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11/12/2018 | FRANCE | N°17PA03869

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 11 décembre 2018, 17PA03869


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...A...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision en date du 7 mai 2014 par laquelle la commune de Bry-sur-Marne lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux intervenue le 15 septembre 2014 ainsi que la délibération du conseil municipal du 28 avril 2014 jointe à la décision précitée du 7 mai 2014, d'enjoindre à la commune de Bry-sur-Marne de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnel

le et de mettre à la charge de cette commune une somme de 2 000 euros au titr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...A...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision en date du 7 mai 2014 par laquelle la commune de Bry-sur-Marne lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux intervenue le 15 septembre 2014 ainsi que la délibération du conseil municipal du 28 avril 2014 jointe à la décision précitée du 7 mai 2014, d'enjoindre à la commune de Bry-sur-Marne de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de mettre à la charge de cette commune une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1409596 du 19 octobre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 décembre 2017 et 18 juin 2018, M. A... C..., représenté par MeF..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 19 octobre 2017 ;

2°) d'annuler la " décision " du 7 mai 2014 et la délibération du 28 avril 2014 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la commune de Bry-sur-Marne de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bry sur Marne le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que

- le tribunal a à tort rejeté pour irrecevabilité sa demande au motif que seule la délibération du 28 avril 2014 avait un caractère décisoire et que les conclusions tendant à son annulation étaient tardives, alors que cette délibération ayant été annexée à la " décision " du 7 mai 2014 dont il a demandé dès l'origine l'annulation, il doit être regardé comme ayant également entendu en demander l'annulation ; en tout état de cause s'il considérait que les conclusions dirigées contre cette délibération constituaient une demande nouvelle dans le mémoire du 1er septembre 2017, cette demande était tout de même recevable compte tenu du lien avec la " décision " du 7 mai 2014 et dès lors que ces conclusions avaient été présentées avant la clôture de l'instruction ;

- la " décision " du 7 mai 2014 et la délibération du 28 avril 2014 sont insuffisamment motivées en droit et en fait ;

- ces décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation puisqu'il a été victime de menaces et de violences ainsi que de harcèlement moral qui justifiaient que lui soit accordée la protection fonctionnelle en application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- la décision implicite de rejet du recours gracieux est elle aussi entachée d'insuffisance de motivation, ses motifs tels que communiqués au requérant à sa demande étant identiques à ceux de la décision initiale ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que la " décision " du 7 mai 2014 et la délibération du 28 avril 2014.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 juin 2018 et 5 juillet 2018, la commune de Bry-sur-Marne, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. A...C...une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a à juste titre rejeté la demande de première instance pour irrecevabilité dès lors que les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 28 avril 2014 n'ont été présentées que le 1er septembre 2017 ;

- la requête d'appel est elle aussi irrecevable dès lors que la lettre du 7 mai 2014 et la décision de rejet du recours gracieux n'ont pas de caractère décisoire et que la délibération du 28 avril 2014 est, pour les motifs sus énoncés, devenue définitive avant d'avoir été contestée ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Par ordonnance du 18 juin 2018 la clôture de l'instruction a été reportée du 21 juin au 6 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de MeE..., pour M. A...C...

- et les observations de MeB..., pour la commune de Bry-sur-Marne.

1. Considérant que M. G...A...C..., gardien de police municipale, employé par la commune de Bry-sur-Marne depuis le 28 juillet 2008 et titularisé le 28 juillet 2009, a formé le 3 mars 2014 une demande de protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral dont il estimait être victime ; que le conseil municipal a opposé un refus à cette demande par délibération du 28 avril 2014 qui lui a été notifiée par lettre du 7 mai suivant ; qu'il a formé contre cette " décision " du 7 mai 2014 un recours gracieux qui a été implicitement rejeté le 15 septembre suivant ; qu'il a saisi le 7 novembre 2014 le Tribunal administratif de Melun d'une demande d'annulation de la " décision " du 7 mai 2014 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, en présentant également, dans un mémoire du 1er septembre 2017, des conclusions à l'encontre de la délibération du 28 avril 2014 ; que le tribunal administratif a rejeté cette demande pour irrecevabilité par un jugement du 19 octobre 2017 dont M. A...C...interjette appel ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant qu'il ressort de ses termes mêmes, que le courrier du 7 mai 2014 du maire de la commune de Bry-sur-Marne n'a d'autre objet que de notifier à M. A...C...la délibération du 28 avril 2014 du conseil municipal lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ; qu'un tel courrier étant dès lors dépourvu de caractère décisoire, était insusceptible de recours ; que c'est dès lors à juste titre que le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à son annulation ; qu' en revanche M. A...C..., dès sa requête introductive d'instance produisait, outre le courrier du 7 mai 2014, la délibération du conseil municipal du 28 avril 2014 et contestait le refus de lui accorder la protection fonctionnelle, contenu dans cette délibération, dont il contestait d'ailleurs explicitement la légalité en invoquant son insuffisance de motivation ; que dès lors, et alors même qu'il ne mentionnait dans les conclusions de sa requête que la lettre du 7 mai 2014 et la décision de rejet de son recours gracieux, il devait être regardé comme ayant entendu contester également dès l'introduction de cette requête, la délibération du 28 avril 2014 ; qu'il est par suite fondé à soutenir que le tribunal a à tort jugé que l'intégralité de sa demande était irrecevable ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A...C... ;

Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :

4. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la lettre du 7 mai 2014 ne présente pas de caractère décisoire et est par suite insusceptible de recours ; que les conclusions dirigées contre cette décision sont donc irrecevables ;

5. Considérant que la délibération litigieuse vise le code général des collectivités territoriales et notamment son article L. 2121-29, la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et notamment son article 11 ainsi que le courrier du 3 mars 2014 par lequel M. A...C...sollicitait l'octroi de la protection fonctionnelle, qu'il résume ensuite les faits invoqués par l'intéressé dans ce courrier avant de retenir qu'il n'est pas établi par celui-ci que les agissements de ses supérieurs hiérarchiques excéderaient l'exercice normal de leurs prérogatives, avant d'en déduire que pour ce motif le bénéfice de la protection fonctionnelle ne peut lui être accordé ; que cette délibération contient ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et satisfait aux exigences de motivation prescrites par les dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 alors en vigueur, même si les motifs de ce refus sont exposés de la même manière dans une autre décision du même jour concernant un autre agent qui a entrepris une démarche comparable à la sienne ; qu'enfin dés lors que cette délibération est régulièrement motivée, le rejet de son recours gracieux formé contre cette délibération n'avait pas à comporter une motivation ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dans sa version alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 de la même loi : " les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...). La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.(...) " ;

7. Considérant qu'à l'appui de sa demande de protection fonctionnelle M. A... C... invoquait notamment " de la méchanceté, des accusations diffamatoires " à son égard, ainsi que des " faits portant atteinte à (sa) vie privée, à (sa) réputation " mais sans apporter de précisions et en ne faisant état à cet égard, de manière très elliptique, que d'un incident relatif à un autre agent, et survenu en 2011 soit trois ans plus tôt ; qu'il ne justifie pas davantage que sa carrière aurait été " boycottée ", du fait notamment que sa candidature au poste d'adjoint au chef de brigade n'aurait pas été retenue, ou que son casier contenant ses effets personnels serait régulièrement fracturé depuis 2012 ; qu'il n'est pas non plus établi que le blâme infligé en 2012 ou les décisions du maire de le désarmer à trois reprises en 2012, 2013, et 2014 n'auraient pas été justifiés ; que s'il ressort des pièces du dossier qu'il existe entre le requérant et ses supérieurs hiérarchiques un climat de tension certain, il n'en ressort pas qu'il aurait été victime des agissements visés à l'article 6 quinquies précités, ou qu'il aurait fait effectivement l'objet des menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages au sens de l'article 11 de la même loi ; que si, outre les faits contenus dans sa lettre de demande de protection fonctionnelle, il invoque des altercations avec M. D...en 2010 ces incidents sont en tout état de cause trop anciens pour justifier la demande présentée en mars 2014 ; qu'il ressort par ailleurs de l'ensemble du dossier que les diverses " accusations " et " menaces " dont il estime avoir été ultérieurement victime ne sont que des propos de ses supérieurs hiérarchiques s'inscrivant dans le cadre des relations très tendues qu'il entretient avec eux, sans qu'il apparaisse que ces propos auraient été tels qu'ils constitueraient des faits de harcèlement au sens de l'article 6 quinquies précité de la loi du 13 juillet 1983 ou auraient le caractère de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages au sens de l'article 11 de la même loi ; que les décisions de changements dans la composition des brigades, d'adjonction de deux agents à la brigade dont il fait partie et l'attribution des véhicules n'excèdent pas celles qu'il appartient à un supérieur hiérarchique de prendre ; qu'enfin l'existence de sanctions, sauf à démontrer qu'elles seraient totalement injustifiées, ne permet pas davantage d'établir l'existence d'un harcèlement ou de faits visés à l'article 11 précité de la loi du 13 juillet 1983 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération du 28 avril 2014 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que de la décision rejetant son recours gracieux ; que sa demande ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bry-sur-Marne, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A...C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu , dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...C...la somme demandée par la commune de Bry-sur-Marne sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1409596 du Tribunal administratif de Melun du 19 octobre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A...C...présentée devant le Tribunal administratif de Melun et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Bry-sur-Marne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et en appel sont rejetées.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. G...A...C...et à la commune de Bry-sur-Marne

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.

Le rapporteur,

M-I. LABETOULLELe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 17PA03869


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03869
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP LATOURNERIE WOLFROM et ASS.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-11;17pa03869 ?
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