Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 février 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée sur le territoire au titre de l'asile et a prescrit son réacheminement vers la Russie ou tout autre pays où il est légalement admissible.
Par un jugement n° 1802085/8 du 14 février 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision attaquée.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 20 mars 2018, le ministre de l'intérieur, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- la demande d'asile se fondait, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat délégué, sur des éléments sommaires et peu crédibles ;
- le magistrat délégué s'est par ailleurs fondé sur des éléments postérieurs à la décision ;
- la décision contestée n'était pas viciée par les conditions matérielles de l'entretien avec l'officier de protection ;
- l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du
19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bernier,
- et les observations de MeB..., représentant le ministre de l'intérieur.
1. Considérant que, par décision du 9 février 2018 prise au vu de l'avis rendu le même jour par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'entrée en France au titre de l'asile formée par M.C..., maintenu en zone d'attente à son arrivée à l'aéroport de Roissy ; que, par cette même décision, le ministre de l'intérieur a ordonné son réacheminement vers la Russie, pays d'où il provenait, ou tout autre pays où il serait légalement admissible ; que, saisi par M.C..., le tribunal administratif a annulé cette décision par un jugement du 14 février 2018 dont le ministre de l'intérieur relève appel ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3°(...) la demande d'asile est manifestement infondée./ Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves (...) L'étranger autorisé à entrer en France au titre de l'asile est muni sans délai d'un visa de régularisation de huit jours. Dans ce délai, l'autorité administrative compétente lui délivre, à sa demande, une attestation de demande d'asile lui permettant d'introduire sa demande auprès de l'office " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations, et les documents produits à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé ;
4. Considérant qu'il ressort des déclarations de M.C..., citoyen russe d'origine tchéchène, consignées dans le compte-rendu d'entretien avec le représentant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qu'il aurait fait l'objet d'un harcèlement accompagné de menaces et de mauvais traitements par les services de sécurité russes après le départ vers la Syrie de l'un de ses amis ; que si le récit de M. C...est en lui-même plausible et n'est pas entaché d'incohérences manifestes, il comporte de très nombreuses imprécisions qui en compromettent la crédibilité ; qu'en particulier l'ami qui aurait quitté la Russie pour la Syrie n'est pas identifié et la date approximative de son départ ne peut être déterminée ; que les déclarations ne permettent pas d'apprécier le délai qui aurait séparé le départ de son ami des harcèlements dont il aurait fait l'objet par les services de sécurité ; que les mauvais traitements qui lui auraient été infligés, et les craintes d'être exposé à un meurtre ou à des tortures s'il ne quittait pas la Russie, sont rapportés de manière convenue ainsi que l'a relevé l'Office de protection des réfugiés et apatrides dans son avis motivé ; qu'ainsi donc, en raison de leur caractère extrêmement général et galvaudé, et en l'absence d'élément factuel suffisamment précis, c'est sans entacher son appréciation d'erreur que le ministre de l'intérieur a pu considérer comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé ; que, dans ces conditions, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision ;
5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Paris et devant la cour ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions de l'avis en date du 9 février 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur la demande d'asile présentée par M.C..., que celui-ci a bénéficié, lors de son entretien du même jour réalisé par l'Office, des services d'un interprète en langue russe de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration, ainsi que le permettent les dispositions précitées de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré par M. C...de l'absence d'interprète lors du déroulement de cet entretien doit être écarté ;
7. Considérant que si M. C...soutient qu'il n'a pas pu avoir accès à son téléphone pendant son entretien avec l'agent de l'OFPRA, il ne ressort pas des pièces du dossier que
M. C...en aurait fait la demande lors de cet entretien ; qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés des irrégularités qui auraient affecté l'entretien doivent être écartés ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; " ; et qu'aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. " ; que dès lors que les déclarations de M. C...n'étaient manifestement pas crédibles pour les raisons exposées au point 4 du présent arrêt, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée, en ce qu'elle prescrit son réacheminement vers la Russie, méconnaitrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ; que par suite le moyen ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision portant refus d'entrée sur le territoire de M. C...; que la demande présentée devant le tribunal doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 février 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 octobre 2018.
Le rapporteur,
Ch. BERNIERLe président,
M. BOULEAULe greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA00917