Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des amendes auxquelles M. C...B...a été assujetti au titre des années 2008 à 2011 sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1509729/2-1 du 21 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à hauteur de la somme de 81 366 euros en ce qui concerne l'amende mise à la charge de M. B...au titre de l'année 2011 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 mars, 3 août et 16 octobre 2017, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1509729/2-1 du 21 février 2017 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il n'a pas prononcé la décharge du surplus des amendes restant en litige ;
2°) de prononcer la décharge de ces amendes.
Il soutient que :
- la procédure est irrégulière dès lors que les amendes litigieuses, dont il était le seul redevable, ont été notifiées par des propositions de rectification du 31 juillet 2013 adressées également à son épouse ;
- il a été victime d'une discrimination, contraire aux stipulations combinées des articles 6 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'administration a choisi de lui infliger l'amende de 10 000 euros, 1 500 euros à compter de 2010, prévue au IV de l'article 1736, au lieu de l'amende de 750 euros prévue par l'article L. 152-2 du code monétaire et financier, sans invoquer aucune justification objective et raisonnable tenant à un objectif d'utilité publique ou fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi ;
- au cours des années en litige il ne détenait pas directement les comptes ouverts à l'étranger et l'administration ne démontre pas qu'il aurait été détenteur d'une procuration sur ces comptes, qu'il n'était donc pas tenu de déclarer ;
- l'amende de l'année 2008 était prescrite ;
- la substitution de base légale opérée par l'administration au titre de l'année 2011 était impossible, les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe IV de l'article 1736 du code général des impôts, déclarées inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel par sa décision du 22 juillet 2016, étant réputées n'avoir jamais existé ;
- l'examen de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet a excédé la durée d'un an prévue par l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration s'est fondée pour établir les rectifications sur des pièces dont l'origine est illicite ;
- l'administration n'établit pas qu'il aurait été titulaire avec son épouse de comptes ouverts à l'étranger au cours des années en litige 2008 à 2011 ; l'amende prévue à l'article 1736 IV du code général des impôts est une amende annuelle, liée à la non déclaration, au titre d'une année considérée, de comptes ouverts à l'étranger.
Par des mémoires, enregistrés le 22 juin 2017 et le 11 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la loi de finances rectificative pour 2008, qui a modifié le IV de l'article 1736 du code général des impôts et accru la sévérité des sanctions, en portant le montant de l'amende pour défaut de déclaration de compte à l'étranger, de 750 euros à 1 500 euros, ou 10 000 euros lorsque l'obligation déclarative méconnue concerne un Etat ou un territoire non coopératif, a nécessairement abrogé les dispositions de l'article L. 152-5 du code monétaire et financier ;
- à supposer qu'elle existe, la discrimination subie par M. B...est justifiée par des motifs d'intérêt général ; les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts ont une finalité, qui est la lutte contre la fraude fiscale ; les peines différentes de 1 500 euros ou 10 000 euros qu'elles prévoient tiennent compte du risque de fraude inhérent à chaque situation ;
- dans la décision 2015-481 QPC du 17 septembre 2015, le Conseil constitutionnel a précisé que les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts n'étaient contraires à aucun autre droit ou liberté garanti par la Constitution ; elles ne méconnaissent donc pas le principe d'égalité devant la loi répressive, dont se rapproche le principe de non discrimination invoqué par les requérants, garanti par les articles 6 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- M.B..., qui avait la disposition des comptes, était tenu de les déclarer ; dans sa décision n° 15-82.467 du 28 septembre 2016, la Cour de cassation a jugé qu'il était avéré que M. B...avait détenu un compte à la banque HSBC Private Bank Suisse de Genève ;
- les conditions d'application des amendes prévues au IV de l'article 1736 du code général des impôts étaient remplies.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces et d'un examen de sa situation fiscale personnelle, M. B...a été assujetti au titre des années 2008 à 2011 aux amendes prévues au IV de l'article 1736 du code général des impôts, qu'il a contestées devant le Tribunal administratif de Paris ; qu'il relève appel du jugement du 21 février 2017 par lequel ce tribunal, après avoir constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à hauteur de la somme de 81 366 euros en ce qui concerne l'amende mise à la charge de M. B... au titre de l'année 2011, a rejeté le surplus des conclusions de la demande ;
2. Considérant qu'aux termes des dispositions du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts, en sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2009 : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 750 euros par compte ou avance non déclaré " ; qu'aux termes des mêmes dispositions, dans leur rédaction applicable aux années 2009, 2010 et 2011 : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1649 A du même code : " Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret " ; qu'aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. /II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement. /Les associations et sociétés n'ayant pas la forme commerciale joignent leur déclaration de compte à la déclaration annuelle de leur revenu ou de leur résultat. /III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. /Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident " ;
3. Considérant que l'administration a assujetti M. B...à des amendes s'élevant à 40 000 euros, 40 000 euros, 6 000 euros et 87 366 euros, respectivement au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011, au motif qu'au cours de chacune de ces années, l'intéressé détenait quatre comptes ouverts dans une banque suisse, non déclarés à l'administration fiscale française ; qu'en ce qui concerne l'année 2011, l'administration a, devant le tribunal administratif, substitué aux dispositions du deuxième alinéa du paragraphe IV de l'article 1736 du code général des impôts, qu'elle avait initialement appliquées et qui ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016, celles du premier alinéa de cet article ; qu'en conséquence, au titre de l'année 2011, l'administration a réduit de 87 366 euros à 6 000 euros le montant total des amendes infligées à M. B...;
4. Considérant qu'il ne résulte d'aucune des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué par l'administration fiscale que les quatre comptes objets du litige auraient été effectivement ouverts ou clos au cours des années en litige ou que M. B...aurait effectué au moins une opération de crédit ou de débit pour chacune des années 2008 à 2011 ; que, dès lors, ces comptes ne peuvent être réputés avoir été ouverts, utilisés ou clos au sens des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 1649 du code général des impôts ; que si, comme le soutient le ministre, il ressort des motifs d'un arrêt rendu le 1er avril 2015 par la Cour d'appel de Paris, confirmé par une décision du 28 septembre 2016 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, condamnant M. B...à une peine d'emprisonnement avec sursis pour fraude fiscale, que l'intéressé était titulaire auprès de la banque HSBC Private Bank Suisse d'un compte ouvert le 22 juin 2005, cette décision ne contient aucune constatation de fait relative à l'ouverture, la clôture ou l'utilisation des comptes bancaires en cause au cours des années concernées 2008 à 2011 ; que, dans ces conditions, l'administration n'était pas fondée à lui infliger l'amende prévue par les dispositions de l'article 1736 du code général des impôts ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions en décharge du surplus des amendes restant en litige ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1509729/2-1 du 21 février 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il n'a pas prononcé la décharge du surplus des amendes restant en litige.
Article 2 : Il est accordé à M. B...la décharge des amendes qui lui ont été assignées au titre des années 2008 à 2011 sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts, restant en litige.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01040