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31/12/2018 | FRANCE | N°17PA03710

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 31 décembre 2018, 17PA03710


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 juillet 2016 par laquelle la maire de Paris a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 31 octobre 2016.

Par un jugement n° 1614911/2-3 du 5 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 décembre 2017 et 14 janvier 2018, M. B..., représenté par MeA..., demand

e à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1614911/2-3 du 5 octobre 2017 du Tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 juillet 2016 par laquelle la maire de Paris a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 31 octobre 2016.

Par un jugement n° 1614911/2-3 du 5 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 décembre 2017 et 14 janvier 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1614911/2-3 du 5 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 7 juillet 2016 de la maire de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Il soutient que :

- il n'a pas bénéficié d'un délai de quinze jours pour préparer sa défense devant la commission administrative paritaire, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret 84-961 du 25 octobre 1984 ; qu'en tout état de cause, la ville de Paris a méconnu les droits de la défense, dès lors qu'il a bénéficié d'un délai insuffisant pour préparer sa défense ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; la seule référence à l'avis, même conforme, de la commission consultée, ne satisfait pas à l'exigence de motivation ;

- il n'a bénéficié d'aucune formation professionnelle pourtant obligatoire ;

- les griefs reprochés ne sont pas établis, l'administration n'apportant pas la preuve des manquements ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que son inaptitude professionnelle n'est pas démontrée ; la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée ;

- la ville de Paris est responsable des manquements constatés dès lors qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires de formation, d'organisation et de mise aux normes de la cuisine ; certains faits qui lui sont reprochés sont matériellement inexacts ;

- la décision attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que les griefs sont infondés et que son responsable hiérarchique n'a, quant à lui, reçu qu'un simple avertissement ;

- l'enquête a été menée par la direction de l'information et de la communication dont dépend la cuisine du maire et non par l'inspection générale de la ville de Paris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2018, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stoltz-Valette,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,

- et les observations de Me Froger, avocat de la ville de Paris.

1. Considérant que M. B...a été recruté à partir du 1er septembre 1995 en qualité d'agent contractuel de catégorie A pour occuper les fonctions de cuisinier des salons de l'Hôtel de Ville, dédiés au chef de l'exécutif et à ses adjoints, et relevant de la direction de l'information et de la communication ; qu'à compter du 1er août 2006, il a exercé ses fonctions dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; que par un arrêté du 7 juillet 2016, la maire de la Ville de Paris a licencié M. B... pour insuffisance professionnelle à compter du 31 octobre 2016 ; que M. B...relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 42-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Lorsqu'à l'issue de l'entretien (...), l'autorité territoriale décide de licencier un agent, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) " ;

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.B..., la ville de Paris ne s'est pas bornée à se référer à l'avis émis par la commission consultative paritaire ; qu'en effet l'arrêté attaqué du 7 juillet 2016 vise les textes dont il est fait application, le contrat d'engagement de M. B..., les deux rapports de la direction de l'information et de la communication de mai 2016 et de l'inspection de la préfecture de police de Paris de janvier 2016, ainsi que les raisons pour lesquelles la ville de Paris a estimé que l'insuffisance professionnelle de M. B...justifiait son licenciement ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est dès lors suffisamment motivée au regard des exigences prévues par les dispositions précitées du décret du 15 février 1988 et du code des relations entre le public et l'administration ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 37 de la délibération de décembre 2007, DRH 106, fixant les compétences des commissions administratives paritaires à l'égard des personnels non titulaires de la ville de Paris : " Lorsque la commission est appelée à se prononcer sur une sanction disciplinaire ou un licenciement, elle s'assure que l'agent intéressé a été mis à même de prendre connaissance de son dossier avant la réunion, qu'il a été informé de la possibilité de se faire entendre par la commission, de se faire assister ou représenté par un défenseur de son choix et de demander l'audition de témoins (...) " ;

5. Considérant que le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes de 1994 ne rend pas applicable aux agents de la ville de Paris l'article 4 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ; que par suite, M. B...ne peut utilement se prévaloir du non respect du délai de convocation prévu par cet article par la ville de Paris ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. B...a été informé par courrier du 31 mai 2016, notifié le 7 juin, qu'il était convoqué le 20 juin suivant à une séance devant la commission consultative paritaire ; qu'ainsi il a disposé d'un délai de treize jours pour préparer sa défense ; que dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas disposé d'un délai suffisant ; que le moyen tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense doit, ainsi, être écarté comme manquant en fait ;

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Considérant que le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions ; que, toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées ; que, par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement ;

7. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle dont M.B... a fait l'objet a été prise en raison du manque de rigueur et des négligences récurrentes de l'intéressé dans le respect des normes d'hygiène alimentaire et de sécurité alimentaire ainsi que du non-respect des bonnes pratiques en matière d'entretien et d'hygiène de la cuisine ; qu'à la demande de la ville de Paris une visite d'inspection a été réalisée par la direction départementale de la protection des populations de la préfecture de police, laquelle a établi un rapport détaillant de nombreuses anomalies dans la cuisine de l'Hôtel de Ville ; qu'elle a ainsi estimé que " cette cuisine, jusqu'à ce jour inconnue de nos services réunit de nombreuses sources potentielles de contamination microbienne et les risques de toxi infection alimentaire ne sont pas négligeables si des actions coercitives ne sont pas immédiatement mises en oeuvre (...) " ; qu'en outre, la direction de la communication de la ville de Paris, après avoir auditionné les personnels du département du protocole et des salons en lien avec la cuisine, a rédigé un rapport d'enquête le 12 mai 2016 duquel il ressort que plusieurs témoignages concordent sur le fait que le nettoyage de la cuisine n'est pas réalisé quotidiennement, que les fours et plaques de recueil des graisses ne sont pas propres, de même que les réfrigérateurs ; que par ailleurs le requérant ne remet pas utilement en cause les constatations faites concernant la rupture de la chaîne du froid, en particulier pour les produits frais livrés le matin, dont le poisson et certains produits surgelés, ainsi que la conservation de produits frais et secs au-delà de leur date de péremption ; qu'un des membres du bureau de la logistique indique dans son témoignage avoir constaté la saleté des appareils de cuisine et l'existence de produits périmés dans les réfrigérateurs et parmi les produits secs à l'occasion de la maintenance annuelle en août 2013 et les avoir régulièrement constatées depuis, lors de visites d'entretien notamment ; qu'il a fait preuve de négligence dans la surveillance de la péremption des produits destinés à la préparation des repas et dans les soins à apporter à leur conservation ; que la circonstance que les rapports ont également mis en lumière l'absence de déclaration d'activité auprès des services de la préfecture de police, et l'insuffisante implication de son supérieur hiérarchique dans l'organisation de la cuisine, lequel s'est vu infliger un avertissement est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ; que si la ville de Paris, en sa qualité d'employeur, est susceptible d'avoir commis des manquements en raison d'un défaut de formation et de recrutement, d'un défaut d'organisation et de mise aux normes de la cuisine, il appartenait à M.B..., agent de catégorie A, d'organiser la cuisine ainsi que son fonctionnement ; que si M. B...soutient que l'enquête a été menée par la direction de l'information et de la communication dont dépend la cuisine, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne fait obstacle à ce que l'insuffisance professionnelle d'un agent contractuel de la ville de Paris exerçant des fonctions de cuisinier soit constatée à l'occasion d'une visite d'inspection de cette direction et non par l'inspection générale de la ville de Paris ; qu'au demeurant la méthodologie, la composition et les objectifs du rapport d'enquête administrative du 12 mai 2016 établi par la direction de la communication, alors même qu'elle comportait en son sein le supérieur hiérarchique du requérant, lequel a d'ailleurs reçu un avertissement, ne sont pas utilement contestés par l'intéressé ; qu'ainsi contrairement à ce que soutient M.B..., la ville de Paris a démontré l'existence des faits qui lui sont reprochés ;

8. Considérant, d'autre part, que l'insuffisance professionnelle se caractérise par l'existence d'éléments révélant l'inaptitude de l'agent au regard des exigences de capacité que l'administration est en droit d'attendre d'un fonctionnaire de son grade ou comme le défaut d'aptitudes nécessaires à l'exercice des fonctions attribuées ; que, par suite les circonstances qu'il n'ait, jusqu'aux faits ayant conduit à son licenciement, fait l'objet d'aucun rapport défavorable ni d'aucune plainte, qu'il ait reçu des évaluations positives et bénéficié d'une revalorisation régulière de sa rémunération, ne sont pas de nature à remettre utilement en cause son insuffisance professionnelle, constatée à la suite de son absence entre le 5 janvier et le 22 février 2016 causée par un accident de circulation sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail ; que si l'intéressé soutient n'avoir jamais bénéficié d'une formation professionnelle obligatoire, il n'apporte aucune précision à l'appui de cet argument ; que les faits constitutifs d'insuffisance sur lesquels le service s'est fondé pour prononcer le licenciement de l'intéressé, à savoir de " graves insuffisances en matière d'hygiène et de sécurité alimentaire, non réception des marchandises livrées, produits frais laissés à température ambiante, conservation de produits périmés et entretien et hygiène insuffisants de la cuisine ", manifestent l'inaptitude de M. B... à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé et ne sont pas caractéristiques d'une carence ponctuelle et isolée dans l'exercice de ses missions ; qu'ils relèvent de l'insuffisance professionnelle et non du champ disciplinaire ; que, dans ces conditions, la ville de Paris n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

9. Considérant qu'en se prévalant de l'absence de mesures administratives prises à la suite du rapport de la préfecture de police, de ce que son supérieur hiérarchique ne s'est vu infliger qu'un avertissement et de ce qu'un empoisonnement potentiel de la maire de Paris lui aurait été reproché, il n'établit pas l'existence d'un détournement de pouvoir ou d'une sanction disciplinaire déguisée ;

Sur les dépens :

10. Considérant que la présente instance n'ayant occasionné aucun des frais prévus par l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par M. B...tendant à ce que soient mis à la charge de la ville de Paris les dépens de l'instance doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme que la ville de Paris demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.

Le rapporteur,

A. STOLTZ-VALETTELe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03710
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Alexandra STOLTZ-VALETTE
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : ENAMA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-31;17pa03710 ?
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