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20/11/2018 | FRANCE | N°14PA02525

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 novembre 2018, 14PA02525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... H...a demandé au Tribunal administratif de Paris la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser une somme totale de 500 000 euros en réparation des préjudices subis par son fils, M. G...E..., lors de sa prise en charge par les services des urgences de l'hôpital Saint-Antoine et lors de l'intervention chirurgicale subie par celui-ci le 6 février 2001 à l'hôpital Lariboisière, ainsi qu'une somme de 70 000 euros en réparation de ses préjudices propres.

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n jugement n° 1021950/6-2 du 8 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... H...a demandé au Tribunal administratif de Paris la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser une somme totale de 500 000 euros en réparation des préjudices subis par son fils, M. G...E..., lors de sa prise en charge par les services des urgences de l'hôpital Saint-Antoine et lors de l'intervention chirurgicale subie par celui-ci le 6 février 2001 à l'hôpital Lariboisière, ainsi qu'une somme de 70 000 euros en réparation de ses préjudices propres.

Par un jugement n° 1021950/6-2 du 8 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser à Mme H...une indemnité en capital de 639 942,17 euros en réparation des préjudices subis par son fils, en sa qualité de tutrice, et une indemnité de 10 000 euros en réparation de ses préjudices propres, ainsi qu'une rente d'un montant annuel de 35 434,58 euros à compter de la date du jugement et par semestre échu au titre des frais d'assistance par tierce personne, revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, retenu au prorata du nombre d'heures passées chaque jour au domicile familial au cours du trimestre et une rente d'un montant annuel de 1 907,38 euros à compter de la date du jugement et par semestre échu au titre des pertes de revenus, revalorisé par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, ainsi qu'à verser à Mme H... les intérêts des sommes dues à compter de la date de réception par l'hôpital Saint-Antoine de sa réclamation indemnitaire préalable du 20 décembre 2010 et les intérêts échus à la date du 20 décembre 2011 puis les intérêts des intérêts à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2014, Mme C...H..., représentée par le cabinet Preziosi et Ceccaldi, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1021950/6-2 du 8 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris, en tant que ce jugement a limité la réparation par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) des préjudices subis par M. E...à raison d'un manquement dans sa prise en charge par l'hôpital Saint-Antoine à Paris les 2 et 3 février 2001, à une indemnité en capital de 639 942,17 euros, ainsi qu'une rente d'un montant annuel de 35 434,58 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne et d'une rente d'un montant annuel de 1 907,38 euros au titre des gains professionnels, et des préjudices propres subis par MmeH..., sa mère, à une indemnité de 10 000 euros ;

2°) de condamner l'AP-HP à verser à MmeH..., en sa qualité de tutrice de son fils, 30% des sommes suivantes :

- au titre de l'assistance par tierce personne : 223 490,95 euros de la date du retour au domicile de M. E...jusqu'à la date de consolidation, 2 302 040,40 euros du 6 février 2004 au 6 février 2015, et une somme de 52 319,10 euros au titre de la rente trimestrielle versée à terme à échoir revalorisée ;

- 90 000 euros au titre des pertes de gains avant consolidation du 6 février 2001 au 6 février 2004 ;

- 330 000 euros au titre du préjudice professionnel du 6 février 2004 au 6 février 2015 ;

- 952 740 euros au titre du préjudice professionnel futur sous forme de capital ou sous forme de rente indexée sur l'indice d'évolution du SMIC ;

- 169 000 euros au titre des frais d'aménagement du domicile ;

- 11 900 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ;

- 10 400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel ;

- 600 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- 50 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- 10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et 40 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- 50 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- 50 000 euros au titre du préjudice sexuel et d'établissement ;

3°) de condamner l'AP-HP à verser à MmeH..., au titre de ses préjudices propres, 30% de l'indemnisation de son préjudice d'affection évalué à 50 000 euros et 30 % de l'indemnisation de son préjudice d'accompagnement évalué à 50 000 euros ;

4°) d'assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable avec anatocisme ;

5°) de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le taux de 30% de perte de chance retenu par le tribunal devra être confirmé ;

- les frais de 1 800 euros d'assistance à expertise doivent être intégralement pris en compte ;

- le coût horaire d'une assistance par tierce personne non spécialisée et non médicalisée 24 heures sur 24 et 365 jours par an, incluant la majoration des dimanches et jours fériés est de 23,89 euros soit une somme de 223 490,95 euros déduction faite des périodes d'hospitalisation et une indemnisation de 67 047,28 euros après déduction de la créance du RSI et application du taux de 30% de perte de chance ;

- c'est à tort que pour déterminer la perte de gains professionnels de M.E..., le tribunal a retenu le revenu annuel moyen pour les activités d'hébergement et de restauration pour la France entière et non le revenu médian, ce revenu étant inférieur au SMIC ;

- la perte de gains professionnels sur la base d'un revenu annuel de 30 000 euros est de 90 000 euros du 6 février 2001 au 6 février 2004, soit une indemnisation de 27 000 euros déduction faite de la créance du RSI de mars 2003 au 6 février 2004 et application du taux de 30% de perte de chance ;

- le préjudice professionnel du 1er février 2004 au 6 février 2014, sur la base d'un revenu mensuel moyen de 2 500 euros est de 330 000 euros, soit une indemnisation de 99 000 euros déduction faite de la créance du RSI et application du taux de 30% de perte de chance ;

- le préjudice professionnel futur s'établit à 952 740 euros par application à la somme de 30 000 euros de pertes annuelles, du barème de capitalisation publié en mars 2013 par la Gazette du Palais, soit 952 740 euros et après application du taux de 30% de perte de chance ;

- si la Cour choisit à l'instar du tribunal, une indemnisation du préjudice professionnel futur sous forme de rente, il est demandé que l'indexation soit faite sur l'indice d'évolution du SMIC ;

- sur la base d'un coût horaire de tierce personne de 23,89 euros, l'indemnisation de l'assistance par tierce personne 2 302 040,40 euros du 6 février 2004 au 6 février 6015, soit une indemnisation de 99 000 euros, déduction faite de la créance du RSI pour majoration tierce personne pour la période et application du taux de 30% de perte de chance ;

- si M. E...reste à son domicile, la rente qui devra être versée par trimestre à échoir et non par semestre échu et ne pourra être suspendue qu'en cas d'hospitalisation supérieure à 45 jours, s'élèvera à 52 319,10 euros ;

- si M. E...est partiellement ou totalement accueilli en institution, cette rente devra être réévaluée ;

- le surcoût de l'acquisition d'un domicile conforme aux contraintes liées au handicap et aux besoins d'hébergement d'une assistance par tierce personne 24 heures sur 24 est estimé à 169 000 euros, soit une indemnisation de 30% de ce montant ;

- une expertise d'ergothérapeute pour évaluer le coût d'un véhicule disposant d'une plateforme élévatrice et d'un système d'encrage de fauteuil à l'intérieur du véhicule devra être diligentée et à titre subsidiaire, des frais d'aménagement d'un véhicule devront être octroyés à hauteur de 280 229,88 euros ;

- les frais d'aides techniques, domotiques et d'adaptation du logement incluant notamment l'achat d'un fauteuil douche, d'une chaise spéciale pour la toilette d'un soulève malade et d'un fauteuil roulant électrique manipulable par une tierce personne, des rampes d'accès, de portes larges à son nouveau domicile devront faire l'objet d'une expertise par un expert ergothérapeute ou subsidiairement, d'une indemnisation par une somme de 31 241,01 euros, auxquels s'ajoutent 6 131, 03 euros pour le renouvellement, soit une somme totale capitalisée de 229 414,29 euros à laquelle s'applique le taux de 30% de perte de chance ;

- les périodes de déficit fonctionnel temporaire total du 6 février 2001 au 13 décembre 2002, du 12 janvier 2004 au 6 février 2004 et du 13 avril 2008 au 17 avril 2008, soit une année, 1 mois et 6 jours sera calculé sur la base de 900 euros par mois, soit 11 900 euros ;

- la période de déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 95% du 14 février 2002 au 11 janvier 2004 sera calculé sur la base de 800 euros par mois, soit 10 400 euros ;

- les souffrances endurées, évaluées à 6 sur une échelle de 1 à 7 seront indemnisées par une somme de 50 000 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire évalué à 6 sur une échelle de 1 à 7 sera indemnisé par une somme de 10 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à 90% sera évalué à 600 000 euros ;

- le préjudice esthétique permanent évalué à 5 sur une échelle de 1 à 7 sera indemnisé par une somme de 40 000 euros ;

- le préjudice d'agrément sera indemnisé par une somme de 50 000 euros ;

- les préjudices sexuel et d'établissement seront indemnisés par une somme de 50 000 euros ;

- le préjudice d'affection subi par MmeH..., sa mère sera indemnisé par une somme de 50 000 euros et son préjudice d'accompagnement, par une somme de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2015, l'AP-HP représentée par Me K... conclut à titre principal à l'annulation du jugement entrepris et au rejet de la requête de Mme H...devant le tribunal administratif et à titre subsidiaire, à la réformation dudit jugement en ramenant le montant des demandes à de plus justes proportions, au rejet de la demande d'expertise sauf à mettre à la charge de l'appelante les frais d'expertise et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'AP-HP soutient que :

- si elle n'entend pas contester qu'un retard de diagnostic est imputable au service des urgences de l'hôpital Saint-Antoine, il n'est nullement établi que ce retard ait un lien de causalité direct et certain avec le préjudice subi et que la réalisation d'un IRM lors de la consultation du 2 février 2001 aurait permis d'éviter le dommage qui s'est finalement réalisé ;

- les experts n'ayant pu retenir l'existence d'un tel lien de causalité n'ont pas souhaité chiffrer la perte de chance ;

- si la Cour devait retenir une perte de chance, elle devrait confirmer le taux de 30% chiffre médian avancé par les experts à la demande de MmeH..., taux accepté par cette dernière ;

- la Cour devra ramener à de plus justes proportions la demande présentée au titre des honoraires du médecin conseil de l'appelante ;

- la Cour ne fera pas droit aux demandes au titre de la perte de gains professionnels dès lors que Mme H...n'a produit aucune pièce permettant de vérifier une quelconque exploitation du fonds de commerce, aucun bilan des huit mois d'activité de ce commerce ni business plan réalisé avant son ouverture, permettant d'évaluer son potentiel chiffre d'affaires ;

- au titre des frais de logement adapté, il conviendra de réparer uniquement le surloyer correspondant à un logement aménagé et plus vaste dans la limite de la somme capitalisée de 144 441,14 euros à laquelle il convient d'appliquer le taux de perte de chance et de rejeter la demande au titre de l'acquisition d'un logement ;

- l'AP-HP s'oppose à la demande d'expertise concernant les frais d'aides techniques, domotiques et d'adaptation du logement dans la mesure où l'expert a déjà indiqué la nature des équipements nécessaires et où il appartient à l'appelante de produire les factures acquittées pour en obtenir le remboursement au prorata du taux de perte de chance retenu par les juges ;

- en cas de frais futurs, il appartiendra à l'appelante de saisir à nouveau les juges de nouvelles conclusions, ainsi que l'a précisé le jugement ;

- en ce qui confirme, les frais de véhicule adapté, la Cour devra confirmer le jugement et il appartiendra à l'appelante de produire des factures détaillées spécifiant le surcoût lié à l'adaptation du véhicule ;

- en ce qui concerne les frais d'assistance par tierce personne, l'AP-HP ne saurait être tenue à une somme supérieure à 81 813 euros au titre des arriérés entre la date de l'accident et celle de la consolidation sur la base d'une assistance ni médicalisée ni spécialisée à hauteur de 24 heures sur 24 par jour pour un cout horaire de 10 euros, soit 240 euros par jour et compte tenu du taux de perte de chance de 30% et de 26 208 euros de rente annuelle pour la période post-consolidation sur ces mêmes bases ;

- en ce qui concerne la perte de gains professionnels futurs, l'appelante n'ayant produit aucun avis d'imposition des revenus au titre de l'année 2000, ni bilan de l'activité commerciale de son fils ou tout autre document permettant d'établir le chiffre d'affaires prévisionnel pour 2001, la demande sera rejetée ;

- à titre subsidiaire, il conviendra de confirmer l'évaluation de cette perte telle que calculée par les premiers juges et rejeter la demande de majoration ;

- en ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire, l'AP-HP ne saurait être tenue de verser une somme supérieure à 7 279,50 euros sur la base de 300 euros par mois auquel il faudra appliquer le taux de perte de chance ;

- en ce qui concerne les souffrances endurées, l'indemnisation sera fixée à 4 700 euros compte tenu du taux de perte de chance de 30% ;

- en ce qui concerne le préjudice esthétique temporaire, l'indemnisation ne saurait excéder 2 000 euros compte tenu du taux de perte de chance de 30% ;

- en ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent, l'indemnisation sera comprise entre 96 827 euros et 100 162 euros compte tenu du taux de perte de chance de 30% ;

- le préjudice d'agrément n'est pas établi et à titre subsidiaire l'indemnisation devra être ramenée à de plus justes proportions ;

- en ce qui concerne le préjudice esthétique définitif, il conviendra de confirmer, compte tenu du taux de perte de chance, la somme de 4 500 euros retenue par le tribunal ;

- en ce qui concerne le préjudice sexuel et d'établissement, le montant de 40 000 euros retenu par les premiers juges devra être ramené à de plus justes proportions ;

- en ce qui concerne le préjudice d'affection de MmeH..., la Cour ne pourra que confirmer le rejet du tribunal et subsidiairement, ramener sa demande à de plus justes proportions ;

- en ce qui concerne le préjudice d'accompagnement de l'appelante la Cour ne pourra que confirmer le montant alloué par les premiers juges ;

Par un arrêt avant dire droit du 24 septembre 2015, la Cour a ordonné une expertise aux fins de :

1°) examiner les conditions de la prise en charge de M. E...par le service des urgences de l'hôpital Saint-Antoine dans la nuit du 2 et 3 février 2001, décrire son état général et les symptômes dont il souffrait, les interprétations possibles de tels symptômes et les bonnes pratiques en vigueur dans les services des urgences à l'époque des faits dans un tel contexte ;

2°) indiquer si la prise en charge de M. E...par le service des urgences de l'hôpital Saint-Antoine a constitué une faute et les conséquences résultant d'une telle faute ;

3°) décrire les conditions de la prise charge de la tumeur au cerveau dont souffrait M. E... le 6 février 2001 par les services de l'hôpital Lariboisière et les conséquences d'un délai de trois jours dans cette prise en charge, tant sur l'évolution de l'état général du patient que sur les conditions de réalisation de l'intervention chirurgicale ;

4°) indiquer, en particulier, si au regard des connaissances médicales, un délai de trois jours dans la prise en charge de la tumeur a pu augmenter les risques d'apparition d'un l'hématome sous dural.

Le rapport d'expertise du docteur Gout, neurologue, a été déposé le 26 septembre 2016.

Par un mémoire, enregistré le 15 décembre 2016, Mme H...conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens tout en actualisant certaines de ses prétentions.

Elle demande ainsi le versement de sommes égales à 30 % des sommes suivantes : de

2 720 593,20 euros au titre de la tierce personne du 6 février 2004 au 6 février 2017, montant à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir, d'une somme de 390 000 euros au titre du préjudice professionnel subi du 6 février 2004 au 6 février 2017, d'une somme de 948 120 euros au titre du préjudice professionnel futur, d'une somme de 915 000 euros au titre des frais d'acquisition du domicile, hors frais d'aménagement, d'une somme de 58 646,47 euros au titre des petits consommables, d'une somme de 233 530,17 euros dont 68 296,01 euros lui reviendront prioritairement au titre des aides techniques, d'une somme de 164 625,77 euros au titre des frais de véhicule adapté.

Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2016, l'AP-HP persiste dans ses précédentes écritures.

Elle ajoute, d'une part, que la nouvelle expertise confirme que le retard de diagnostic et de traitement, limité à seulement trois jours, ne peut être regardé comme ayant été à l'origine d'une perte de chance d'éviter à M. E...de présenter les séquelles liées à l'intervention chirurgicale, d'autre part, qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'hypertension intracrânienne aurait significativement augmenté entre le 3 et le 6 février 2001.

Par un mémoire, enregistré le 4 octobre 2018, Mme D...agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils B...E..., ayant droit de M. G... E...et Mme H...concluent aux mêmes fins que le requête et en outre :

- à la condamnation de l'AP-HP à verser à Mme D...en qualité de représentante de son fils mineur et ayant-droit de M.E..., la somme de 9 348 euros au titre des frais d'assistance à expertise, ainsi que 30 % des sommes suivantes : 223 490,95 euros au titre du besoin en tierce personne de la date du retour à domicile à la date de consolidation, déduction faite des périodes d'hospitalisation et d'hospitalisation de jour, 2 720 593,20 euros au titre de la tierce personne de la consolidation au décès, 90 000 euros au titre des pertes de gains avant consolidation du 6 février 2001 au 6 février 2004, 387 500 euros au titre du préjudice professionnel subi de la consolidation au décès, 17 617,60 euros au titre des frais de petits consommables, 11 900 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total, 10 400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, 50 000 euros au titre des souffrances endurées, 10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 171 847,24 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 11 456,48 euros au titre du préjudice esthétique définitif, 14 320,60 euros au titre du préjudice d'agrément, 14 320,60 euros au titre du préjudice sexuel et d'établissement, à ce qu'elle soit indemnisée prioritairement sur le RSI en application des dispositions de l'article 31 de la loi de 1985 ;

- à la condamnation de l'AP-HP à verser à Mme H...en son nom propre 30 % de 50 000 euros au titre de son préjudice d'affection et 50 000 euros au titre de son préjudice d'accompagnement.

- à la condamnation de l'AP-HP à verser à Mme D...en son nom propre 30 % de 30 000 euros au titre de son préjudice d'affection et 20 000 euros au titre de son préjudice d'accompagnement ;

- à la condamnation de l'AP-HP à verser à Mme D...en qualité de représentante de son fils mineur, 30 % de 50 000 euros au titre de son préjudice d'affection ;

- à ce que ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et que ces intérêts soient majorés de cinq points sur le montant des condamnations ordonnées en première instance à compter du 20 juin 2014 soit deux mois après la notification du jugement et ce jusqu'à leur règlement.

Elles font valoir les mêmes moyens que précédemment et soutiennent en outre que :

- Mme D...a eu sa vie totalement bouleversée des suites du lourd handicap dont souffrait M.E... ; leur couple n'y a d'ailleurs pas survécu et les à conduit à se séparer puis à divorcer en 2009 ;

- elle a dû organiser l'ensemble de sa vie autour de la prise en charge de son fils et a sacrifié sa vie personnelle pour prendre soin de lui ;

- le jeune B...a quant à lui été privé de son père dès lors qu'il a été incapable d'assumer concrètement son rôle.

Par un mémoire, enregistré le 2 novembre 2018, l'AP-HP persiste dans ses précédentes écritures et conclut également au rejet des conclusions présentées par Mme D...et le RSI.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique,

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

- et les observations de MeI..., représentant Mme H...et MmeD..., et de MeJ..., représentant l'AP-HP.

1. Considérant que M.E..., né le 10 décembre 1977, souffrant de céphalées rebelles à tout traitement depuis le 25 janvier 2001, s'est présenté dans la nuit du 2 au 3 février 2001 au service des urgences de l'hôpital Saint-Antoine d'où il est reparti le jour même sous traitement antidouleur ; que son état s'aggravant, il s'est rendu le 6 février suivant au service des urgences de l'hôpital Lariboisière qui l'a orienté vers le service de neuro-radiologie pour exploration ; que le scanner et l'IRM ont révélé une lésion tumorale kystique au cerveau dans la fosse postérieure d'origine vermienne nécessitant une intervention chirurgicale en urgence ; que l'exérèse de la tumeur a entraîné un hématome sous-dural aigu dans l'hémisphère gauche justifiant une nouvelle intervention ; qu'à sa sortie le 12 avril 2001 de l'hôpital, M.E..., qui était dans un état de conscience minimal et souffrait de crises neurovégétatives, a été hospitalisé au centre de rééducation de Berck-sur-Mer jusqu'au 13 décembre 2002, date de son retour à domicile ; qu'il est resté atteint d'un syndrome cérébelleux majeur entraînant une perte totale d'autonomie, des troubles cognitifs, de la parole et de la vision ; que Mme H... sa mère, agissant en qualité de tutrice de M.E..., a demandé la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à l'indemniser des préjudices subis par son fils et de ses propres préjudices résultant des fautes médicales commises selon elle lors de sa prise en charge par le service des urgences de l'hôpital Saint-Antoine, les 2 et 3 février 2001, et lors de l'intervention neuro-chirugicale subie, le 6 février 2001, à l'hôpital Lariboisière ; qu'une expertise a été diligentée par jugement du 21 octobre 2011 du Tribunal administratif de Paris, réalisée conjointement par un neuropsychiatre et un neurochirurgien concluant à un manquement de l'hôpital Saint-Antoine consistant à ne pas avoir réalisé de scanner céphalique qui aurait permis un diagnostic et un traitement plus précoce et à aucune faute dans la prise en charge de M. E...par l'hôpital Lariboisière ; que retenant l'existence d'une faute de la part de l'hôpital Saint-Antoine dans la prise en charge de M.E..., le Tribunal administratif de Paris a, par jugement du 8 avril 2014, condamné l'AP-HP à indemniser M. E...et Mme H...de leurs préjudices à hauteur de la perte de chance, évaluée à 30 %, que ce défaut de prise en charge a fait perdre à M. E...d'échapper au dommage qui s'est finalement réalisé ; que Mme H...a relevé appel de ce jugement en tant qu'il limite le montant de ses indemnisations ; que MmeD..., ex épouse de M. E... et mère de son fils a également présenté par la suite des conclusions à fin d'indemnisation tant en qualité de représentante légale de son fils que de ses préjudices propres; que l'AP-HP, contestant le principe de sa responsabilité, a présenté des conclusions incidentes tendant à titre principal à l'annulation dudit jugement et au rejet de la demande de Mme H... présentée devant le tribunal ou, à titre subsidiaire, à la limitation du montant des indemnisations mises à sa charge ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions présentées par Mme D...tant en son nom propre qu'en qualité de son fils mineur pour la première fois devant la Cour :

Sur la responsabilité de l'AP-HP :

2. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise et qu'il n'est pas contesté par

l'AP-HP qu'en négligeant de faire procéder dans la nuit du 3 février 2001 à un examen céphalique par scanner ou IRM, les équipes médicales du service des urgences de l'hôpital Saint-Antoine ont commis une faute ayant entraîné un retard de diagnostic et donc empêcher un traitement plus précoce de la tumeur cérébrale dont souffrait M.E... ; que, toutefois, une faute n'est de nature à engager la responsabilité d'un établissement public hospitalier que si elle présente un lien de causalité direct et certain avec le dommage constaté, fût-il une perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; qu'il résulte du premier rapport d'expertise que les dommages dont souffre M. E...sont imputables à la complication survenue au décours de l'opération effectuée à l'hôpital Lariboisière les 6 et 7 février 2001 qualifiée par les experts d'aléa thérapeutique ; que si ces derniers indiquent qu'une prise en charge plus précoce de l'hydrocéphalie aurait, sans doute, permis l'exérèse de la tumeur dans de meilleures conditions en limitant les variations trop rapides de pression intracrânienne, et que l'exérèse de telles tumeurs avec cette localisation est suivie d'un décès ou d'un handicap majeur dans 20 % des cas, ils soulignent également que, faute de statistiques concernant les cas semblables à celui de

M. E...(A...déclarée et hydrocéphalie), il n'est pas possible d'évaluer de façon précise la probabilité de survenue d'un hématome sous-dural aigu dans l'hypothèse où l'intervention aurait eu lieu trois jours plus tôt et donc chiffrer la perte de chance liée au défaut de prise en charge du patient à l'hôpital Saint-Antoine ; que si les premiers experts estiment que cet examen aurait permis de mettre en place un drainage ventriculaire externe pendant 48 à 72 heures pour s'efforcer de normaliser la pression intracrânienne ainsi que l'ont fait les équipes de l'hôpital Lariboisière à l'arrivée du patient, ils se refusent " à affirmer, pour autant, que cette complication n'aurait pas eu lieu " et à chiffrer dans leur rapport la perte de chance que ce délai de trois jours aurait pu représenter ; que le second rapport d'expertise, présenté devant la Cour, confirme que les séquelles dont souffre M. E...sont la conséquence de l'exérèse de la tumeur ayant elle-même entraîné l'hématome sous-dural " complication classique des dérivations et souvent secondaire à un drainage trop rapide de l'hydrocéphalie. ", et " non pas de l'hypertension intracrânienne " et affirme qu'" il est peu probable que la prise en charge de la tumeur 3 jours plus tôt ait pu diminuer ce risque " ; qu'ainsi, si les trois médecins experts se sont montrés extrêmement prudents, en s'abstenant d'exclure toute hypothèse d'une perte de chance, leurs conclusions convergent néanmoins vers l'idée qu'il ne peut être tenu pour établi que le retard de diagnostic en cause, trop faible pour que son effet puisse être quantifié, a été à l'origine d'une telle perte ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de considérer que rien ne permet de considérer qu'un diagnostic plus précoce de la tumeur de M. E... aurait été de nature à permettre d'obtenir une amélioration de son état de santé ou même d'échapper à son aggravation ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du 8 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris doit être annulé et que la demande de Mme H... présentée devant celui-ci doit être rejetée ;

Sur les frais d'expertise :

4. Considérant que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 3 000 euros pour le docteur Chédru, 2 500 euros pour le docteur Sichez, et 2 452,32 euros pour le docteur Gout, à la charge de

l'AP-HP ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme H...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme H...et de Mme D...le versement de la somme que l'AP-HP demande sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1021950/6-2 du 8 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de Mme H... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que les conclusions présentées devant la Cour par Mme D...sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise sont laissés à la charge définitive de l'AP-HP.

Article 4 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...H..., à Mme F...D..., à la caisse régionale du régime social des indépendants Ile-de-France-Centre et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N°14PA02525


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02525
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : CABINET PREZIOSI et CECCALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-20;14pa02525 ?
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