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21/11/2018 | FRANCE | N°17PA03154

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 novembre 2018, 17PA03154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des amendes mises à sa charge sur le fondement de l'article 1736-IV du code général des impôts pour des montants de 10 000 euros au titre de l'année 2009, 1 500 euros au titre de l'année 2010, 3 536 euros au titre de l'année 2011 et 3 705 euros au titre de l'année 2012.

Par jugement n° 1600642/1-2 du 6 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a fait droit aux conclusions susmentionnées.

Procédure devan

t la Cour :

Par un recours enregistré le 29 septembre 2017, le ministre de l'action et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des amendes mises à sa charge sur le fondement de l'article 1736-IV du code général des impôts pour des montants de 10 000 euros au titre de l'année 2009, 1 500 euros au titre de l'année 2010, 3 536 euros au titre de l'année 2011 et 3 705 euros au titre de l'année 2012.

Par jugement n° 1600642/1-2 du 6 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a fait droit aux conclusions susmentionnées.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 29 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de remettre à la charge de M. B...les amendes prévues par l'article 1736-IV du CGI pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012, à hauteur de 14 500 euros et de réformer en ce sens le jugement n° 1600642/1-2 rendu le 6 juin 2017 par le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- pour les deux années 2011 et 2012, il y a lieu de procéder à une substitution de base légale, visant à faire application du 1er alinéa du paragraphe IV de l'article 1736 du code général des impôts prévoyant l'amende fixe de 1 500 euros par compte non déclaré ;

- cette substitution de base légale ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale ;

- le compte ayant été utilisé, l'administration pouvait adresser une demande de justification.

Le recours du ministre de l'action et des comptes publics a été transmis à M. B...qui n'a pas produit, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 20 décembre 2017 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 31 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée

au 14 février 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune du 9 septembre 1966 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 6 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé

M. A...B...des amendes mises à sa charge sur le fondement de l'article 1736-IV du code général des impôts pour des montants de 10 000 euros au titre de l'année 2009, 1 500 euros au titre de l'année 2010, 3 536 euros au titre de l'année 2011 et 3 705 euros au titre de l'année 2012 ;

Sur les motifs du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 71 du livre des procédures fiscales : " En l'absence de réponse ou à défaut de réponse suffisante aux demandes d'informations ou de justifications prévues à l'article L. 23 C dans les délais prévus au même article, la personne est taxée d'office dans les conditions prévues à l'article 755 du code général des impôts." ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'obligation prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A ou à l' article 1649 AA du code général des impôts n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'administration peut demander, indépendamment d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie./Lorsque la personne a répondu de façon insuffisante aux demandes d'informations ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours, en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1649 A du même code : " Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret "; qu'aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. /II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement. /Les associations et sociétés n'ayant pas la forme commerciale joignent leur déclaration de compte à la déclaration annuelle de leur revenu ou de leur résultat. /III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. /Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des relevés de compte produits par le ministre que des opérations de débit et de crédit ont été constatées sur le compte détenu par M. B...à la banque HSBC à Genève au cours des années 2010 à 2012 ; qu'il est constant que M. B...n'a pas déclaré les références de ce compte à l'occasion de sa déclaration annuelle de revenus des années susmentionnées ; qu'ils ne peut par suite être regardé comme ayant satisfait au titre desdites années à l'obligation prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts ; que l'administration était donc en droit, en application des dispositions de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, de lui demander de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ; que c'est par suite à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de M. B...au motif qu'en adressant au requérant une demande de justifications sur le fondement desdites dispositions, l'administration aurait entaché la procédure d'irrégularité ;

Sur la demande de substitution de base légale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1736 IV du code général des impôts : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à

10 000 € par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. " ; que l'administration fiscale à appliqué à M.B..., au titre des années 2009 et 2010, des amendes respectives de 10 000 et 1 500 euros sur le fondement des dispositions précitées ; que si elle a dans un premier temps appliqué, en ce qui concerne les années 2011 et 2012,

les dispositions du deuxième alinéa dudit article aux termes desquelles : " " Si le total des soldes créditeurs du ou des comptes à l'étranger non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 € au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l'amende par compte non déclaré est égale à 5 % du solde créditeur de ce même compte, sans pouvoir être inférieure aux montants prévus au premier alinéa du présent IV. ", elle demande à la Cour, ces dispositions ayant été déclarées inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel, une substitution de base légale aux fins de mettre à la charge de M.B..., au titre de chacune des années 2011 et 2012, l'amende de 1 500 euros prévue par les dispositions déjà appliquées pour 2009 et 2010 ;

5. Considérant que, si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, c'est à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, les faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée ; que la nouvelle base légale retenue par l'administration ne prive

M. B...d'aucune garantie de procédure, dès lors qu'il était, quel que soit le fondement légal choisi, et ainsi qu'il sera dit ci-dessous, taxable d'office sur le fondement des dispositions de l'article L. 71 du livre des procédures fiscales ; que l'existence d'un compte non déclaré en Suisse, invoquée par le service pour justifier la pénalité appliquée sur le fondement de l'ancienne base légale, est également de nature à justifier l'amende dont l'administration demande l'application sur le fondement de la nouvelle base légale ; qu'il y a par suite lieu de faire droit à la demande de la substitution de base légale ;

6. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle ;

Sur la régularité de la procédure :

7. Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que M. B...n'avait pas répondu de manière suffisante à la demande d'informations et de justifications qui lui a été adressée le 15 janvier 2014 sur les avoirs qu'il détenait à l'étranger, en application des dispositions de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, non plus qu'à la mise en demeure en date du

15 mai 2015 d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours ; qu'il était donc taxable d'office, en application des dispositions précitées de l'article L. 71 du livre des procédures fiscales ; qu'il ne saurait en conséquence ni utilement invoquer le fait qu'il n'a pas bénéficié des garanties de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de

l'article L. 55 dudit livre, ni se prévaloir de ce qu'il n'a pas été informé de la possibilité d'être assisté d'un conseil ou de demander un délai supplémentaire, la procédure appliquée à l'intéressé ne prévoyant pas de telles garanties ; que la circonstance que les sommes mentionnées dans la demande d'informations et de justifications ainsi que dans la mise en demeure étaient indiquées en dollars américains n'était pas de nature à empêcher M. B...de répondre aux questions qui lui étaient adressées et n'était par suite pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition ; que le fait que le courrier informant le contribuable de la mise à sa charge des amendes prévues au IV de l'article 1736 du code général des impôts ne préciserait pas la procédure appliquée n'a en tout état de cause privé M. B...d'aucune garantie ni n'a pu exercer d'influence sur la décision d'imposition ;

8. Considérant, d'autre part, que la demande d'informations et de justifications dont

M. B...a fait l'objet le 15 janvier 2014 précisait qu'avaient été transmis à l'administration fiscale, en application des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, des informations relatives à la banque suisse HSBC Private Bank, recueillies à l'occasion d'une enquête judiciaire, ainsi que, sur instruction du procureur de la République, les fichiers informatiques établissant que l'intéressé disposait d'un compte dans ladite banque ; que

M. B...a donc été informé, avant même le courrier l'informant de la mise à sa charge de l'amende en cause, de l'origine et de la nature des renseignements obtenus de tiers justifiant de l'application de cette amende ; qu'il n'identifie à cet égard aucune garantie dont il aurait été privé en raison d'une carence du service ni aucune irrégularité susceptible d'avoir exercé une influence sur la décision d'imposition ; que si M. B...fait valoir que les instructions émanant du procureur de la République ne lui ont pas été communiquées, lesdites instructions concernent les modalités selon lesquelles les informations opposées à M. B...ont été portées à la connaissance de l'administration fiscale et ne sont par suite pas, par elles-mêmes, des éléments ayant servi à fonder les amendes litigieuses et dont l'absence de communication au contribuable serait de nature à porter atteinte aux droits de la défense ;

Sur le bien-fondé de l'amende :

9. Considérant que la clause d'assistance administrative prévue par les stipulations de l'avenant du 27 août 2009 à la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune du 9 septembre 1966 n'était pas en vigueur au cours de l'année 2009 ; que la Suisse ne pouvait en conséquence être regardée, au titre de ladite année, comme un Etat ou un territoire qui aurait conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires ; que l'amende de 10 000 euros prévue par les dispositions précitées de l'article 1736 IV du code général des impôts était donc applicable à

M. B...qui avait dissimulé, en 2009, un compte bancaire ouvert en Suisse, sans que l'intéressé puisse utilement se prévaloir de ce que l'avenant susmentionné est entré en vigueur par la suite, cette entrée en vigueur ayant seulement eu pour effet de modifier pour l'avenir les qualifications juridiques applicables aux sommes dissimulées en Suisse, mais non de créer une sanction pénale plus douce à l'égard de ceux qui dissimulent un compte ouvert dans un Etat n'ayant pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a intégralement déchargé M. B...des amendes mises à sa charge au titre des années 2009 à 2012 ; qu'il y a lieu de prononcer le rétablissement des amendes dont les premiers juges ont prononcé la décharge dans la limite de 10 000 euros au titre de l'année 2009,

1 500 euros au titre de l'année 2010, 1 500 euros au titre de l'année 2011 et 1 500 euros au titre de l'année 2012, et la réformation en ce sens du jugement attaqué ;

DECIDE :

Article 1er : Les amendes dont le Tribunal administratif de Paris a, par jugement n° 1600642/1-2 du 6 juin 2017, prononcé la décharge, sont remises à la charge de M. B...dans la limite de 10 000 euros au titre de l'année 2009, 1 500 euros au titre de l'année 2010, 1 500 euros au titre de l'année 2011 et 1 500 euros au titre de l'année 2012.

Article 2 : Le jugement n° 1600642/1-2 du 6 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à

M. A...B....

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 21 novembre 2018.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA03154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03154
Date de la décision : 21/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-21;17pa03154 ?
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