Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2016 par lequel le préfet de police lui a retiré sa carte de séjour valable du 5 avril 2016 au 4 avril 2017.
Par un jugement n° 1702727/3-2 du 10 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 janvier 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 15 décembre 2016 par lequel le préfet de police lui a retiré sa carte de séjour temporaire ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de restituer à M. C...sa carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier pour défaut de réponse à différents moyens jugés à tort inopérants ;
- il est irrégulier en ce que le moyen d'ordre public soulevé d'office par le premier juge relatif à la substitution de base légale n'est pas fondé ;
- l'arrêté de retrait attaqué est illégal car les mesures d'expulsion édictées en 1974 et 1983 à l'encontre de M. C...alias M. E...sur lesquelles il est fondé ne lui ont pas été notifiées et ne lui sont donc pas opposables ;
- il est illégal car il a pour objet de retirer un titre de séjour délivré postérieurement à ces arrêtés d'expulsion ;
- il est illégal car la présence de M. C...ne constitue plus une menace pour l'ordre public ;
- le préfet de police a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation en ne prenant pas en compte l'état de santé de M.C... ;
- il a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les observations de Me A...pour M.C....
1. Considérant que M. D...C..., né le 4 janvier 1951, de nationalité algérienne, s'est vu remettre un certificat de résidence algérien valable du 5 avril 2016 au 4 avril 2017 ; que, par un arrêté du 15 décembre 2016, le préfet de police a procédé au retrait de son titre de séjour au motif qu'il a fait l'objet de deux arrêtés d'expulsion en date du 22 janvier 1974 et du 27 décembre 1983 ; que, par un jugement du 10 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. C...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. C...relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le préfet de police était tenu de retirer la carte de séjour délivrée le 5 avril 2016, illégale puisqu'un arrêté d'expulsion avait été pris par le ministre de l'intérieur le 27 décembre 1983 ; que M. C...n'est donc pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier à défaut d'avoir répondu à des moyens jugés à bon droit inopérants par les premiers juges, du fait de cette situation de compétence liée ;
3. Considérant, en second lieu, que le requérant soutient que les premiers juges ont procédé à une substitution de base légale en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant toutefois que les premiers juges ont pu procéder à cette substitution de base légale sans méconnaître le droit à un procès équitable dans la mesure, d'une part, où cette substitution ne privait l'intéressé d'aucune garantie et où d'autre part, l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation ; qu'il suit de là que le moyen ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant, en conséquence, que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. Considérant, en premier lieu, que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne font pas obstacle à l'application à un ressortissant algérien de la réglementation générale autorisant qu'il soit procédé à l'expulsion d'un étranger suivant les modalités définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'un ressortissant algérien faisant l'objet d'une décision d'expulsion, eu égard à sa portée, ne peut être autorisé à séjourner en France ; qu'il s'ensuit qu'un arrêté ordonnant l'expulsion d'un ressortissant algérien a pour effet de permettre le retrait d'un titre de séjour délivré sur le fondement de l'accord franco-algérien ;
7. Considérant, toutefois, qu'ainsi que le rappelle l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives individuelles défavorables à leurs destinataires ne sont opposables à ces derniers que pour autant qu'elles leur aient été préalablement notifiées et soient, par suite, exécutoires à leur encontre ;
8. Considérant que M. C...soutient que l'arrêté de retrait attaqué est illégal en ce que les mesures d'expulsion édictées en 1974 et 1983 à son encontre et sur lesquelles il se fonde ne lui ont pas été notifiées et ne lui sont donc pas opposables ; que si les premiers juges ont estimé qu'une notification lui avait bien été faite concernant la seconde mesure d'expulsion, le requérant soutient que les écrits produits par le préfet de police sont illisibles et par suite que la preuve de la notification de la seconde décision d'expulsion n'est pas établie ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si la qualité des pièces produites est médiocre, ces pièces ne sont pas pour autant illisibles : que, comme l'ont relevé les premiers juges, ces pièces attestent d'une remise en mains propres à M. C...le 22 septembre 1992 de l'arrêté d'expulsion du 27 décembre 1983 ; que, dès lors, la mesure d'expulsion décidée par le ministre de l'intérieur le 27 décembre 1983 était opposable à M. C... et exécutoire à son encontre lorsque le préfet de police a décidé, le 15 décembre 2016, de retirer le titre de séjour dont il l'avait muni ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant soutient que la carte de séjour délivrée par le préfet de police le 5 avril 2016 a implicitement mais nécessairement abrogé les arrêtés d'expulsion de 1974 et 1983 prononcés à son encontre par le ministre de l'intérieur ;
10. Considérant que l'autorité administrative compétente pour modifier, abroger ou retirer un acte administratif est celle qui, à la date de la modification, de l'abrogation ou du retrait, est compétente pour prendre cet acte et, le cas échéant, s'il s'agit d'un acte individuel, son supérieur hiérarchique ;
11. Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté d'expulsion du 27 décembre 1983 pris par le ministre de l'intérieur n'a pas été édicté suivant la procédure de droit commun mais en vertu d'une procédure dérogatoire fondée sur l'urgence absolue ; que la compétence pour prendre des mesures d'expulsion au titre de cette procédure dérogatoire relève du ministre de l'intérieur ; que, par suite, le préfet de police n'étant pas compétent en l'espèce pour abroger l'arrêté d'expulsion du 27 décembre 1983, M. C...n'est donc pas fondé à soutenir que la délivrance de la carte de séjour litigieuse le 5 avril 2016 a eu pour effet d'abroger implicitement l'arrêté ministériel d'expulsion du 27 décembre 1983 ;
12. Considérant, en dernier lieu, que le préfet de police, constatant que M. C...faisait l'objet d'une mesure d'expulsion exécutoire n'ayant été ni rapportée ni annulée, était tenu de procéder au retrait du titre de séjour qui lui avait été délivré ; que, du fait de cette situation de compétence liée, l'ensemble des autres moyens soulevés par M. C...doivent être écartés comme inopérants ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 15 décembre 2016 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 novembre 2018.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00813