Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
19 avril 2018 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, en fixant son pays de destination, et en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 1806320/1-1 du 20 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018, M.A..., représenté par Me Sulli, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1806320/1-1 du 20 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2018 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de le mettre, dans cette attente, en possession d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations.
S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2018, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les observations de Me Sulli, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant philippin, né le 10 octobre 1976, est, selon ses déclarations, entré en France en février 2013 et s'y est maintenu depuis. A la suite d'un contrôle d'identité, le préfet des Hauts-de-Seine l'a, par un arrêté du 19 avril 2018, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement n° 1806320/1-1 du 20 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...justifie d'une résidence continue en France depuis l'année 2013, soit depuis près de cinq années à la date de la décision attaquée, à travers la production de nombreux documents, pour toutes ces années, dont des factures EDF, des relevés bancaires, des contrats d'assurance, des courriers de l'aide médicale d'Etat, des avis d'impôts sur les revenus, des bulletins de salaires, des documents médicaux et des factures diverses. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. A...est marié, depuis le 2 septembre 2004, avec une compatriote qui est titulaire d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", valable jusqu'en 2019, et avec laquelle, au vu des nombreuses pièces produites, il justifie d'une communauté de vie depuis son entrée sur le territoire français. Enfin, les deux soeurs de M.A..., dont il est proche, disposent de la nationalité française. Dans ces conditions, M.A..., qui présente par ailleurs des gages d'insertion professionnelle, est fondé à soutenir que, en prenant la décision attaquée, le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'arrêté du 19 avril 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence les décisions emportant refus d'accorder un délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, sont donc illégales et doivent être annulées.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions présentée par le requérant et d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. A...et de le mettre en possession, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de justice :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1806320 du 20 juin 2018 et l'arrêté du 19 avril 2018 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, en fixant son pays de destination et en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de la situation de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEU Le président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02391