Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2017, par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé son pays de destination.
Par un jugement n° 1717711 du 6 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2018, M.A..., représenté par Me Dunikowski, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1717711 du 6 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 octobre 2017 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière faute de saisine de la commission du titre de séjour, alors qu'il justifie d'une résidence de plus de dix années en France ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
Par un mémoire enregistré le 30 octobre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poupineau,
- et les observations de Me Dunikowski, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant ukrainien, entré en France, selon ses déclarations, en octobre 2003, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 octobre 2017, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit à l'expiration de ce délai. Il fait appel du jugement en date du 6 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a produit de nombreux documents, dont des attestations d'aide médicale d'État, des factures d'électricité, des documents fiscaux, des actes médicaux, un certificat d'hébergement, un contrat de bail et les quittances de loyer correspondantes, un formulaire signé de demande de carte de transport et des relevés de compte bancaire faisant apparaitre des retraits d'espèces et des remises de chèque réalisés à Paris. Eu égard à leur nature, à leur variété et à leur cohérence, ces pièces établissent la résidence habituelle en France de M. A... à partir de l'année 2007. La seule circonstance qu'il ait quitté le territoire français moins de 6 mois en 2010, ne saurait faire obstacle à ce qu'il puisse être regardé comme résidant habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée de refus de titre de séjour du 30 octobre 2017. Dès lors, le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour de la situation de M. A.... Par suite, le requérant est fondé à soutenir qu'en s'abstenant de consulter cette commission avant de prendre sa décision, le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, d'annuler la décision rejetant la demande de titre de séjour de M. A..., ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 30 octobre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M.A..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A...dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1717711 du 6 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 30 octobre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera une somme de 1 000 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA01465