Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1800010/6-2 du 29 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2018, un mémoire récapitulatif produit le
18 juin 2018, après demande formulée par le président de la formation de jugement sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, et un mémoire complémentaire produit le
27 septembre 2018, M.D..., représenté MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1800010/6-2 du
29 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 28 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte, et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas à travers leur jugement suffisamment répondu au moyen tiré de ce que le préfet n'a pas réalisé un examen approfondi de sa situation ;
- l'arrêté a été édicté aux termes d'une procédure irrégulière car le préfet a saisi non pas le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, mais le collège de médecins de l'Office de l'immigration et de l'intégration, alors que sa demande est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 modifiant l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, et qu'il n'a pas eu communication de l'avis médical le concernant ;
- l'arrêté est entaché d'erreurs de fait, ses parents et ses frères ne résidant pas en Algérie ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du
27 décembre 1968 modifié ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even, président de chambre ;
- et les observations de Me B...pour M.D....
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant algérien, né le 21 décembre 1987, est entré en France le 14 septembre 2011 selon ses déclarations. Il a obtenu le 12 septembre 2014 une carte séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", qui a été expressément renouvelée jusqu'au 17 décembre 2016. Il a sollicité auprès de la préfecture de police de Paris un titre de séjour portant la mention " étranger malade " le 26 octobre 2016. Par un arrêté du 28 novembre 2017, le préfet de police a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français, dans un délai de 30 jours, et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. M. D...relève appel du jugement du
29 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du point 8 dudit jugement que le Tribunal administratif a précisé " qu'il ressort des termes même de la décision attaquée que le préfet de police a porté une appréciation sur la situation du requérant après un examen approfondi de sa situation ". Par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir qu'une omission à statuer aurait été commise sur ce point, ni que cette réponse serait insuffisamment motivée.
Sur la légalité de la décision attaquée :
3. En premier lieu, aux termes du 3° de l'article 13 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " Le 11° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : " 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. " L'article 67 de cette même loi du 7 mars 2016 précise que : " V. - le 3° de l'article 13,... entrent en vigueur le 1er janvier 2017. VI. - La présente loi s'applique aux demandes pour lesquelles aucune décision n'est intervenue à sa date d'entrée en vigueur. Le 3° de l'article 13... s'appliquent aux demandes présentées après son entrée en vigueur ". Il ressort de ces textes, que la demande formulée par M. D...ayant été introduite avant le 1er janvier 2017, et n'ayant pas donné lieu à une réponse à cette date, il convient d'appliquer les dispositions énoncées par l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure issue de l'article 6 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, qui précise que : " sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ". Il appartenait donc au préfet de police, s'agissant de l'instruction d'une demande de carte de séjour temporaire présentée avant le 1er janvier 2017, de saisir pour avis le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, ce qu'il n'a pas fait en anticipant illégalement la mise en oeuvre des nouvelles dispositions introduites par la loi du 7 mars 2016.
4. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. En l'espèce, en consultant le collège de médecins du service médical de l'Office de l'immigration et de l'intégration, le préfet de police n'a pas privé M. D...d'une garantie, dès lors que sa demande de carte de séjour temporaire a donné lieu à la délivrance d'un avis émis par une autorité médicale. Enfin, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M.D..., cet avis médical lui a été communiqué. Par suite, ses moyens tirés de l'existence de vices de procédure ne peuvent être accueillis.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du
27 décembre 1968 modifié, dans sa rédaction applicable au litige : " Les dispositions du présent article, ainsi que celles des deux articles suivant, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. "
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D...souffre de la maladie de Crohn. Le collège de médecins de l'Office de l'immigration et de l'intégration a, par son avis du
4 novembre 2017, estimé que si la maladie dont souffre l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, dont l'absence serait de nature à entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le préfet de police a ajouté en défense qu'il existe de nombreux gastro-entérologues en Algérie et a produit la liste des médicaments essentiels disponibles dans ce pays, qui fait apparaître certains comprenant le principe actif du médicament Questran utilisé par M.D.... Pour réfuter ces analyses, l'intéressé se borne à produire trois certificats médicaux rédigés par un gastro-entérologue de l'hôpital Beaujon à Paris, qui décrivent l'évolution de son état de santé entre 2014 et 2018, sans préciser expressément que le traitement qu'il prenait à la date de la décision attaquée serait indisponible en Algérie. Enfin, la circonstance que M. D...suivrait un nouveau traitement, à base d'Humira, qui serait inexistant en Algérie, attestée par un nouveau certificat médical daté du 23 janvier 2018, est sans incidence dès lors qu'elle se rapporte à des faits survenus postérieurement à la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 5 de l'accord
franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. D...fait valoir qu'il est parfaitement intégré en France, où il réside depuis plus de 6 ans, où il occupe un emploi, et dont il maîtrise la langue, que sa soeur dispose de la nationalité française, et que ses parents et ses frères ne résident pas en Algérie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. D...est célibataire et sans charge de famille, et n'établit pas que ses parents et ses frères ne résident pas dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 23 ans. Par suite, le préfet de police ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de M. D...de mener une vie privée et familiale normale et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a faite des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des frais de justice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au Préfet de police de Paris
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
-M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
Le président rapporteur,
B. EVEN Le président assesseur,
P. HAMON
Le greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01408