La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2018 | FRANCE | N°18PA01536

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 08 novembre 2018, 18PA01536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 29 juillet 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1609267 du 29 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2018, M.

A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1609267 du 29 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 29 juillet 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1609267 du 29 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2018, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1609267 du 29 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 29 juillet 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de

100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision du 29 juillet 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée et aurait dû mentionner qu'il est présent sur le territoire français depuis 2006 ;

- dès lors qu'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

- la décision attaquée méconnait l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de celle-ci sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'un défaut de base légale ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- l'obligation de quitter le territoire fixant le pays de destination en date du 29 juillet 2016 revient à poser qu'il sera reconduit dans son pays d'origine, le Mali.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 avril 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Guilloteau a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né en 1976, relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 29 juillet 2016 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des mentions du jugement, en son point 10, que le Tribunal administratif de Melun a estimé que le préfet du Val-de-Marne n'avait pas " commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur la situation personnelle du requérant " en refusant de délivrer un titre de séjour à M.A.... Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient omis de statuer sur ce moyen doit être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. L'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 18 mai 2016. L'arrêté précise que, si l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il est toutefois avéré qu'il peut bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié à sa pathologie et que son état de santé lui permet de voyager et que, dès lors, il ne remplit pas les conditions de renouvellement du titre sollicité en application de l'article L. 313-11,11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté indique également que l'instruction du dossier montre que M. A...a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine où il n'établit pas être isolé et qu'il ne justifie pas de liens personnels et familiaux stables en France, qu'il ne fait pas valoir de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'en conséquence M. A...n'entre dans aucun autre cas de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au demeurant, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté en litige contient la mention selon laquelle l'intéressé a déclaré être présent en France depuis 2006. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a été pris en charge pour le traitement d'une tuberculose, d'une lésion osseuse au niveau des hanches et d'une neuropathie optique. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... à raison de son état de santé, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur l'avis du 18 mai 2016 du médecin de l'agence régionale de santé, qui a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Les pièces produites, consistant en des ordonnances médicales dont la plus récente date de fin 2014, et en un compte rendu médical du 4 novembre 2015 demandant un entretien avec le pneumologue traitant afin d'éviter une aggravation de la neuropathie, n'apportent aucune précision sur la nature du traitement que suivait l'intéressé à la date de la décision contestée et sur la disponibilité ou non du traitement approprié au Mali, tandis que

M. A...n'établit ni même n'allègue que le traitement nécessaire à son état de santé ainsi que le suivi requis par son état ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine. Par suite, le préfet du

Val-de-Marne n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler le titre de séjour de M. A...sur le fondement de ces dispositions.

7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. A... fait valoir qu'il est parfaitement intégré en France où il réside depuis 2006, qu'il y a travaillé à de nombreuses périodes et qu'il a des attaches familiales solides sur le territoire français. Toutefois, M. A... est célibataire et sans charges de famille et n'établit pas la réalité de son lien de parenté avec les trois personnes dont il produit la copie des titres de séjour et qu'il présente comme ses frères et soeur. Les pièces du dossier, consistant notamment en des bulletins de salaire et contrats de travail pour des missions d'intérim au cours des années 2007 et 2008 puis dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée entre juin 2015 et août 2016, ne suffisent pas à caractériser une particulière intégration professionnelle ou sociale. Enfin, M. A... ne soutient pas ne plus avoir d'attaches familiales au Mali, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 30 ans. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

9. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

10. Enfin, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ".

11. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles cités par ce texte auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Or, comme cela a été dit précédemment au point 6 du présent arrêt,

M. A...ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du

11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour en vertu de l'article L. 312-1 du même code.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

13. En second lieu, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée au droit au respect de la vie privée doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 8 ci-dessus.

Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :

14. Le préfet du Val-de-Marne a pu, à bon droit, fixer le pays dont M. A...a la nationalité comme pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à la frontière à l'expiration du délai de trente jours dont il dispose pour quitter le territoire français, la circonstance que le requérant aurait quitté ce pays depuis plusieurs années étant à cet égard sans incidence sur la légalité de cette décision.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 novembre 2018.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

I. LUBEN

Le greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18PA01536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01536
Date de la décision : 08/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : PARTOUCHE-KOHANA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-08;18pa01536 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award