoir à compter du 22 septembre 2017 sur production de justificatifs et au fur et à mesure des échéances jusqu'à la date de substitution d'une pension de vieillesse servie par la caisse nationale d'assurance vieillesse, avec les intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2016, enfin à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2017, et deux mémoires en réplique, enregistrés les 26 et 28 novembre 2018, M. D... F..., Mme B...F...et Mme C...F..., représentés par Me Beynet, demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1510489 du 22 septembre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions indemnitaires ;

2°) à titre principal, de condamner l'Etat à verser à M. D... F...la somme totale de 761 765,53 euros, soit, au titre des :

* préjudices patrimoniaux :

- Frais divers :

o Frais de télévision : 399,50 euros ;

o Honoraires médecin conseil : 300 euros ;

o Frais de copie du dossier médical : 22,86 euros ;

o Tierce personne (avant consolidation) : 18 772 euros ;

o Frais de transport : 781,56 euros ;

- Aménagement du véhicule : 39 268,14 euros ;

- Dépenses de santé futures : 19 696,87 euros ;

- Tierce personne (après consolidation) : 555 458,40 euros ;

- Privation de jouissance du jardin : 13 390,20 euros ;

* préjudices extra-patrimoniaux :

- Déficit fonctionnel temporaire : 4 676 euros ;

- Souffrances endurées : 15 000 euros ;

- Préjudice esthétique temporaire : 6 000 euros ;

- Préjudice esthétique permanent : 3 000 euros ;

- Déficit fonctionnel permanent : 60 000 euros ;

- Préjudice d'agrément : 15 000 euros ;

- Préjudice sexuel : 10 000 euros.

Et de condamner l'Etat à verser à M. D...F...la somme provisionnelle de 11 916 euros à valoir sur l'indemnisation de l'aménagement futur de son logement ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à verser à M. D... F...la somme totale de 761 765,53 euros pour les chefs de préjudice détaillés ci-dessus, de condamner l'Etat à verser à M. D...F...la somme provisionnelle de 11 916 euros à valoir sur l'indemnisation de l'aménagement futur de son logement et d'ordonner une expertise médicale et désigner tel expert qui lui plaira avec la mission de déterminer le besoin en tierce personne de M. D... F...découlant des séquelles qu'il conserve de l'infection nosocomiale dont il a été victime ;

4°) de rejeter la demande d'imputation de sa créance de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de Marne ;

5°) de condamner l'Etat à verser à Mme B...F...une indemnité de 15 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement ;

6°) de condamner l'Etat à verser à Mme C...F...une indemnité de 10 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement ;

7°) de condamner l'Etat à verser à Mme C...F...une indemnité de 5 250 euros au titre du préjudice économique ;

8°) de condamner l'Etat aux dépens ;

9°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant des frais d'assistance par une tierce personne ;

- les dépenses de santé futures éventuelles doivent être réservées ;

- s'agissant des frais d'assistance par une tierce personne pour la période précédant la consolidation, le jugement devra être infirmé en ce qu'il a, d'une part, limité à une heure par jour le besoin en aide humaine de M. F...et, d'autre part, imputé intégralement la majoration de la pension d'invalidité versée par la Caisse alors que la dernière attestation de créance produite laisse douter de l'imputabilité à l'accident de l'intégralité de la majoration versée. Une indemnité de 18 772 euros doit être versée à ce titre ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté la demande concernant les frais de transport exposés par Mme B...F...et Mme C...F...à hauteur de 781,56 euros, qui sont établis ;

- les frais d'aménagement du domicile de M.F..., qui ne concernent pas uniquement la salle de bains, doivent être réservés ;

- l'indemnisation des frais d'adaptation du véhicule de M. F...doit être portée à la somme de 39 268,14 euros ;

- l'indemnisation des frais d'achat des fauteuils roulants, manuel et électrique, de M. F... doit être portée à la somme de 30 239,71 euros ;

- s'agissant des frais d'assistance par une tierce personne pour la période postérieure à la consolidation, l'indemnité doit être portée à la somme de 555 458,40 euros ;

- contrairement à ce qu'a estimé le jugement attaqué, la privation de jouissance de son jardin doit être indemnisée à hauteur de 13 390,20 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire a été insuffisamment indemnisé ; une indemnité de

4 676 euros doit être allouée à ce titre ;

- les souffrances endurées doivent être indemnisées à hauteur de 15 000 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire doit être indemnisé à hauteur de 6 000 euros ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément, qui doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros ;

- le préjudice sexuel, dont l'existence a été reconnue par l'expertise médicale, doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;

- l'indemnisation du préjudice esthétique permanent doit être portée à 3 000 euros ;

- l'indemnisation du préjudice d'accompagnement de Mme B...F..., épouse de la victime, et de Mme C...F..., fille de la victime, doit être portée respectivement aux sommes de 15 000 et 10 000 euros ;

- l'indemnisation du préjudice économique de Mme C...F..., fille de la victime, doit être portée à la somme de 5 250 euros.

Par un mémoire , enregistré le 26 juin 2018, la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, représentée par Me Fergon, conclut, d'une part, à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'Etat à garantir le remboursement de sa créance, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à prendre en charge le montant du préjudice total soumis au recours de la CRAMIF, soit la somme de 62 956,16 euros, assortie des intérêts de droit à compter de la première demande, en outre, à la condamnation de l'Etat au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale s'élevant à la somme de 1 066 euros, et enfin à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle établit, par la production d'une attestation de créance du 14 mars 2018, le montant des débours qu'elle a effectués au bénéfice de son assuré social.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2018, la ministre des armées conclut, d'une part, au rejet de la requête ; à cette fin, elle soutient que le tribunal administratif a fait une juste appréciation des préjudices subis par les consorts F...s'agissant des frais de transport, de l'assistance temporaire par une tierce personne, de l'aménagement du domicile, de l'aménagement du véhicule, de l'assistance par une tierce personne, de la privation de jouissance du jardin, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice d'agrément, du préjudice d'affection et du préjudice économique allégué par Mme C...F.... D'autre part, par la voie de l'appel incident, elle demande la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a alloué aux requérants des indemnités indues ; à cette fin, elle soutient que les frais de télévision, qui ne sont pas en lien avec l'accident, ne sont pas indemnisables, que l'indemnisation du renouvellement du fauteuil roulant électrique doit être indemnisé à hauteur de 16 591,22 euros, et non de 16 491,33 euros comme l'a fait le jugement attaqué, que ce jugement doit être réformé en ce qu'il n'a posé aucune limite temporaire au versement de l'indemnité pour l'assistance future par une tierce personne, que le jugement attaqué a alloué une indemnité excessive au titre du déficit fonctionnel temporaire, que le jugement attaqué a alloué une indemnité excessive au titre du déficit fonctionnel permanent, qu'il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité au titre du préjudice sexuel, qui, à titre subsidiaire, est excessive.

Par un mémoire, enregistré le 27 novembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, représentée par Me Fergon, conclut, d'une part, à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'Etat à garantir le remboursement de sa créance, d'autre part, à ce que l'Etat soit condamné à rembourser le montant du préjudice total soumis au recours de la caisse primaire d'assurance maladie, soit la somme de 147 534,61 euros, assortie des intérêts de droit à compter de la première demande, de plus, à ce que l'Etat soit condamné à rembourser le montant du préjudice total soumis au recours de la caisse primaire d'assurance maladie, qui vient aux droits de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, au titre de la pension d'invalidité, soit la somme de 62 956,16 euros, assortie des intérêts de droit à compter de la première demande, en outre, à ce que l'Etat soit condamné au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale s'élevant à la somme de 1 066 euros, et enfin à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle établit, par la production d'une attestation de créance du 14 mars 2018, le montant des débours qu'elle a effectués au bénéfice de son assuré social, et que c'est à tort que le jugement attaqué n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes de remboursement.

Par ordonnance du 13 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2018.

Un mémoire a été produit par la ministre des armées le 3 décembre 2018, soit après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de la sécurité sociale,

- l'arrêté du 20 décembre 2017 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Beynet, avocat des consortsF..., et de MeG..., substituant Me Fergon, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 1510489 du 22 septembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat, d'une part, à verser à M. D...F...la somme de 139 975,96 euros, à Mme B...F... la somme de 3 000 euros et à Mme C...F... la somme de 2 000 euros, d'autre part, à verser à M.F..., à compter du 22 septembre 2017, au titre des frais d'assistance d'une tierce personne, une rente d'un montant annuel de 8 988 euros, sous déduction, le cas échéant, des sommes que l'intéressé pourra percevoir au titre de la majoration pour tierce personne puis de la pension de vieillesse, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 121 233,50 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2016 et à verser à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France la somme de 58 230,83 euros ainsi que les arrérages de la majoration de la pension d'invalidité pour l'aide d'une tierce personne servie à M. F...à échoir à compter du 22 septembre 2017 sur production de justificatifs et au fur et à mesure des échéances jusqu'à la date de substitution d'une pension de vieillesse servie par la caisse nationale d'assurance vieillesse, avec les intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2016, enfin à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Les consorts F...d'une part, et la ministre des armées d'autre part, par la voie de l'appel incident, demandent la réformation de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des points 19 à 23 du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu, de manière détaillée, à l'argumentation des consorts requérants concernant les frais d'assistance par tierce personne pour les trois périodes concernées, soit avant la consolidation de l'état de santé de M.F..., entre la consolidation et le jugement attaqué, et pour l'avenir. Par suite, le moyen tiré de ce que la motivation du jugement attaqué serait insuffisante doit être écarté comme manquant en fait.

Sur l'évaluation des préjudices :

3. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

4. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté en appel, que M. D... F... a subi des préjudices qui résultent, d'une part, des manquements fautifs commis lors de sa prise en charge à l'hôpital d'instruction des armées Bégin et qui doivent être indemnisés dans la limite d'un taux de perte de chance de 50 % et, d'autre part, de l'infection nosocomiale dont il a été victime et qui doivent être intégralement indemnisés.

En ce qui concerne les préjudices subis par M. D...F... :

Quant aux préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

5. En premier lieu, il ressort de la notification définitive des débours du 22 mars 2018 produite par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne que celle-ci a exposé, pour le compte de M.F..., des frais d'hospitalisation du 11 février 2013 au 19 avril 2013 à l'hôpital d'instruction des armées Bégin pour un montant de 102 400 euros. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'en l'absence de complications infectieuses, la durée de l'hospitalisation de M. F...pour procéder au retrait du matériel d'ostéosynthèse pouvait être fixée à six jours. Ainsi, les frais d'hospitalisation pour cette période de six jours sont liés aux manquements fautifs commis par l'hôpital d'instruction des armées Bégin lors de la prise en charge du requérant ; il y a donc lieu de condamner l'Etat à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 4 585,07 euros, compte tenu du taux de perte de chance de 50 % retenu. Par ailleurs, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne justifie avoir exposé des débours d'un montant total de 124 568,20 euros correspondant aux frais d'hospitalisation à l'hôpital d'instruction des armées Bégin entre le 18 février et le 29 mai 2013 et au centre de rééducation de Champigny-sur-Marne entre le 9 juin 2013 et le 31 janvier 2014 ; l'ensemble de ces frais est imputable à l'infection nosocomiale contractée au sein de l'hôpital d'instruction des armées Bégin. Dès lors, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne est fondée à demander la somme de 124 568,20 euros au titre du remboursement de ses débours. Par suite, l'Etat doit être condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme totale de 129 153,27 euros au titre des dépenses de santé.

6. En deuxième lieu, s'agissant des autres prestations en nature mentionnées dans la notification définitive des débours du 22 mars 2018 produite par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (frais médicaux exposés du 20 décembre 2012 au 2 août 2013 pour un montant de 483,28 euros, frais pharmaceutiques exposés du 16 février 2013 au 19 décembre 2013 pour un montant de 18 euros, et frais de transport exposés du 15 janvier 2013 au 30 janvier 2014 pour un montant de 20 006,97 euros), c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que, dès lors que la notification des débours définitifs ne distinguait pas, au sein de ces frais, entre les dépenses liées aux fautes commises par l'hôpital d'instruction des armées Bégin et celles liées à l'infection nosocomiale contractée par M. F...au sein de cet établissement, malgré la mesure d'instruction qui avait été effectuée le 16 août 2018 pour demander de détailler l'imputabilité de ces débours, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne n'avait pas mis la juridiction en mesure d'apprécier la somme exacte au remboursement de laquelle il convenait de condamner l'Etat, et avait ainsi rejeté cette demande.

7. En troisième lieu, si la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, dans son mémoire du 27 novembre 2018, demande le remboursement des frais d'appareillage (fauteuil roulant) pour un montant de 1 767,03 euros, ce poste n'apparaît toutefois pas dans la notification définitive des débours du 22 mars 2018 produite par la caisse. Par suite, cette demande doit être rejetée.

8. En quatrième lieu, les consorts F...font valoir que M. F...a exposé des dépenses de santé, mais se bornent à demander que ce poste de préjudice soit réservé dans l'attente de la production de justificatifs d'éventuelles dépenses de santé restées à sa charge. Par suite, s'il est loisible à M. F...de demander, à l'avenir, une indemnité complémentaire au titre de ces éventuelles dépenses de santé restées à sa charge, sa demande ne peut, en l'état du dossier, qu'être rejetée.

9. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. F..., qui pouvait auparavant se déplacer sur de très courtes distances à l'aide de cannes anglaises ou d'une simple canne selon son état du moment, ne peut désormais se déplacer qu'en fauteuil roulant du fait des complications infectieuses dont il a été victime. M. F...justifie, par la production de factures, avoir exposé des dépenses de santé relatives à l'acquisition d'un fauteuil roulant manuel et d'un fauteuil roulant électrique pour des montant laissés à sa charge de 3 469,09 euros et 1 702,06 euros, après déduction de la part remboursée par la sécurité sociale. S'il soutient avoir également acquis un fauteuil roulant électrique en 2014 pour un montant de 2 279 euros, il ne l'établit pas en se bornant à produire la copie d'une page d'un site en ligne faisant apparaitre le prix de différents fauteuils roulants, dont l'un à un prix de 2 279 euros. Pour l'avenir, et en retenant une fréquence de renouvellement tous les sept ans, il y a lieu, d'une part, d'évaluer le préjudice concernant l'acquisition et le renouvellement du fauteuil roulant manuel à la somme de 8 541,89 euros, compte tenu de l'âge de M. F...au premier renouvellement et du coefficient de capitalisation fixé à 17,236 par le barème de capitalisation 2018 de la Gazette du Palais. D'autre part, s'agissant du fauteuil roulant électrique, en retenant une fréquence de renouvellement du fauteuil roulant tous les sept ans, il y a lieu d'évaluer le préjudice en capital à la somme de 3 865,86 euros, compte tenu de l'âge de l'intéressé au premier renouvellement et du coefficient de capitalisation fixé à 15,899 par le barème de capitalisation 2018 de la Gazette du Palais. Par suite, il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 17 578,90 euros au titre des frais d'acquisition et de renouvellement des fauteuils roulants manuel et électrique. Le jugement attaqué doit ainsi être réformé en ce qu'il a alloué à ce titre une indemnité de 16 591,22 euros.

S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne avant consolidation :

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les deux experts, un chirurgien orthopédiste et un réanimateur infectiologue, ont procédé à une expertise contradictoire et ont remis leur rapport d'expertise le 12 mai 2014, sur la base duquel la commission de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France a émis son avis le 19 juin 2014 ; en outre, les consorts F...ont versé au dossier une note du 1er novembre 2014 rédigée par leur médecin conseil, le Dr E.... Dans ces conditions, les conclusions des consorts F...tendant à ce qu'une expertise complémentaire portant sur les besoins d'aide par une tierce personne de M. F...soit diligentée ne présenterait aucune utilité pour la solution du litige. Par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées.

11. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que, d'une part, si M.F..., qui est atteint, depuis l'âge de 38 ans, d'une maladie de

Charcot-Marie-Tooth responsable d'une invalidité importante, l'assistance par une tierce personne rendue directement nécessaire du fait de l'infection dont il a été victime doit être évaluée à une heure quotidienne, quand bien même son état général nécessite une aide complémentaire, compte tenu de ce que les experts médicaux ont estimé que son déficit fonctionnel permanent directement et certainement imputable à l'infection s'élevait à 22 % sur un déficit fonctionnel permanent total de 75 %, les autres facteurs tenant à l'état antérieur (40 %), aux séquelles de la fracture de l'extrémité supérieure du fémur qui auraient subsisté indépendamment de toute complication (8 %) et aux troubles urinaires non imputables à l'infection (5%). Par suite, c'est à bon droit que le jugement attaqué a retenu une heure quotidienne d'assistance par une tierce personne avant consolidation. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. F...était titulaire, depuis le 2 octobre 1996, d'une pension d'invalidité de deuxième catégorie, qui a été transformée en pension de troisième catégorie (soit une pension d'invalidité de deuxième catégorie, majorée pour l'assistance par une tierce personne) à compter du 1er mars 2013 du fait des séquelles de l'intervention chirurgicale du 11 décembre 2012, cette majoration pour l'assistance par une tierce personne s'élevant initialement à 12 989,19 euros et ayant été revalorisée, en application des dispositions des articles L. 341-6 et R. 341-7 du code de la sécurité sociale, à 13 289,96 euros au 1er avril 2017. A compter du 31 janvier 2018, cette pension d'invalidité a été convertie en une pension de vieillesse servie par la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, en application des articles L. 341-15 et L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale. Bien que cette majoration de la pension d'invalidité pour l'assistance par une tierce personne (correspondant à une pension d'invalidité dite de troisième catégorie) soit globale et forfaitaire, et donc non proportionnée au nombre d'heures d'assistance par une tierce personne nécessaires aux personnes qui en bénéficient, elle est au nombre des indemnités pouvant donner lieu à recours subrogatoire du tiers payeur et, partant, à imputation sur le montant de l'indemnisation accordée à la victime. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la majoration de la pension d'invalidité pour l'aide par une tierce personne prévue à l'article R. 341-6 du code de la sécurité sociale devait venir en déduction des sommes versées en indemnisation des frais liés au recours à une tierce personne par M.F..., qu'en l'espèce elle couvrait dans leur intégralité.

S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne de la date de consolidation de l'état de santé de M. F...au 31 janvier 2018 :

12. Comme il a été dit ci-dessus, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'assistance par une tierce personne rendue directement nécessaire du fait de l'infection nosocomiale dont M. F...a été victime doit être évaluée à une heure quotidienne. D'une part, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que, pour les périodes allant de la date de consolidation de l'état de santé de M. F...à la date du jugement attaqué et postérieure à la date de ce jugement, en retenant un taux horaire de 22,47 euros et une base annuelle de 400 jours, incluant les congés payés, et à raison d'un besoin d'assistance d'une heure par jour, sept jours sur sept, les frais futurs d'assistance d'une tierce personne de M. F...doivent être évalués, annuellement, à la somme de 8 988 euros. D'autre part, dès lors que, comme il a été dit, M. F... a bénéficié d'une pension d'invalidité de troisième catégorie du 1er mars 2013 au 31 janvier 2018, comprenant une majoration pour l'assistance par une tierce personne d'un montant initial de 12 989,19 euros qui a été revalorisé à la somme de 13 289,96 euros au 1er avril 2017, le préjudice subi par M. F...pendant la période considérée au titre de l'assistance par une tierce personne doit être regardé comme étant intégralement réparé, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges pour la période allant du 1er février 2014 à la date du jugement attaqué

(22 septembre 2017). Pour le même motif, ce préjudice doit être regardé comme étant intégralement réparé de la date du jugement attaqué (22 septembre 2017) au 31 janvier 2018.

S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne à compter du 31 janvier 2018 :

13. Comme il a été dit ci-dessus, à compter du 31 janvier 2018, la pension d'invalidité de troisième catégorie dont M. F...était bénéficiaire a été convertie en une pension de vieillesse servie par la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, en application des articles L. 341-15 et L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale. Dès lors, l'Etat devra verser à M. F...une rente annuelle de 8 988 euros sous déduction, le cas échéant, des sommes que l'intéressé pourra percevoir au titre de la majoration pour l'assistance par une tierce personne de sa pension de vieillesse, qu'il appartiendra, dans ce cas, à M. F...de porter à la connaissance de l'Etat, cette rente devant être versée par trimestre échu, avec revalorisation par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. De plus, dès lors qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, repris sur ce point dans l'avis du 19 juin 2014 de la commission de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France, que l'évolution naturelle propre de la maladie de Charcot-Marie­Tooth dont M. F...était atteint l'aurait inéluctablement conduit, dans un délai de dix à quinze ans, à un état analogue à celui qu'il présente actuellement, le dommage ayant donc précipité la dégradation de son état, il n'y a lieu de ne verser cette rente que jusqu'au 31 décembre 2029, comme le soutient à bon droit la ministre des armées dans son appel incident.

S'agissant des frais d'adaptation du logement au handicap de M. F...:

14. Le jugement attaqué a estimé qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. F... la somme de 11 916 euros au titre des travaux d'adaptation du logement, sur la base d'un devis détaillé relatif à l'aménagement de sa salle de bains (création notamment d'une douche à l'italienne) pour un montant de 12 286 euros, duquel devait être retirée la somme de 370 euros relative à l'achat d'un radiateur de type séche-serviette et à la fourniture et pose d'une armoire, qui ne pouvaient être regardés comme étant directement en lien avec les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale. Si les consorts F...font valoir que l'ensemble du logement occupé par M.F..., et non pas seulement la salle de bains, doit être aménagé eu égard au handicap de ce dernier et qu'il convient dès lors de leur verser une provision de 11 916 euros à valoir sur l'indemnisation due au titre de l'aménagement futur du logement, ils ne produisent, à l'appui de leur demande, aucune pièce justificative (devis ou factures). Par suite, s'il est loisible à M. F...de demander, à l'avenir, une indemnité complémentaire pour l'aménagement de son domicile, sa demande de provision ne peut, en l'état du dossier, qu'être rejetée.

S'agissant des frais d'adaptation du véhicule au handicap de M. F...:

15. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de

M. F...nécessite que son véhicule soit aménagé, notamment pour qu'un fauteuil roulant puisse y être chargé et que les commandes de conduite soient adaptées au handicap de M. F.... Les consorts F...ont produit deux devis, le premier du 20 août 2014, pour une somme de 6 688,70 euros TTC, correspondant à un kit standard d'ouverture de porte arrière et un bras robot chargeur, le second, pour une somme de 5 400,68 euros TTC, pour un anneau accélérateur à transmission numérique s'adaptant à la vitesse du véhicule et un frein principal à main droite intégré au tableau de bord et actionné vers le bas, soit un total de 12 089,38 euros TTC, dont M. F...est fondé à demander le remboursement. M. F...sollicite, en sus de l'aménagement initial du véhicule, le renouvellement de cet aménagement à deux reprises, en se fondant sur les conclusions des experts. Par suite, il y a lieu de condamner l'Etat à lui rembourser la somme totale de 36 268,14 euros au titre des frais d'adaptation du véhicule à son handicap. Le jugement attaqué doit ainsi être réformé en ce qu'il a alloué à ce titre une indemnité de

36 119,61 euros.

S'agissant des frais divers :

16. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la ministre des armées, les frais occasionnés par la location de l'usage d'un poste de télévision lors d'une hospitalisation peuvent faire l'objet d'une indemnisation dès lors que cette hospitalisation est la conséquence d'une faute du service public hospitalier ou, le cas échéant, d'une infection nosocomiale. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que M. F...justifiait, par la production d'une facture, avoir exposé des frais de télévision durant son hospitalisation à l'hôpital d'instruction des armées Bégin le 12 février 2013 pour une période de sept jours d'un montant de 27 euros, que ces frais étaient liés aux manquements fautifs commis par l'hôpital d'instruction des armées Bégin lors de la prise en charge du requérant, indépendamment des complications infectieuses subies, qu'il y avait donc lieu de condamner l'Etat à rembourser à M. F...la somme de 13,50 euros, compte tenu du taux de perte de chance de 50 % retenu, que l'intéressé établissait également, par la production de factures, avoir exposé des frais de location d'un poste de télévision au cours de périodes d'hospitalisation en lien avec son infection nosocomiale pour un montant total de 386 euros, qu'il était ainsi fondé à demander le remboursement intégral de cette somme à l'Etat et que, par suite, il y avait lieu de condamner l'Etat à verser la somme totale de 399,50 euros au titre des frais de location de l'usage d'un poste de télévision.

17. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. F...a été hospitalisé du 11 février 2013 au 26 avril 2013 à l'hôpital d'instruction des armées Bégin, puis a fait l'objet d'une hospitalisation au centre de rééducation de Champigny-sur-Marne du 26 avril 2013 au 29 mai 2013, soit, respectivement, pendant 74 jours et 33 jours. Mme B...F..., son épouse, et Mme C...F..., sa fille, soutiennent, sans être contredites, avoir rendu visite quotidiennement à leur mari et père en utilisant leur véhicule. Par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice en condamnant l'Etat à verser à ce titre une indemnité de 200 euros.

S'agissant des frais de privation de jouissance du jardin :

18. Les consorts F...reprennent en appel la demande, qu'ils avaient présentée en première instance, tendant au remboursement du loyer dont M. F...s'acquitte pour la jouissance d'un jardin attenant à son domicile. Il y a lieu de rejeter cette demande indemnitaire par adoption du motif retenu par le Tribunal administratif de Melun dans le jugement attaqué.

Quant aux préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

19. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. F... a subi une période de déficit fonctionnel temporaire total du 11 février 2013 au 29 mai 2013 correspondant à son hospitalisation à l'hôpital d'instruction des armées Bégin, dans le service d'orthopédie du 11 février 2013 au 11 mars 2013, puis dans le service des maladies infectieuses du même hôpital, à son retour à son domicile du 12 au 23 avril 2013, puis à son hospitalisation du 26 avril au 29 mai 2015, en hospitalisation complète, au sein du centre de rééducation de Champigny-sur-Marne. Il a ensuite subi une période de déficit fonctionnel temporaire partiel, évalué à 32 %, du 30 mai 2013 au 31 janvier 2014, pendant la période où il a été hospitalisé en hôpital de jour au sein du centre de rééducation de Champigny-sur-Marne. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en ramenant à la somme de 3 100 euros la somme de 4 426,77 euros qui avait été allouée par les premiers juges au titre du déficit fonctionnel temporaire.

20. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les souffrances endurées par M. F...peuvent être évaluées à 4,5 sur une échelle de 7 du fait de l'ensemble des complications subies en raison de son infection nosocomiale. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en portant son indemnisation à la somme de 10 000 euros, le jugement attaqué devant être réformé sur ce point.

21. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le préjudice esthétique temporaire subi par M. F...du fait des complications infectieuses subies, a été évalué par les experts à 4 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont fait une juste indemnisation de ce préjudice en fixant son indemnisation à la somme de 2 000 euros.

S'agissant des préjudices permanents :

22. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel permanent dont est atteint M.F..., directement et certainement lié au dommage constitué par l'infection nosocomiale, a été évalué à 22 % (le déficit fonctionnel permanent total ayant été évalué à 75%, dont 40 % correspondent à l'état antérieur, 8 % sont liés aux séquelles de sa fracture indépendamment de toute complication infectieuse et 5 % à l'apparition de troubles urinaires non imputables aux complications subies par la victime, ainsi qu'il a été dit). Eu égard aux circonstances que, d'une part, M. F...était âgé de 58 ans à la date de consolidation, le 31 janvier 2014, et que, d'autre part, il n'y a lieu de ne procéder à l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent que pour une durée de quinze ans, et non jusqu'au décès de la victime, dès lors que, comme il a été dit, l'évolution inéluctable de la pathologie dont est atteint M. F..., la maladie de Charcot-Marie-Tooth, l'aurait conduit à un état similaire à son état actuel dans un délai de dix à quinze ans, la ministre des armées est fondée à soutenir que l'indemnité de 60 000 euros allouées à ce titre par les premiers juges est manifestement excessive. Cette indemnité doit être ramenée à la somme de 25 000 euros, le jugement attaqué devant être réformé sur ce point.

23. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le préjudice esthétique permanent de M. F...a été évalué à 2,5 sur une échelle de 7, en tenant compte de son état antérieur. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en portant son indemnisation à la somme de 2 000 euros, le jugement attaqué devant être réformé sur ce point.

24. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M.F..., avant l'infection dont il a été victime, pratiquait la pêche à la ligne, dont la pêche en mer sur le bateau de son frère, et voyageait à l'étranger. Si l'obligation dans laquelle il se trouve désormais de circuler en fauteuil roulant n'est pas un obstacle absolu à la poursuite de ces activités de loisir, elle constitue néanmoins une gêne importante, dont il sera fait une juste appréciation en allouant une indemnité de 3 000 euros au titre du préjudice d'agrément.

25. En quatrième lieu, M. F...allègue subir un préjudice sexuel, dont le rapport d'expertise a estimé qu'il pouvait être admis en raison des difficultés de mobilisation de la hanche, mais qu'il devait être apprécié en fonction de l'état de santé antérieur de la victime. Les premiers juges ont fait une juste indemnisation de ce préjudice en fixant son indemnisation à la somme de 2 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices subis par l'épouse et la fille de M.F... :

26. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mmes B...et C...F...ont subi un préjudice d'affection du fait de la dégradation de l'état de santé de leur mari et père. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice de Mme B...F...en lui allouant la somme de 3 000 euros et du préjudice de Mme C...F..., qui a quitté le domicile familial fin 2014, en lui allouant la somme de 2 000 euros.

27. En second lieu, si Mme C... F...a travaillé à mi-temps du 1er juillet 2014 au 1er février 2015, elle n'établit pas que l'aide qu'elle allègue avoir alors apportée à son père ait trouvé sa cause directe et exclusive dans les conséquences de l'infection nosocomiale dont ce dernier a été atteint, alors que d'une part celui-ci, comme il a été dit, bénéficiait à ce titre de l'assistance d'une tierce personne à raison d'une heure quotidienne et, d'autre part, que son état de santé antérieur à l'infection pouvait également justifier qu'une aide lui soit apportée. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de Mme C... F...tendant à la perte de revenus, qu'elle évalue à la somme de 5 250 euros, correspondant à la période de sept mois pendant laquelle elle a travaillé à mi-temps.

28. Il résulte de tout ce qui précède que la somme totale de 144 935,16 euros que le jugement attaqué a condamné l'Etat à verser aux consorts F...doit être ramenée à la somme de 113 785,40 euros. En outre, l'Etat devra verser à M. F...une rente jusqu'au 31 décembre 2029 dans les conditions définies au point 13 du présent arrêt.

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, en son nom propre et venant aux droits de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France :

29. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'Etat doit être condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme totale de 130 356,35 euros, en ce incluse la somme de 1 203,08 euros correspondant au remboursement, non contesté, des indemnités journalières versées à M. F...entre le 18 décembre 2012 et le 27 février 2013 pour un montant de 2 406,16 euros, après affectation du taux de perte de chance de 50 %. Cette somme de 130 356,35 euros portera intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2016, date d'enregistrement de la demande au greffe du Tribunal administratif de Melun.

30. En second lieu, il résulte de l'instruction que la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ont signé une convention de cessions relative au transfert de l'activité du recours contre les tiers avec effet au 1er septembre 2018, laquelle emporte, aux termes de son article 4, le transfert de la totalité de ses créances à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne. Par suite, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne est fondée à demander le remboursement à son profit des indemnités dues à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France.

31. Il résulte de ce qui précède que dès lors que les besoins quotidiens de M. F...d'assistance par une tierce personne du fait de l'infection dont il a été victime ont été évaluées à une heure, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, venant aux droits de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, n'est pas fondée à demander le remboursement de l'intégralité des arrérages échus et la capitalisation de la majoration de la pension d'invalidité avec la majoration pour l'assistance par une tierce personne servie à M.F..., mais peut uniquement demander la somme correspondant au coût de cette heure quotidienne d'assistance. La pension d'invalidité majorée pour l'assistance par une tierce personne ayant été versée à compter du 1er mars 2013 jusqu'au 31 janvier 2018, date à laquelle elle a été convertie en une pension de vieillesse servie par la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, il y a lieu, sur la base d'un taux horaire de 22,47 euros et une base annuelle de 400 jours, incluant les congés payés, de condamner l'Etat à verser à ce titre à la caisse primaire d'assurance maladie du

Val-de-Marne la somme de 44 191 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2016, date d'enregistrement de la demande au greffe du Tribunal administratif de Melun.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

32. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) " ; aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2017 susvisé : "Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1 066 € et à 106 € à compter du 1er janvier 2018. ".

33. En application de ces dispositions, il y lieu de condamner l'Etat à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les frais liés à l'instance :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les consorts F...demandent au titre des frais liés à l'instance et exposés par eux.

35. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne les frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 146 975,96 euros que l'Etat a été condamné à verser aux consorts F...est ramenée à la somme de 118 785,40 euros, soit 113 785,40 euros à M. D...F..., 3 000 euros à Mme B...F...et 2 000 euros à Mme C...F....

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M.F..., à compter du 1er février 2018, au titre des frais d'assistance par une tierce personne, une rente d'un montant annuel de 8 988 euros, sous déduction, le cas échéant, des sommes que l'intéressé pourra percevoir au titre de la majoration pour tierce personne de sa pension de vieillesse, qu'il appartiendra, dans ce cas, à l'intéressé de porter à la connaissance de l'Etat. Le versement de la rente interviendra par trimestre échu, avec revalorisation par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Le versement de cette rente prendre fin au 31 décembre 2029.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 174 547,35 euros, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2016.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des consortsF..., de l'appel incident de la ministre des armées et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne est rejeté.

Article 5 : Le jugement attaqué du 22 septembre 2017 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : L'Etat est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 7 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., à Mme B...F..., à Mme C...F..., à la ministre des armées, à la caisse primaire d'assurance maladie du

Val-de-Marne et à la caisse nationale d'assurance vieillesse.

Copie en sera délivrée à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2019.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

C. POVSE

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N° 17PA03656


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award