Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...B...a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2013 du ministre de la défense en tant qu'il refuse de l'inscrire au tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette à titre complémentaire pour les années 2006 et 2007, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions tendant au remboursement de la contribution pour l'aide juridique.
Par un jugement n° 1309109 du 22 février 2018, le Tribunal administratif de Melun, d'une part, a annulé la décision du 18 décembre 2013 du ministre de la défense en tant qu'elle refuse d'inscrire M. B...au tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette à titre complémentaire pour l'année 2007 et a enjoint à la ministre des armées d'inscrire rétroactivement M. B...au tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette à titre complémentaire pour l'année 2007, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat, une somme de 35 euros en remboursement de la contribution pour l'aide juridique, enfin a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
I° Par un recours, enregistré le 27 avril 2018, sous le n° 18PA01439, la ministre des armées demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 février 2018 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. B...;
2°) de rejeter la demande de M. B...devant le Tribunal administratif de Melun.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- s'agissant des autres moyens examinés par l'effet dévolutif de l'appel, elle se réfère à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2018, M. B...représenté par Me C..., conclut au rejet du recours et demande, en outre, d'une part, qu'il soit fait injonction à la ministre des armées de reconstituer sa carrière, d'autre part, qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, il est fondé à se prévaloir de deux erreurs de fait (d'une part, il est indiqué qu'il était en disponibilité en 2007 alors qu'il s'agit d'une circonstance postérieure ; d'autre part, la mention selon laquelle il a été exclu du cercle de la fonction militaire marine est fausse).
Par une ordonnance du 12 octobre 2018, la clôture d'instruction a été reportée au 26 octobre 2018 à 12 heures.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 26 octobre 2018 à 11 heures 54, la ministre des armées maintient ses conclusions par les mêmes moyens.
II° Par un recours, enregistré le 27 avril 2018, sous le n° 18PA01440, la ministre des armées demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du 22 février 2018 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. B....
Elle soutient que conformément aux prescriptions des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le moyen soulevé dans sa requête au fond est sérieux et de nature à justifier outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions en annulation accueillies par ce jugement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2018, M. B...représenté par Me C..., conclut au rejet du recours.
Il soutient que le moyen soulevé par la ministre des armées n'est pas fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la défense ;
- le décret n° 75-1207 du 22 décembre 1975 ;
- le décret n° 2008-938 du 12 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour M.B....
1. Considérant que M.B..., officier de la marine nationale au grade de lieutenant de vaisseau depuis le 1er octobre 1995, a contesté, en tant que son nom n'y figure pas, les tableaux d'avancement des officiers d'active établis pour 2006 et 2007 en saisissant la commission des recours des militaires ; que les deux recours administratifs ainsi introduits ont été rejetés par le ministre de la défense, respectivement les 25 avril 2006 et 6 juin 2007 ; que le Conseil d'Etat a annulé, par un arrêt n° 294333 du 9 novembre 2007, la décision du ministre du 25 avril 2006 en raison des conditions irrégulières d'élaboration du tableau d'avancement pour 2006 ; que s'agissant du tableau d'avancement pour 2007, le ministre a, pour le même motif, retiré, le 20 mai 2008, sa décision du 6 juin 2007 ; qu'à l'occasion de l'élaboration du tableau d'avancement des officiers d'active pour 2010, il a été procédé au réexamen de la situation de M. B... au titre de la promotion pour 2006 et 2007 ; qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 4136-3 du code de la défense réunie le 10 novembre 2009, le ministre a arrêté le tableau des officiers d'active pour l'année 2010 par une décision du 10 décembre 2009 et a refusé l'inscription, à titre complémentaire pour 2006 ou 2007, de M. B...; que ce dernier a saisi la commission des recours des militaires d'un recours administratif contre cette décision ; qu'après avis de la commission des recours des militaires, le ministre de la défense a rejeté ce recours par décision du 18 juin 2010 ; que par un jugement n° 1004662 du 12 juin 2013, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision comme insuffisamment motivée ; que par une nouvelle décision du 18 décembre 2013, le ministre de la défense a de nouveau rejeté le recours formé par M. B...contre la décision du 10 décembre 2009 refusant son inscription au tableau d'avancement pour 2006 et 2007 ; que M. B...a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant notamment à l'annulation de cette décision ; que par un jugement du 30 juin 2016, le Tribunal administratif de Melun a, avant dire-droit sur la requête de M. D...B..., ordonné un supplément d'instruction tendant à ce que le ministre de la défense produise, dans un délai de deux mois, tous les éléments relatifs, d'une part, à la carrière de M.B..., d'autre part, à la carrière de tous les lieutenants de vaisseaux inscrits au tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette au titre des années 2006 et 2007 et permettant d'apprécier leurs mérites respectifs pour l'accès à ce grade ; que le ministère des armées n'a pas déféré à l'invitation qui lui avait ainsi été faite par ce jugement avant-dire droit ; que, par un jugement du 22 février 2018, le Tribunal administratif de Melun, d'une part, a annulé la décision du 18 décembre 2013 du ministre de la défense en tant qu'elle refuse d'inscrire M. B...au tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette à titre complémentaire pour l'année 2007 et a enjoint à la ministre des armées d'inscrire rétroactivement M. B...au tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette à titre complémentaire pour l'année 2007, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat, une somme de 35 euros en remboursement de la contribution pour l'aide juridique, enfin a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que le ministre des armées relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. B...en en demandant l'annulation par le recours 18PA01439 et en en demandant le sursis à exécution par le recours 18PA01440 ;
Sur la jonction :
2. Considérant que les deux recours susvisés sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;
Sur le recours n° 18PA01439 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 22 du décret du 22 décembre 1975 : " I - Peuvent seuls être promus ou nommés au grade supérieur : 1° Les lieutenants de vaisseau et les capitaines de frégate ayant au moins quatre ans et au plus huit ans de grade dans le corps des officiers de marine, au moins cinq ans et au plus neuf ans de grade dans le corps des officiers spécialisés de la marine. La limite maximale d'ancienneté de grade s'apprécie, uniquement pour l'avancement de grade, au 1er janvier de l'année de promotion ; (...) II - Toutefois, les lieutenants de vaisseau et les capitaines de frégate ayant une ancienneté de grade supérieure aux limites maximum définies ci-dessus peuvent être promus au grade supérieur dans la limite de 2 p. 100, arrondis à l'unité supérieure du nombre de nominations et de promotions effectuées chaque année à chacun de ces grades. (...) " ;
4. Considérant que le juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours tendant à l'annulation d'une décision de refus d'inscription à un tableau d'avancement ne peut se borner, dans le cadre de son contrôle restreint, à apprécier la valeur professionnelle d'un candidat écarté, et doit analyser les mérites comparés de cet agent et de ceux des autres agents candidats à ce même grade ;
5. Considérant que, malgré une mesure d'instruction diligentée en ce sens et un jugement avant dire-droit du Tribunal administratif de Melun, l'administration n'a pas produit devant les premiers juges les éléments permettant d'apprécier les mérites comparés de M. B...et des autres lieutenants de vaisseaux candidats à l'inscription au tableau d'avancement pour l'accès au grade de capitaine de corvette pour les années 2006 et 2007 ; que le tribunal a conclu que " faute notamment d'indications plus explicites et un minimum étayées sur les motifs retenus pour classer mieux que M. B...deux lieutenants de vaisseaux pour l'année 2007, les allégations du requérant selon lesquelles le ministre de la défense a entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sa décision de ne pas l'inscrire au tableau d'avancement au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2007 doivent être regardées comme établies " ; que cependant la ministre des armées a produit pour la première fois en appel les fiches de notation des années 2005 et 2006 des deux agents mieux classés que M. B...pour une promotion en 2007 dans la catégorie des lieutenants de vaisseau dite " HK ", c'est à dire ceux qui ont dépassé la limite d'ancienneté dans leur grade fixée au I de l'article 22 précité du décret du 22 décembre 1975 mais pour qui 2% des promotions restent réservées en vertu du II du même article ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'appréciation globale des notateurs respectifs, supérieurs hiérarchiques directs, est " Excellent " pour les deux agents mieux classés tandis que celle de M. B... est au niveau " Très bon " ; que si sur les huit " éléments d'appréciation du potentiel ", M. B...a obtenu de meilleures notes avec sept notes de 4/5 et une note de 5/5 tandis que les deux autres agents ont quelques notes de 3/5, ces éléments se retrouvant également dans la note de synthèse qui est meilleure pour M.B..., la ministre des armées souligne que l'autorité de synthèse qui effectue son classement au regard des travaux effectués par les notateurs et de ses propres éléments d'appréciation, tempère celui-ci par l'attribution d'une lettre qui traduit la confiance qu'il accorde à ce classement au regard de sa connaissance personnelle de l'officier évalué et que la lettre attribuée au classement en 1 de M. B...en 2007 est la lettre C, correspondant à un niveau de confiance " faible " alors que l'indice de confiance en A des deux officiers mieux classés est supérieur ; que le rapprochement des notes et appréciations individuelles des trois officiers ne révèlent pas d'incohérence avec les appréciations figurant sur le tableau de synthèse et le classement réalisé par le collège de classement des officiers ; que dans ces conditions il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant d'inscrire M. B...au tableau d'avancement pour 2007 au vu de son classement en 3° position pour l'inscription à ce tableau d'avancement, le ministre aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ; que par suite, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé, pour erreur manifeste d'appréciation, sa décision refusant d'inscrire M. B...au tableau d'avancement complémentaire au grade de capitaine de corvette au titre de l'année 2007 ;
6. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant en première instance qu'en appel ;
7. Considérant, en premier lieu, que si M. B...invoque une discrimination par l'âge, il ressort des pièces du dossier que l'officier 1er au tableau est de 1963, le 2ème de 1965, alors que M. B... est de 1964 ; que dans ces conditions l'existence d'une telle discrimination n'est nullement établie ; que ce moyen doit donc être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...soutient que la décision litigieuse est entachée de deux erreurs de fait, dans la mesure où d'une part, il est indiqué qu'il était en disponibilité en 2007 alors qu'il s'agit d'une circonstance postérieure, d'autre part, la mention selon laquelle il a été exclu du cercle de la fonction militaire marine est inexacte car il n'appartenait pas à ce cercle du fait de sa disponibilité ; que, cependant, d'une part, la première mention est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse, d'autre part, à supposer que le terme " exclusion " soit erroné, cette erreur serait également sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ; que ce moyen doit donc être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement des membres d'un même corps n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant au juge administratif d'en apprécier le bien fondé ;
10. Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a partiellement fait droit à la demande de M.B... ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B...ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
Sur le recours n° 18PA01440 :
12. Considérant que le présent arrêt se prononçant sur la requête au fond, les conclusions de la requête susvisée tendant au sursis à exécution du jugement attaqué sont devenues sans objet ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18PA01440.
Article 2 : Les articles 1 à 3 du jugement n° 1309109 du 22 février 2018 du Tribunal administratif de Melun sont annulés.
Article 3 : La demande de M. B...devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. D...B....
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 novembre 2018.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01439, 18PA01440