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20/12/2018 | FRANCE | N°18PA01553

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 20 décembre 2018, 18PA01553


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Primo Technologies a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1218883 du 20 septembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA04015 du 22 janvier 2016, la Cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit

à l'appel formé par la société Primo Technologies contre ce jugement, l'a déchargée des ra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Primo Technologies a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1218883 du 20 septembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA04015 du 22 janvier 2016, la Cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel formé par la société Primo Technologies contre ce jugement, l'a déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle avait été assujettie au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2006, ainsi que des pénalités correspondantes, puis a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.

Par une décision du 26 avril 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Primo Technologies, annulé l'article 3 de l'arrêt susvisé du 22 janvier 2016 et renvoyé l'affaire devant la Cour, dans la limite de la cassation prononcée.

Procédure devant la Cour :

Par des mémoires enregistrés les 24 mai, 19 octobre et 19 novembre 2018, la société Primo Technologies, représentée par Me D..., persiste dans les conclusions de sa requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'administration a méconnu le principe de loyauté et les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne lui communiquant pas les procès-verbaux d'audition de ses deux gérants ; ces documents n'étaient pas joints à la réponse aux observations du contribuable ; le procès-verbal établi le 1er avril 2010 a été annulé par la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Rennes et ne pouvait dès lors être utilisé pour fonder les redressements litigieux.

Par des mémoires en défense enregistrés le 6 juillet et les 15 et 28 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de la société Primo Technologies.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Primo Technologies ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour la société Primo Technologies.

Considérant ce qui suit :

1. La société Primo Technologies exerce une activité de vente de matériels de téléphonie mobile par l'intermédiaire d'un réseau de boutiques placées sous l'enseigne "Happy Phone". A l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, l'administration a remis en cause son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les achats de téléphones portables auprès de plusieurs de ses fournisseurs et l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er avril 2006 au 31 décembre 2008.

2. La société Primo Technologies a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à l'issue de cette procédure, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement du 20 septembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par un arrêt du 22 janvier 2016, la Cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel formé par la société contre ce jugement, l'a déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle avait été assujettie au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2006, ainsi que des pénalités correspondantes, puis a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel. Par une décision du 26 avril 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Primo Technologies, annulé partiellement cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour pour qu'il y soit statué sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ". L'article L. 47 du même livre dispose : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / (...) L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ".

4. Eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces ainsi obtenues constituant des éléments de la comptabilité de l'entreprise vérifiée à un débat oral et contradictoire avec le contribuable. A défaut, les impositions découlant de l'examen de ces pièces sont entachées d'irrégularité.

5. La société requérante soutient que, n'ayant pu discuter les documents comptables obtenus par l'administration dans l'exercice de son droit de communication, elle a été privée, au cours de la vérification de comptabilité, d'un débat oral et contradictoire sur les pièces ayant fondé les rehaussements. Il résulte de l'instruction qu'un avis de vérification a été adressé le 16 juin 2009 à la société Primo Technologies. A la demande de la société, la première intervention du vérificateur a eu lieu le 9 juillet 2009 dans les locaux de son expert-comptable. L'administration fiscale a exercé le 24 juillet 2009 auprès de l'autorité judiciaire son droit de communication et a pu ainsi consulter des documents qui avaient été saisis par la section de recherche de la gendarmerie de Poitiers lors d'une perquisition judiciaire effectuée dans les locaux de la société en vertu d'une commission rogatoire délivrée pour des faits notamment d'escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée. Il ressort des termes de la réponse aux observations du contribuable du 24 septembre 2010 que le service a adressé à la société requérante le 25 février 2010 une copie sur support cd-rom des scellés issus de la perquisition du 26 mai 2009. La proposition de rectification du 6 juillet 2010 indique que le vérificateur s'est rendu dans les locaux de l'expert-comptable de la société le 21 avril 2010 et que les opérations de contrôle se sont poursuivies jusqu'au 2 juin 2010, date de la réunion de synthèse au cours de laquelle les rappels envisagés ont été présentés aux dirigeants de la société. La société Primo Technologies n'établit pas que le vérificateur se serait refusé lors de ces deux entretiens à tout échange de vues sur les pièces ci-dessus mentionnées. Ainsi, la société requérante, qui était en possession de ces pièces depuis le 25 février 2010, n'a pas été privée du débat oral et contradictoire auquel elle pouvait prétendre lors des opérations de contrôle ayant conduit aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, la régularité de la proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs.

7. La société Primo Technologies fait valoir que le procès-verbal d'audition de M. A... B...du 1er avril 2010 a été annulé par un arrêt de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Rennes du 10 juin 2016, qui a également ordonné la cancellation des passages du procès-verbal de synthèse de la société Primo Technologies se rapportant aux explications données par M. B...lors de sa garde-à-vue. Si cette annulation par le juge s'oppose à ce que l'administration se prévale, pour établir les impositions en litige, des déclarations contenues dans ce procès-verbal, elle est en revanche sans incidence sur la régularité de la proposition de rectification du 6 juillet 2010 adressée à la société et notamment sur le caractère suffisant de sa motivation dès lors qu'elle mentionne l'imposition concernée, la période d'imposition, le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée envisagés et les motifs de droit et de fait fondant ces rappels.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue, lorsqu'elle en dispose, de lui communiquer avant la mise en recouvrement des impositions les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a obtenus auprès de tiers et qui lui sont opposés.

9. Pour fonder les rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige, l'administration s'est appuyée sur des documents qu'elle a obtenus auprès des autorités judiciaires dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 135 L du livre des procédures fiscales, et notamment sur des pièces comptables saisies par la section de recherche de la gendarmerie de Poitiers lors de la perquisition du 26 mai 2009 dans les locaux de la société Primo Technologies, ainsi que sur les procès-verbaux d'audition de MM. A...B...et C...B..., dirigeants de la société, établis les 9 et 10 juin 2009. Par deux lettres des 1er juillet et 7 septembre 2009, adressées à la section de recherche de la gendarmerie de Poitiers, la société requérante a demandé communication des pièces comptables saisies en mai 2009, que l'administration fiscale lui a communiquées, sur un support cd-rom accompagné d'une liste de scellés, le 25 février 2010. Par deux nouveaux courriers des 5 janvier et 11 juillet 2010, la société a demandé à l'administration fiscale de lui remettre les procès verbaux d'audition de MM. A...et C...B..., dont des extraits étaient cités dans la proposition de rectification du 6 juillet 2010 adressée par le service.

10. La société Primo Technologies soutient que l'administration a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et le principe de loyauté en ne lui communiquant pas, en dépit de ses demandes, les procès-verbaux susmentionnés. L'administration fait valoir que ces procès-verbaux étaient annexés à la réponse aux observations du contribuable du 24 septembre 2010 que la société Primo Technologies a réceptionnée le 28 septembre 2010. Il résulte des mentions portées dans ce document qu'il comportait 97 feuilles et qu'y étaient joints, en annexes 3 et 4, les procès-verbaux en cause. En admettant même que, comme le soutient la société requérante, les annexes aient en réalité été omises elle n'établit pas avoir fait les diligences nécessaires pour en obtenir communication. Par suite, l'administration doit être regardée comme ayant satisfait à l'obligation de communication qui lui incombait en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et n'a, en tout état de cause, pas méconnu le principe de loyauté. Dès lors, la circonstance que la copie communiquée à la Cour de la réponse aux observations du contribuable adressée à la société requérante ne comporte pas d'annexe est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

11. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient la société Primo Technologies, la circonstance que le supérieur hiérarchique du vérificateur ait participé aux opérations de vérification n'est pas de nature à la priver de la garantie tenant à la possibilité d'exercer le recours hiérarchique prévu par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

12. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes du 3 de l'article 272 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ".

13. Il résulte de ces dispositions prises pour l'application de la directive susvisée du 28 novembre 2006, notamment de son article 167, tel que l'a interprété la Cour de justice de l'Union européenne, que le bénéfice du droit à déduction doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que cet assujetti, auquel les biens servant de base pour fonder le droit à déduction ont été livrés, savait ou aurait dû savoir que, par l'acquisition de ces biens, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée commise par le fournisseur ou un autre opérateur intervenant en amont ou en aval dans la chaîne des livraisons. Il en va ainsi alors même que l'opération en cause satisferait aux critères objectifs sur lesquels sont fondées les notions de livraisons de biens effectuées par un assujetti agissant en tant que tel et d'activité économique.

14. D'une part, le service vérificateur a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les achats de téléphones portables réalisés par la société Primo Technologies auprès de trois fournisseurs indépendants, les sociétés International Communication, Finex France et Communication Audiovisuelle. L'administration, qui a procédé à une vérification de comptabilité de chacun de ces trois fournisseurs, a estimé que ces derniers présentaient les caractéristiques d'entreprises de facturation s'insérant dans un schéma de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que ces trois sociétés, qui relevaient d'un régime déclaratif simplifié, ont rapidement cessé leur activité et n'ont pas déposé de déclaration annuelle de chiffre d'affaires pendant la période vérifiée. Eu égard à ce qui précède, l'administration peut être regardée comme apportant la preuve que les sociétés International Communication, Finex France et Communication Audiovisuelle, qui n'avaient pas respecté leurs obligations déclaratives en matière de taxe sur la valeur ajoutée participaient à un réseau de fraude à cette taxe.

15. D'autre part, l'administration a relevé que la société International Communication, dont le siège social était situé à une adresse de domiciliation, ne disposait pas de local de stockage, de personnel salarié ou de moyens matériels alors qu'elle avait facturé en 2007 à la société requérante des ventes de téléphones portables pour un montant de 593 845 euros hors taxes. Il résulte également de l'instruction que la société Finex France, qui a réalisé avec la société Primo Technologies des ventes représentant un montant de 1 543 848 euros hors taxes en 2007, ne disposait d'aucun moyen matériel pour exercer son activité et que la société Communication Audiovisuelle, dont le siège social était situé à une adresse de domiciliation, ne disposait d'aucun moyen humain ou en matériel. Par ailleurs, les écritures du compte bancaire de cette dernière société font apparaître qu'elle n'a exercé une activité effective que des mois de novembre 2007 à février 2008. Il résulte encore de l'instruction que les sociétés International Communication, Finex France et Communication Audiovisuelle, qui étaient des fournisseurs directs de la société requérante, ont eu avec celle-ci des relations commerciales jusqu'en février 2007 pour la première, de mars à décembre 2007 pour la deuxième et de novembre 2007 à janvier 2008 pour la troisième. L'annexe 3 à la proposition de rectification fait apparaître que la société requérante a pu acquérir auprès de ces fournisseurs à 37 reprises entre janvier 2007 et janvier 2008 des lots de téléphones portables à un prix unitaire hors taxe inférieur à celui auxquels ils les avaient achetés. Ainsi, ces fournisseurs ont revendu à la société requérante des téléphones portables avec une marge commerciale négative. La société requérante n'apporte aucun justificatif probant au soutien de son allégation selon laquelle les prix pratiqués par la concurrence étaient similaires ou inférieurs à ceux facturés par ces fournisseurs. Il y a lieu de relever encore que la société Primo Technologies était le principal client de la société International Communication et un des principaux clients de la société Finex France. La numérotation de la facture établie le 5 novembre 2007 par la société Communication Audiovisuelle permet également d'établir que la société requérante était son premier client. Enfin, la circonstance que la société Primo Technologies ne réalisait pas avec ces fournisseurs la majeure partie de son chiffre d'affaires n'est pas en soi de nature à démontrer qu'elle ne pouvait pas avoir connaissance du circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis en place.

16. Si la requérante soutient avoir réalisé des diligences pour s'assurer de la fiabilité de ses fournisseurs, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle n'a produit, au cours du contrôle, aucune attestation fiscale correspondant aux fournisseurs litigieux.

17. Enfin, la circonstance alléguée que les livraisons de téléphones auraient été réellement effectuées est sans incidence sur le bien-fondé des rectifications en litige, le circuit de fraude mis en place consistant à ne pas reverser la taxe sur la valeur ajoutée collectée à l'occasion d'une livraison effective.

18. Il résulte ainsi de l'ensemble des éléments ci-dessus relevés que les dirigeants de la société requérante, qui exerçaient une activité dans le secteur de la téléphonie mobile depuis 1999, auraient dû savoir que les sociétés International Communication, Finex France et Communication Audiovisuelle participaient à un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 272 du code général des impôts, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures établies par ces fournisseurs.

19. Eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'administration fiscale ne saurait se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge. Par suite, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration fiscale ne peut se prévaloir, pour établir le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, des déclarations de M. A...B...lors de son audition en garde à vue le 1er avril 2010. Il résulte toutefois de ce qui précède que les autres éléments de preuve utilisés par l'administration fiscale, tirés notamment des vérifications de comptabilité des sociétés International Communication, Finex France et Communication Audiovisuelle, des documents issus de la perquisition judiciaire effectuée le 26 mai 2009 dans les locaux de la société Primo Technologies et des procès-verbaux d'audition qui n'ont pas été annulés par le juge, suffisaient à établir le bien-fondé des impositions en litige.

20. Par ailleurs, la société requérante soutient qu'elle n'a pas pu déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture n° FA0039 établie le 21 décembre 2007 par la société Communication Audiovisuelle pour un montant de 41 000 euros hors taxes, cette facture n'ayant pas été comptabilisée. Elle produit au soutien de son allégation des copies d'extraits du compte fournisseur et du compte d'achats de marchandises du grand livre relatif à l'exercice 2007. Ces documents, édités le 22 octobre 2013, ne contiennent toutefois aucune écriture postérieure au 21 décembre 2007, date d'émission de la facture en cause, et ne permettent pas de s'assurer du caractère complet de l'extrait du compte fournisseur. Ainsi que le relève l'administration, la société ne produit pas de document retraçant les écritures comptables relatives à la taxe sur la valeur ajoutée pendant cette période. Dans ces conditions, le service vérificateur, à qui un exemplaire de cette facture portant la mention " comptabilisé " avait été remis au cours des opérations de contrôle, a pu à bon droit estimer que la société requérante avait déduit la taxe correspondante. Le moyen doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

21. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

22. La société requérante invoque les commentaires administratifs contenus dans l'instruction 3A-7-07 du 30 novembre 2007 n° 24, selon lesquels " Un acquéreur ne peut se voir remettre en cause le bénéfice du droit à déduction au motif qu'un fournisseur situé en amont de son fournisseur direct dans la chaîne est défaillant ". Ainsi qu'il a été dit au point 15, la remise en cause du droit à déduction de la société Primo Technologies est motivée par la participation de trois fournisseurs directs de la société à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, la société requérante, qui n'entre pas dans les prévisions des commentaires administratifs qu'elle invoque, n'est pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société Primo Technologies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris ne lui a pas accordé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et des pénalités correspondantes.

24. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Primo Technologies présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la société Primo Technologies tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Primo Technologies et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie sera adressée à la direction nationale d'enquêtes fiscales (2ème division - cellule Juridique, Pénale et Contentieuse).

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Poupineau, président,

- Mme Lescaut, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

V. POUPINEAULe greffier,

C. RENÉ-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01553


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01553
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02-01-02-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Rectification (ou redressement). Généralités.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: M. FRANCOIS DORE
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : BIAGINI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-20;18pa01553 ?
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