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15/11/2018 | FRANCE | N°18PA00278

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 15 novembre 2018, 18PA00278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux informations le concernant contenues dans les " fichiers des services de renseignement territorial du ministère de l'intérieur ", d'enjoindre au ministre de lui communiquer les informations contenues dans ces fichiers, d'ordonner la rectification ou l'effacement des données qui seraient inexactes, complètes, périmées ou auraient été collectées, utilisées, comm

uniquées ou conservées illégalement et de mettre le versement de la somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux informations le concernant contenues dans les " fichiers des services de renseignement territorial du ministère de l'intérieur ", d'enjoindre au ministre de lui communiquer les informations contenues dans ces fichiers, d'ordonner la rectification ou l'effacement des données qui seraient inexactes, complètes, périmées ou auraient été collectées, utilisées, communiquées ou conservées illégalement et de mettre le versement de la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1620267/6-1 du 24 novembre 2017, le Tribunal administratif de Paris, a annulé la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé à M. A...l'accès aux informations contenues dans les " fichiers des services de renseignement territorial " de son ministère, enjoint au ministre de communiquer à M. A...les informations contenues dans ces fichiers, mis le versement de la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 janvier et 28 septembre 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1620267/6-1 du 24 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- les premiers juges ont méconnu les dispositions des articles 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et 88 du décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 en considérant qu'il n'avait pas fourni des éléments assez précis sur le contenu des fichiers à l'origine du litige dès lors que la communication d'autres éléments reviendrait à méconnaître le caractère indirect du droit d'accès aux fichiers à l'origine du litige ;

- ils ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation en considérant que les éléments qu'il fournit ne suffisaient pas à justifier un refus d'accès direct aux informations contenues dans ces fichiers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2018, M.A..., représenté par le cabinet d'avocats Lille Legal, conclut au rejet du recours et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

- le décret n° 2009-1249 du 16 octobre 2009 portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique ;

- le décret n° 2009-1250 du 16 octobre 2009 portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jardin,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

- et les observations de Me Herdewyn, avocate de M.A....

1. Considérant que l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 dispose : " (...) lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. / Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant (...) " ; qu'aux termes de l'article 88 du décret du 20 octobre 2005 : " Aux termes de ses investigations, la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, celles des informations susceptibles d'être communiquées au demandeur dès lors que leur communication ne met pas en cause les finalités du traitement, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. Elle transmet au demandeur ces informations. Le cas échéant, celles-ci sont communiquées selon des modalités définies d'un commun accord entre la commission et le responsable du traitement. / Lorsque le responsable du traitement s'oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, la commission l'informe qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La commission peut constater, en accord avec le responsable du traitement, que les informations concernant le demandeur doivent être rectifiées ou supprimées et qu'il y a lieu de l'en informer. En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / Lorsque le traitement ne contient aucune information concernant le demandeur, la commission informe celui-ci, avec l'accord du responsable du traitement. / En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La réponse de la commission mentionne les voies et délais de recours ouverts au demandeur. " ;

2. Considérant que, pour justifier la décision par laquelle il a refusé à M. A...l'accès aux informations le concernant contenues dans les traitements de données prévus par les articles R. 236-1, R. 236-11 et R. 236-46 du code de la sécurité intérieure, le ministre de l'intérieur soutient que la communication des données détenues par les services de renseignement territorial compromettrait la finalité des traitements dans la mesure où elles contiennent des éléments susceptibles de révéler les sources à l'origine des renseignements ainsi que les méthodes de surveillance et d'investigation de ces services ; qu'il produit en appel une " note blanche " dont le contenu permet de connaître les raisons pour lesquelles M. A... fait l'objet d'une surveillance par ces services, soit ses liens avec des individus proches de la mouvance salafiste douaisienne, caractérisés en particulier par des réunions dans une dépendance de son domicile de membres de l'association Laila au cours desquelles l'ex-imam d'une mosquée, actuellement fiché S, a dispensé des cours ; que si M. A...produit de nombreux éléments relatifs à l'activité de " l'Association de l'Instruction pour l'Avenir " (L.A.I.L.A) en vue de démontrer qu'elle n'est pas de nature à menacer la sécurité publique, il ne conteste pas la réalité de l'information relative aux cours dispensés dans le cadre de cette activité ; que, dans le contexte actuel, caractérisé par des risques permanents d'attentats justifiant la surveillance de personnes ayant des liens avec des individus susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique, les motifs tenant à la préservation des finalités des traitements dans lesquels sont contenues des données concernant M. A...sont de nature à justifier légalement la décision du ministre de l'intérieur, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Paris ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif ;

4. Considérant que la décision implicite du ministre de l'intérieur, dont l'existence a été révélée par la lettre datée du 29 septembre 2016 par laquelle le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés a fait savoir à M. A...qu'il avait été procédé aux vérifications le concernant dans les fichiers des services de renseignement territorial du ministère de l'intérieur, n'est pas au nombre de celles devant être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1620267/6-1 du 24 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

L'assesseur le plus ancien,

D. DALLELe président-rapporteur,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00278
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-07 Droits civils et individuels.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Claude JARDIN
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : HERDEWYN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-15;18pa00278 ?
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