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08/11/2018 | FRANCE | N°17PA01841

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 08 novembre 2018, 17PA01841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Boline a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 54 880 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'implantation d'un kiosque à journaux devant le panneau publicitaire qu'elle exploite au 17 rue de Passy à Paris et d'enjoindre à la ville de transférer le kiosque au 11 rue de Passy.

Par un jugement n° 1602437/4-1 du 23 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mai 2017 et le 25 se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Boline a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 54 880 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'implantation d'un kiosque à journaux devant le panneau publicitaire qu'elle exploite au 17 rue de Passy à Paris et d'enjoindre à la ville de transférer le kiosque au 11 rue de Passy.

Par un jugement n° 1602437/4-1 du 23 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mai 2017 et le 25 septembre 2017, la SARL Boline, représentée par Me Derains, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602437/4-1 du 23 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il ne fait pas droit à ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 54 880 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi, arrêté au 31 décembre 2016.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'implantation du kiosque ne masquerait pas intégralement la visibilité de son panneau publicitaire ;

- le kiosque constitue bien un ouvrage public dès lors qu'il est un bien immeuble, ainsi que l'a déjà jugé à deux reprises le Tribunal administratif de Paris ;

- elle subit ainsi un dommage permanent résultant de la présence de cet ouvrage public, à l'origine d'un préjudice anormal puisque l'emplacement publicitaire est définitivement perdu ;

- le préjudice subi correspond au montant des loyers dont elle a été privée à compter du 1er avril 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2018, la ville de Paris, représentée Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SARL Boline la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La ville de Paris soutient que :

- la requête est sans doute tardive puisque la notification du jugement a été adressée à la société requérante par un courrier du 24 mars 2017 et que sa requête d'appel n'a été enregistrée que le 30 mai 2017 ;

- les conclusions tendant à la condamnation de la ville de Paris sont mal dirigées dès lors que l'installation des kiosques à journaux, leur entretien et leur exploitation commerciale a été concédée par la ville à la société Administration d'affichage et de publicité, aux droits de laquelle vient la société Mediakosk, et qu'il appartient au seul concessionnaire, solvable, de répondre du dommage que causerait l'un des ouvrages qui lui a été concédé ;

- elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour pour la qualification de bien immeuble ou meuble du kiosque à journaux ;

- dans l'hypothèse où le kiosque serait regardé comme un bien meuble, les conclusions de la requête, fondées exclusivement sur la responsabilité sans faute du maître de l'ouvrage, ne pourront qu'être rejetées ;

- dans l'hypothèse où le kiosque serait regardé comme un bien immeuble et, par suite, comme un ouvrage public, le préjudice invoqué ne revêt pas le caractère de gravité permettant de le regarder comme anormal puisque, d'une part, le panneau demeure visible et que l'implantation du kiosque à journaux est même susceptible d'attirer de nouveaux passants, et, d'autre part, le montant des loyers dont la société aurait été privée ne peut excéder la somme de 13 720 euros, correspondant aux seuls loyers qui auraient pu être perçus jusqu'au terme normal du contrat qui a été résilié de façon anticipée au 1er avril 2013.

Par des interventions, enregistrées le 31 août 2017 et le 13 octobre 2017, la société Mediakiosk, représentée par MeA..., s'associe aux conclusions de la ville de Paris.

La société Mediakiosk fait valoir que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le kiosque à journaux n'obstrue pas totalement la visibilité du panneau publicitaire puisque ce dernier demeure tout à fait visible pour les piétons empruntant le trottoir sur lequel il est implanté et qu'il demeure également visible pour les automobilistes depuis la chaussée ;

- à titre principal, l'action fondée sur la responsabilité sans faute pour dommage de travaux publics ne peut prospérer dès lors que le kiosque ne peut être qualifié d'ouvrage public, faute d'être un bien immeuble ; le kiosque, qui est susceptible d'être déplacé pour les besoins de la gestion du domaine public ou pour assurer une meilleure distribution de la presse, n'est ainsi pas scellé au sol et ne comporte aucune fondation, dès lors qu'il est seulement posé sur un support bétonné, qui peut lui-même être retiré du trottoir sans aucune atteinte au revêtement ;

- à titre subsidiaire, le lien de causalité entre l'installation du kiosque et la résiliation du contrat de location de l'emplacement publicitaire n'est pas démontré ;

- enfin, le dommage ne revêt pas de caractère anormal, la visibilité de l'emplacement publicitaire étant maintenue et l'installation d'éléments sur le domaine public faisant partie des sujétions normales pouvant être imposées aux riverains ; le dommage ne revêt pas davantage de caractère spécial dès lors que ces sujétions sont communes à tous les riverains du domaine public et de la voie publique ;

- la SARL Boline ne peut demander réparation d'un préjudice financier arrêté au 31 décembre 2016 alors que le bail conclu pour la location de l'emplacement publicitaire trouvait son terme normal au 1er juillet 2014.

Par ordonnance du 30 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guilloteau,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- les observations de Me Derains, avocat de la SARL Boline,

- et les observations de Me Falala, avocat de la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société Mediakiosk, concessionnaire de la ville de Paris, a installé au début de l'année 2013 au 17 rue de Passy dans le 16ème arrondissement de Paris un kiosque à journaux. La SARL Boline, qui exploitait un emplacement publicitaire à proximité, a saisi le Tribunal administratif de Paris afin, d'une part, qu'il soit enjoint à la ville de déplacer ce kiosque et, d'autre part, que la ville soit condamnée à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la présence du kiosque. Par un jugement du 23 mars 2017, le tribunal a rejeté sa demande. Par la présente requête, la SARL Boline interjette appel de ce jugement en tant qu'il ne fait pas droit à ses conclusions indemnitaires.

Sur l'intervention de la société Mediakiosk :

2. La société Mediakiosk, qui était alors concessionnaire de la ville de Paris pour la fourniture, l'entretien et l'exploitation publicitaire des kiosques à journaux, justifie d'un intérêt suffisant au maintien du jugement entrepris. Ainsi, son intervention à l'appui du mémoire en défense de la ville de Paris est recevable.

Sur la responsabilité et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :

3. La SARL Boline entend rechercher la responsabilité sans faute de la ville de Paris en qualité de maître d'ouvrage. Il appartient toutefois au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter, sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

4. Il résulte de l'instruction que le kiosque à journaux litigieux est implanté à une dizaine de mètres du mur pignon sur lequel est situé le panneau publicitaire exploité par la SARL Boline. Si cette dernière établit que ce panneau est masqué pour un passant se trouvant au droit du n°19 de la rue de Passy, il résulte des photographies produites par les parties que le panneau demeure parfaitement visible pour les passants une fois le kiosque dépassé comme pour les passants circulant de part et d'autre de ce kiosque. Il résulte également de ces mêmes photographies que le panneau demeure visible depuis les voitures circulant sur la chaussée, à hauteur du kiosque. Ainsi, l'implantation du kiosque à journaux limite seulement la visibilité du panneau publicitaire. Dans ces conditions, il ne résulte nullement de l'instruction que le préjudice allégué par la SARL Boline excéderait les sujétions normales qui peuvent être imposées aux riverains des voies publiques dans un but d'intérêt général et revêtirait un caractère anormal et spécial.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Boline n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Boline le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la ville de Paris au titre des frais de l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Mediakiosk est admise.

Article 2 : La requête de la SARL Boline est rejetée.

Article 3 : La SARL Boline versera à la ville de Paris une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Boline, à la ville de Paris et à la société Mediakiosk.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 novembre 2018.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

I. LUBEN

Le greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01841
Date de la décision : 08/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-05-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Caractère spécial et anormal du préjudice. Absence de caractère anormal.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : KGA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-08;17pa01841 ?
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