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10/01/2019 | FRANCE | N°17PA02942

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 janvier 2019, 17PA02942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2017 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1711589/8 du 20 juillet 2017, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée par télécopie le 24 août 2017, régularisée le 28 août 2017, et par un mémoire enregistré le 17 juillet 2018, M.A..., représent

é par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 juillet 2017, du magistrat désigné ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2017 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1711589/8 du 20 juillet 2017, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée par télécopie le 24 août 2017, régularisée le 28 août 2017, et par un mémoire enregistré le 17 juillet 2018, M.A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 juillet 2017, du magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 juillet 2017 par lequel le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités bulgares ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté du préfet de police a été notifié dans des conditions irrégulières ; la notification n'a en effet pas été faite en langue patchou, seule langue qu'il comprend, en méconnaissance de l'article 26 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et des articles L. 111-8 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué ne comporte aucune motivation concernant les risques de mauvais traitement en Bulgarie ;

- le préfet de police a entaché son arrêté d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il n'a jamais présenté de demande d'asile en Bulgarie ; il devait donc faire l'objet, non d'une " reprise en charge " sur le fondement de l'article 18-1, b) du règlement, mais d'une " prise en charge " sur le fondement de l'article 18-1, a) ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où le nom et les coordonnées de l'interprète et son inscription à l'une des listes mentionnées à cet article et à l'article L. 111-9 du même code ou à un organisme d'interprétariat ou de traduction agréé, n'y sont pas précisés ;

- il existe des défaillances systémiques en Bulgarie, rendant impossible l'examen de sa demande d'asile dans cet Etat ; il existe un risque de refoulement vers l'Afghanistan ; pour ces motifs, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de mettre en oeuvre la clause de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; il a également méconnu l'article 3, paragraphe 2, de ce même règlement, les stipulations de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article L. 712-1, c) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, par voie de conséquence, les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit à un recours effectif ;

- l'arrêté du préfet de police méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, il a des attaches familiales sur le territoire français.

Les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2017 par lequel le préfet de police a prononcé la remise aux autorités bulgares de M. A... puisque le délai d'exécution de six mois prévu à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 a expiré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les délais d'exécution de la mesure de transfert ont été prorogés jusqu'au 20 janvier 2019, M. A...ayant pris la fuite ;

- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 21 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système "Eurodac" pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant afghan, né le 26 juillet 1994, entré en France le 10 mars 2017 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 6 juillet 2017, le préfet de police a décidé sa remise aux autorités bulgares. Par un jugement du 20 juillet 2017, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A...fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, les conditions de notification d'une décision administrative n'affectent pas sa légalité et n'ont d'incidence que sur les voies et délais de recours contentieux. Par suite, la circonstance, à la supposer établie, que l'arrêté du préfet de police n'aurait pas été notifié à M. A... dans une langue qu'il comprend, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté.

3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comporte l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée, en précisant notamment que M. A...n'établit pas être personnellement exposé à des risques en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Ainsi, il est suffisamment motivé. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de cette motivation que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen attentif de sa situation personnelle.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ;b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ". Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet de police a saisi les autorités bulgares d'une demande de reprise en charge de M. A...sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement. Si l'intéressé allègue n'avoir pas présenté de demande d'asile en Bulgarie et soutient que sa situation relevait, en réalité, du a) du même texte, cette circonstance est sans incidence dés lors que dans ce cas, le préfet pouvait également décider son transfert sur ce fondement et que la substitution de cette base légale à celle du b) n'a pas pour effet de priver M. A...d'une garantie.

5. En quatrième lieu, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif à l'entretien individuel dont le demandeur doit bénéficier, et de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à l'assistance d'un interprète, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

7. La Bulgarie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des refugiés complétée par le protocole de New-York qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales et à celles de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Toutefois, M. A...n'établit pas, par la seule production de rapports généraux concernant la Bulgarie émanant principalement du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et d'organisations non gouvernementales, ainsi que de divers articles de presse, l'existence de telles défaillances en Bulgarie, qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités bulgares dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Enfin, son transfert vers la Bulgarie n'implique pas, en lui même, un risque de refoulement vers l'Afghanistan. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées, ni en tout état de cause celles de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.A....

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M.A..., qui résidait en France depuis quatre mois à la date de l'arrêté attaqué, fait valoir qu'il a trois cousins qui vivent en France. Toutefois, il ne produit aucun élément de nature à attester de la réalité et de l'intensité des liens ainsi invoqués. En l'absence de tels éléments, il n'est pas fondé à soutenir que les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA02942 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02942
Date de la décision : 10/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite - Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : GALINDO SOTO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-10;17pa02942 ?
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