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20/12/2018 | FRANCE | N°18PA03239

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 20 décembre 2018, 18PA03239


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNCF a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris de prescrire une expertise en présence de la société Hygiène office, en vue de faire constater les désordres qui affectent ses archives du Mans, en raison de la présence d'insectes dits " poissons d'argent ", d'en établir les origines et d'en évaluer les conséquences financières, et de préconiser la solution à mettre en oeuvre pour y remédier.

Par une ordonnance n° 1808146/11-4 du 30 août 2018, le juge des référés

du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNCF a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris de prescrire une expertise en présence de la société Hygiène office, en vue de faire constater les désordres qui affectent ses archives du Mans, en raison de la présence d'insectes dits " poissons d'argent ", d'en établir les origines et d'en évaluer les conséquences financières, et de préconiser la solution à mettre en oeuvre pour y remédier.

Par une ordonnance n° 1808146/11-4 du 30 août 2018, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2018, la SNCF, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 30 août 2018 ;

2°) statuant en référé, de faire droit à ses conclusions de première instance.

Elle soutient que :

- le marché passé avec la société Hygiène office présente le caractère d'un contrat administratif dont le contentieux relève de la compétence du juge administratif, et plus précisément du Tribunal administratif de Paris ;

- la mesure d'expertise demandée présente un caractère d'urgence et d'utilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2018, la société Hygiène office, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à la demande de désignation d'un expert judiciaire formulée par la SNCF ;

2°) de lui donner acte de ses protestations quant à sa responsabilité dans la survenance des dommages dont la SNCF se dit victime ;

3°) de modifier la mission de l'expert, telle que demandée par la SNCF.

Elle soutient que :

- elle s'en remet à la sagesse de la Cour quant à la compétence des juridictions administratives ;

- elle émet, compte tenu des constatations du laboratoire FCBA le 28 août 2017, les plus expresses protestations quant à sa responsabilité ;

- elle se réserve le droit de se prévaloir en temps utile des clauses incluses dans ses conditions générales de vente ;

- la mission de l'expert, telle que demandée par la SNCF, doit être modifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour la SNCF.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une lettre de commande du 11 avril 2017, la SNCF a confié à la société Hygiène office la mise en oeuvre d'un traitement de désinsectisation par " anoxie dynamique in situ " afin d'éliminer la présence d'insectes dénommés " poissons d'argent ", constatée dans les archives de la SNCF situées au Mans, consistant en un ensemble de documents historiques représentant 465 palettes pour un volume estimé à 698 mètres cubes ; que, malgré le traitement, qui s'est achevé fin juillet 2017, des insectes vivants ont, selon la SNCF, été retrouvés dans des boîtes ; que la SNCF a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris de prescrire une expertise en vue de faire constater les désordres, et de déterminer l'origine de la présence des insectes après le traitement, les solutions pour y remédier et leur coût ; que la SNCF fait appel de l'ordonnance du 30 août 2018, par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, au motif que le marché litigieux passé avec la société Hygiène office aurait la nature d'un contrat de droit privé ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) " ;

3. Considérant qu'avant tout procès et avant même que puisse être déterminée, eu égard aux parties éventuellement appelées en la cause principale, la compétence sur le fond du litige, et dès lors que ce dernier est de nature à relever, fût-ce pour partie, de l'ordre de juridiction auquel il appartient, le juge des référés a compétence pour ordonner une mesure d'instruction sans que soit en cause le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ; qu'il n'en va autrement que lorsqu'il est demandé au juge des référés d'ordonner une mesure d'instruction qui porte à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas à l'ordre de juridiction dont il relève ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance susvisée du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : " Les marchés publics relevant de la présente ordonnance passés par des personnes morales de droit public sont des contrats administratifs. " ; qu'aux termes de l'article 4 de cette ordonnance : " Les marchés publics soumis à la présente ordonnance sont les marchés et les accords-cadres définis ci-après. / Les marchés sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 de la même ordonnance : " Les acheteurs publics ou privés soumis à la présente ordonnance sont les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices définis respectivement aux articles 10 et 11 " ; qu'aux termes de son article 10 : " Les pouvoirs adjudicateurs sont :1° Les personnes morales de droit public (...) " ;

5. Considérant que le contrat de prestation de service en litige, conclu par la SNCF établissement public industriel et commercial pour un prix forfaitaire de 33 340 euros TTC, est un contrat conclu à titre onéreux destiné à répondre à un besoin de ce pouvoir adjudicateur, personne publique ; qu'il constitue ainsi un marché public et donc un contrat administratif relevant du juge administratif par application des dispositions citées ci-dessus ; que c'est donc à tort que le juge des référés du Tribunal administratif de Paris à décliné sa compétence pour connaître de la demande dont il était saisi ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SNCF devant le juge des référés du Tribunal administratif de Paris ;

7. Considérant que, compte tenu de la constatation, selon la SNCF, de la présence d'insectes vivants le 25 août et le 6 septembre 2017, après le traitement effectué aux mois de juin et juillet 2017 par la société Hygiène office, et même si cette dernière société a, le 28 août 2017, fait intervenir un laboratoire spécialisé (FCBA) qui a affirmé après avoir procédé au même traitement par anoxie dynamique sur des échantillons de bloc de bois, n'avoir constaté que la présence de larves mortes dans les échantillons traités, la mesure d'expertise demandée présente un caractère utile en ce qu'elle tend à ce que l'expert constate les désordres, en établisse les origines, en évalue les conséquences financières, et détermine la solution à mettre en oeuvre pour y remédier ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1808146 /11-4 du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 30 août 2018 est annulée.

Article 2 : M. B...C...demeurant ... est désigné comme expert avec pour mission de :

1°) Se rendre sur les lieux et procéder à la constatation et au relevé précis et détaillé des désordres tenant à la présence d'insectes vivants au centre des archives de la SNCF du Mans ;

2°) donner un avis motivé sur les causes et origines de ces désordres en précisant s'ils sont antérieurs au traitement effectué par la société Hygiène office aux mois de juin et de juillet 2017, ou s'ils sont réapparus depuis lors, et, dans le cas de causes multiples, évaluer les proportions relevant de chacune d'elles ;

3°) évaluer la pertinence du traitement effectué par la société Hygiène office et son efficacité ;

4°) indiquer la solution à mettre en oeuvre pour remédier à la présence d'insectes ;

5°) d'une façon générale, recueillir tous éléments et faire toutes autres constatations utiles de nature à éclairer la juridiction dans son appréciation des préjudices subis.

Il pourra entendre tous sachants, se faire communiquer tous documents et renseignements, faire toutes constatations ou vérifications propres à faciliter l'accomplissement de sa mission et éclairer le juge.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la Cour.

Article 4 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 5 : L'expertise aura lieu en présence de la SNCF et de la société Hygiène office.

Article 6 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 7 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la Cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la Cour liquidera et taxera ces frais et honoraires.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la SNCF et à la société Hygiène office.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 18PA03239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03239
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-011 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé tendant au prononcé d'une mesure d'expertise ou d'instruction.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CABINET LE BONNOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-20;18pa03239 ?
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