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31/12/2018 | FRANCE | N°18PA02308

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 31 décembre 2018, 18PA02308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alba Star a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision n° 16/384 du 8 novembre 2016 par laquelle l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant de 23 000 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende.

Par un jugement n° 1708835 du 9 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a réduit à 17 000 euros

le montant de l'amende infligée à la société Alba Star, l'a déchargée du paiement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alba Star a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision n° 16/384 du 8 novembre 2016 par laquelle l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant de 23 000 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende.

Par un jugement n° 1708835 du 9 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a réduit à 17 000 euros le montant de l'amende infligée à la société Alba Star, l'a déchargée du paiement de l'amende en tant qu'elle excède ce montant et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 3 décembre 2018, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), représentée par la SCP Lyon-Caen, B..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 9 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris et rejeter la demande de la société Alba Star devant le tribunal ;

2°) à titre subsidiaire, de fixer l'amende mise à la charge de la société Alba Star à la somme de 23 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la société Alba Star le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas suffisamment indiqué les circonstances le conduisant à considérer l'amende comme disproportionnée notamment au regard des arguments mis en avant par l'ACNUSA tirés du nombre de personnes affectées par le bruit de l'atterrissage et des précédents manquements de la compagnie aérienne ;

- l'article L. 6361-13 du code des transports ne fait pas de différence entre les nuisances liées aux atterrissages et aux décollages ;

- la compagnie ne fait état d'aucune contrainte spécifique ni événement indépendant de sa volonté à l'origine de l'heure avancée à laquelle elle a atterri dans la nuit du

21 septembre 2015 alors que les pièces du dossier font apparaître des circonstances qui lui étaient imputables ;

- un écart relativement peu supérieur entre la marge de l'aéronef et celle autorisée ne saurait être considéré comme se traduisant par un faible niveau de nuisance supplémentaire ;

- la compagnie ne saurait se prévaloir d'erreurs ou d'inexactitudes de la documentation Jeppensen dès lors que la seule documentation de référence est la documentation AIP.

Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 19 septembre 2018, la société Alba Star représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a réduit le montant de l'amende que lui a infligé l'ACNUSA que de 6 000 euros, de la décharger de l'obligation de payer la totalité de l'amende qui lui a été infligée et à la mise à la charge de l'ACNUSA le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que le montant de 17 000 euros fixé par le tribunal administratif reste encore excessif par rapport au manquement commis, eu égard aux circonstances de l'espèce, notamment l'absence de récidive sur cet aéroport.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des transports ;

- le code de l'aviation civile ;

- l'arrêté ministériel du 24 avril 2006 portant restriction d'usage de l'aérodrome de Nantes-Atlantique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour l'ACNUSA et de Me A...pour la société Alba Star.

Considérant ce qui suit :

1. L'ACNUSA relève appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a réduit à 17 000 euros le montant de l'amende de 23 000 euros qu'elle a infligée à la société Alba Star par décision n° 16/384 n° 1509NTE190 du 8 novembre 2016 à raison de l'atterrissage le 21 septembre 2015 à 23h48 d'un aéronef de type Boeing 737-400 certifié 3, en méconnaissance de l'arrêté ministériel du 24 avril 2006 portant restriction d'usage de l'aérodrome de Nantes-Atlantique. La société Alba Star présente des conclusions incidentes tendant à la décharge de la totalité de l'amende mise à sa charge.

2. Aux termes de l'article L. 6361-12 du code des transports : " L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires prononce une amende administrative à l'encontre : 1° De la personne exerçant une activité de transport aérien public au sens de l'article L. 6412-1 ; 2° De la personne au profit de laquelle est exercée une activité de transport aérien au sens de l'article

L. 6400-1 ; 3° De la personne exerçant une activité aérienne, rémunérée ou non, autre que celles mentionnées aux 1° et 2° du présent article ; 4° Du fréteur dans le cas défini par l'article

L. 6400-2, ne respectant pas les mesures prises par l'autorité administrative sur un aérodrome fixant : a) Des restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes, de la classification acoustique, de leur capacité en sièges ou de leur masse maximale certifiée au décollage (...) ". Aux termes de l'article L. 6361-13 du même code : " Les amendes administratives mentionnées à l'article

L. 6361-12 ne peuvent excéder, par manquement constaté, un montant de 1 500 € pour une personne physique et de 20 000 € pour une personne morale. S'agissant des personnes morales, ce montant maximal est porté à 40 000 € lorsque le manquement concerne : 1° Les restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes ou de la classification acoustique ; 2° Les mesures de restriction des vols de nuit. Ces amendes font l'objet d'une décision motivée notifiée à la personne concernée. Elles sont recouvrées comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. Elles peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. Aucune poursuite ne peut être engagée plus de deux ans après la commission des faits constitutifs d'un manquement. ". Enfin, aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 24 avril 2006 portant restriction d'usage de l'aérodrome de Nantes-Atlantique : " En vue de réduire les nuisances sonores autour de l'aérodrome de Nantes-Atlantique (Loire-Atlantique), les restrictions d'exploitation suivantes sont décidées sur cette plate-forme : (...) II.6 Sous réserve des dispositions prévues à l'article 4 du présent arrêté, aucun des aéronefs les plus bruyants du chapitre 3 ne peut, sur l'aérodrome de Nantes-Atlantique :

- atterrir entre 22h30 et 6 heures, heures locales d'arrivée sur l'aire de stationnement ; - décoller entre 22h30 et 6 heures, heures locales de départ de l'aire de stationnement. Sous les mêmes réserves, aucun des aéronefs bruyants du chapitre 3 ne peut, sur l'aérodrome de Nantes-Atlantique : - atterrir entre 23h30 et 6 heures, heures locales d'arrivée sur l'aire de stationnement ; - décoller entre 23h30 et 6 heures, heures locales de départ de l'aire de stationnement. ".

3. Saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende, le juge administratif peut substituer au motif sur lequel s'est fondé l'autorité administrative, un autre motif de droit ou de fait relatif au même manquement, sous les conditions que cette substitution ait été demandée par cette autorité lors de l'instruction de l'affaire, que la personne concernée ait été mise en mesure de présenter ses observations sur le nouveau motif envisagé et que la décision du juge ne conduise pas à accroître le montant de l'amende.

4. Pour prononcer l'amende litigeuse de 23 000 euros, l'ACNUSA a retenu dans sa décision du 8 novembre 2016 qu'il y avait lieu de tenir compte " d'un dépassement horaire de

18 minutes seulement après le début de la restriction temporaire à l'usage de certains types d'aéronefs pour une arrivée effectuée à 23h48, heure à laquelle les émergences sonores sont gênantes pour les riverains avec un aéronef dont l'acoustique n'est que de 7,3 EPNdB " et le fait qu'il s'agissait du premier manquement commis par la société Alba Star sur cette plateforme. L'ACNUSA a demandé à la Cour de substituer à ces motifs ceux tirés de ce que la compagnie avait programmé le vol en méconnaissance de la restriction horaire et du comportement multi-récidiviste de la société Alba Star. Dans le cadre des observations qu'elle a présentées sur la demande de substitution de motifs présentée par l'ACNUSA, la société Alba Star fait valoir d'une part, que le vol avait été reprogrammé pour des raisons opérationnelles et qu'un retard de 18 minutes seulement démontre l'absence de toute intentionnalité de commettre une infraction grave et que, d'autre part, le manquement reproché était le premier à la réglementation applicable à l'aérodrome de Nantes. Toutefois, un changement de planning ne saurait être regardé comme une contrainte extérieure indépendante de la volonté de la compagnie et il n'est pas contesté que l'ACNUSA a relevé 11 manquements à la réglementation à l'encontre d'Alba Star entre le 23 août 2012 et le 4 octobre 2017 qui lui sont pleinement opposables quel que soit l'aérodrome sur lequel ils ont été constatés. Par suite, et dès lors que la substitution de motifs ne prive pas cette dernière de garanties, il y a lieu de faire droit à la demande de l'ACNUSA.

5. Eu égard, d'une part, à la gêne occasionnée aux riverains par un atterrissage à 23h48 d'un aéronef certifié 3, en méconnaissance de l'arrêté du 24 avril 2006 portant restriction d'usage de l'aérodrome de Nantes-Atlantique, nonobstant la circonstance que la société Alba Star aurait disposé d'une documentation lacunaire et, d'autre part, à la réitération des manquements de la compagnie aux différentes réglementations applicables aux aérodromes français, l'ACNUSA n'a pas infligé de sanction disproportionnée à la société Alba Star en fixant l'amende due à 23 000 euros alors qu'elle encourait une amende maximale de 40 000 euros sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 6361-13 du code des transports.

6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que l'ACNUSA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a réduit à 17 000 euros le montant de l'amende infligée à la société Alba Star et l'a déchargée du paiement de l'amende à due concurrence. Il y a lieu en conséquence d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société Alba Star devant le tribunal, ainsi que ses conclusions incidentes présentées devant la Cour.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ACNUSA qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société Alba Star la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros à verser à l'ACNUSA sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1708835 du 9 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Alba Star devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions incidentes présentées devant la Cour, sont rejetées.

Article 3 : La société Alba Star versera à l'ACNUSA une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires et à la société Alba Star.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.

La rapporteure,

M. JULLIARDLa présidente,

M. HEERSLa greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre chargé des transports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02308


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02308
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

65-03-04-05 Transports. Transports aériens. Aéroports. Nuisances causées aux riverains.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : CORDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-31;18pa02308 ?
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