Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 26 janvier 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1708776/1-2 du 7 novembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2018 et des pièces complémentaires enregistrées le
14 octobre 2018, Mme A..., représentée par Me Jabin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1708776/1-2 du 7 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 26 janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte, et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen, le préfet ne pouvait se borner à mentionner l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) alors qu'il n'était pas joint à la décision attaquée et sans prendre en compte tous ses contrats de travail ;
- le préfet a commis une erreur de fait dès lors qu'elle n'est pas titulaire d'un seul contrat de travail mais cumule plusieurs emplois à temps partiel dans le cadre de contrats à durée indéterminée et que le total de ses revenus est supérieur au SMIC ;
- le préfet s'est cru lié par l'avis de la DIRECCTE et a ainsi commis une erreur de droit ;
- le critère de disposer de revenus au moins équivalent au SMIC n'est prévu ni par la circulaire du 28 novembre 2012 ni par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision litigieuse méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle justifie d'une intégration professionnelle et d'une durée de présence en France depuis 2009 ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision contestée portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée dès lors que le préfet n'a pas précisé le fondement juridique de cette décision et s'est contenté de viser l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire sont entachées d'illégalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Le préfet de police fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé et qu'à supposer même que la requérante justifierait de revenus supérieurs au SMIC à la date de l'arrêté en litige, cette circonstance ne suffirait pas à caractériser un motif exceptionnel d'admission au séjour.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 avril 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guilloteau,
- et les observations de Me Jabin, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante camerounaise née en 1968, relève appel du jugement du
7 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 26 janvier 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 janvier 2017 :
2. Il ressort des termes de la décision attaquée que, pour refuser l'admission exceptionnelle au séjour de Mme A...en qualité de salariée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police a examiné la situation professionnelle de l'intéressée au regard du seul contrat de travail conclu avec la société Your Prod, qui procure à la requérante un revenu de 200 euros brut par mois, et de l'avis défavorable de la DIRECCTE en date du 20 septembre 2016 sur ce contrat, pris au motif que sa rémunération est inférieure au SMIC. Toutefois, Mme A...établit qu'à la date de la décision attaquée, elle occupait deux autres emplois auprès de particuliers : d'une part, en tant qu'employée de maison pendant 18 heures par mois et pour une rémunération mensuelle de 235,70 euros brut et d'autre part, en qualité de garde d'enfants et d'employée de maison pour une durée mensuelle totale de 62 heures rémunérées 831, 79 euros brut par mois. Il ne ressort ainsi ni des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de police aurait tenu compte, pour prendre sa décision portant refus de séjour, de tous les éléments relatifs à la situation professionnelle de MmeA.... Par suite, cette dernière est fondée à soutenir que la décision attaquée du 26 janvier 2017 est entachée d'un vice tiré du défaut d'examen complet de sa demande.
3. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation retenu, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a en revanche lieu d'enjoindre au préfet de police de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressée dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Jabin, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jabin de la somme de 1 200 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1708776/1-2 du 7 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 26 janvier 2017 par lequel le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Jabin, avocat de Mme A..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jabin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 novembre 2018.
Le rapporteur,
L. GUILLOTEAULe président,
I. LUBEN
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01756