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10/12/2018 | FRANCE | N°17PA00572

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 décembre 2018, 17PA00572


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Audim Télécommunication a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 février 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a déclaré M. B...inapte à tout poste dans l'entreprise.

Par un jugement n° 1504478 du 15 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2017et un mémoire enregist

ré le 29 octobre 2018, la société Audim Télécommunication, représentée par Me C..., demande à la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Audim Télécommunication a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 février 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a déclaré M. B...inapte à tout poste dans l'entreprise.

Par un jugement n° 1504478 du 15 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2017et un mémoire enregistré le 29 octobre 2018, la société Audim Télécommunication, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) dans le dernier état de ses écritures, d'annuler le jugement du 15 décembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler partiellement la décision du 12 février 2015 du ministre du travail en tant qu'elle a retenu un environnement de travail anxiogène rendant le salarié inapte à tous postes dans l'entreprise ;

3°) de rejeter les demandes de M.B... ;

Elle soutient que :

- le médecin du travail n'a pas procédé à une enquête interne, ni réalisé l'étude de poste prévues à l'article R. 4624-31 du code du travail ;

- le ministre ne disposait pour prendre sa décision d'aucun élément d'appréciation autre que l'avis médical et n'a pas procédé à une enquête sur les conditions effectives de travail du salarié ; il ne pouvait donc se prononcer sur l'état de santé et l'ambiance de l'entreprise ainsi que sur l'inaptitude aux postes existants à la date de l'avis médical ;

- la qualification d'" d'ambiance psychopathogène " est arbitraire, non établie et contredite par le jugement du Conseil des Prud'hommes de Grenoble du 12 juin 2014 qui a débouté M. B...de ses demandes au titre du harcèlement ou des manquements de l'entreprise à ses obligations, ainsi que par le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale du 10 mars 2016 qui confirme que le conflit était circonscrit au salarié et à son chef de vente ;

- la qualification de psychopathogène alléguée étant une appréciation purement subjective, elle rend impossible le contrôle du juge en violation du droit constitutionnel d'accès au juge et au droit de se défendre ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 15 mai 2017, M. A...B...représenté par la SCP Fessler-Jorquera et associés conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Audim Télécommunication la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre du travail qui n'a pas produit en défense.

Par un courrier du 19 octobre 2018, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Julliard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Audim Télécommunication relève appel du jugement du 15 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 12 février 2015 confirmant l'inaptitude de M. B... à tout poste au sein de cette entreprise.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. (...) En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Il en informe l'autre partie. L'inspecteur du travail prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail ". Aux termes de l'article R. 4624-31 du même code : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : / 1° Une étude de ce poste ; / 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; / 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. / Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen ". Aux termes de l'article R. 4624-35 du même code : " En cas de contestation de cet avis médical par le salarié ou l'employeur, le recours est adressé dans un délai de deux mois, par tout moyen permettant de leur conférer une date certaine, à l'inspecteur du travail dont relève l'établissement qui emploie le salarié. La demande énonce les motifs de la contestation ". Enfin, aux termes de l'article R. 4624-36 dudit code : " La décision de l'inspecteur du travail peut être contestée dans un délai de deux mois devant le ministre chargé du travail ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail ou, le cas échéant, au ministre chargé du travail, saisis par l'une des parties, de se prononcer définitivement sur cette aptitude. Leur appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, se substitue à cet avis et seule la décision rendue par l'inspecteur du travail ou, le cas échéant, par le ministre chargé du travail est susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir. Dès lors, les irrégularités invoquées à l'encontre de la décision rendue par le médecin du travail sont sans incidence sur la légalité de la décision rendue par l'inspecteur du travail ou, le cas échéant, par le ministre chargé du travail.

4. Si la société appelante soutient, en premier lieu, que le médecin du travail n'a pas procédé à une enquête interne, ni réalisé l'étude de poste prévues à l'article R. 4624-31 précité du code du travail, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie par le médecin du travail est inopérant à l'encontre de la décision de l'inspecteur ou du ministre qui se substitue à l'avis du médecin du travail ainsi qu'il a été dit au point précédent.

5. La société appelante soutient, en deuxième lieu, que le ministre ne disposait pour prendre sa décision d'aucun élément d'appréciation autre que l'avis médical et n'a pas procédé à une enquête sur les conditions effectives de travail du salarié. Toutefois, aucun texte n'imposait au ministre de faire réaliser une telle enquête, la seule exigence posée par l'article L. 4624-1 du code du travail étant la consultation du médecin inspecteur du travail.

6. La société Audim Télécommunication, fait valoir, en troisième lieu, que la qualification " d'ambiance psychopathogène " est arbitraire et contredite par le jugement du Conseil des Prud'hommes de Grenoble du 12 juin 2014 qui a débouté M. B...de ses demandes au titre du harcèlement ou des manquements de l'entreprise à ses obligations, ainsi que par le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale du 10 mars 2016 qui confirme que le conflit était circonscrit au salarié et à son chef de vente. Toutefois, et en tout état de cause, la décision du ministre n'emploie pas la qualification de " psychopathogène " mais " d'environnement de travail anxiogène ". Le moyen manque donc en fait.

7. Enfin, si la société Audim Télécommunication soutient que le ministre chargé du travail a commis une erreur manifeste d'appréciation, en retenant qu'un environnement de travail anxiogène rendait le salarié inapte à tous postes dans l'entreprise, elle n'apporte pas plus en appel qu'en première instance, d'élément démontrant l'inexactitude de cette appréciation. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Audim Télécommunication n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, en application des dispositions susvisées, de mettre à la charge de la société Audim Télécommunication une somme de 1 500 euros à verser à M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Audim Télécommunication est rejetée.

Article 2 : La société Audim Télécommunication versera à M. A... B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Audim Télécommunication, au ministre chargé du travail et à M. A...B....

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique le 10 décembre 2018.

La rapporteure,

M. JULLIARDLa présidente,

M. HEERSLa greffière,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA00572 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00572
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Radiation des cadres. Inaptitude physique.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : CABINET LOUBEYRE-ENTREMONT-PORNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-10;17pa00572 ?
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