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18/10/2018 | FRANCE | N°18PA00182

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 18 octobre 2018, 18PA00182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, lui a fait injonction de réaliser des travaux dans l'appartement qu'il occupe au 2ème étage de l'immeuble sur rue sis 4-6, rue Foucault à Paris (16ème arrondissement).

Par un jugement n° 1604594/6-1 du 10 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, en

registrée le 16 janvier 2018, M.E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, lui a fait injonction de réaliser des travaux dans l'appartement qu'il occupe au 2ème étage de l'immeuble sur rue sis 4-6, rue Foucault à Paris (16ème arrondissement).

Par un jugement n° 1604594/6-1 du 10 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2018, M.E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1604594/6-1 du 10 février 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 décembre 2015 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, lui faisant injonction de réaliser des travaux dans l'appartement qu'il occupe dans l'immeuble sis 4-6, rue Foucault à Paris 16ème ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D...de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux a été signé par une autorité incompétente ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que ni l'état d'insalubrité ni l'urgence et/ou le danger imminent pour la santé publique ne sont établis ;

- il n'est pas le propriétaire du logement en cause, et la totalité des meubles meublants et des effets personnels qui s'y trouvent ne lui appartiennent pas.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2018, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.

Par une décision en date du 20 octobre 2017, M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- l'arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. E...occupe un logement au 2ème étage de l'immeuble sur rue sis 4-6, rue Foucault à Paris (16ème arrondissement). A la suite d'une recherche de fuite d'eau affectant sa voisine de l'étage inférieur, les employés de deux entreprises de plomberie sont entrés, en décembre 2014 et juin 2015, dans le logement occupé par M.E..., et ont indiqué au syndic de copropriété de l'immeuble que l'appartement était insalubre, très encombré et que ses installations sanitaires n'étaient pas accessibles. Le 29 juin 2015, le syndic de l'immeuble a saisi le service technique de l'habitat de la ville de Paris. Un inspecteur de salubrité s'est rendu sur place à quatre reprises, les 21 août, 10 septembre, 2 octobre et 26 novembre 2015, sans jamais pouvoir accéder au logement, malgré l'envoi d'avis de passage et alors même que M. E... était présent dans son logement lors de la dernière visite du 26 novembre 2015 et a communiqué avec l'inspecteur de salubrité à travers la porte par téléphone portable. L'inspecteur de salubrité a rédigé un rapport le 18 décembre 2015 dans lequel, estimant que la situation était de nature à nuire à la santé des occupants, il préconisait de nettoyer, débarrasser, désinfecter et désinsectiser l'ensemble du logement afin de ne plus porter atteinte à la salubrité du voisinage et d'exécuter tous les travaux annexes strictement nécessaires, visant notamment à faire cesser les fuites et sécuriser les installations électriques et de gaz, dans un délai de quinze jours. Sur le fondement de ce rapport, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a, par arrêté du 22 décembre 2015, enjoint à M. E... de " débarrasser, nettoyer, désinfecter, dératiser et désinsectiser l'ensemble du logement afin de ne plus porter atteinte à la salubrité du voisinage " et d'exécuter les travaux annexes strictement nécessaires à la réalisation efficace de ces mesures dans un délai de quinze jours. Par le jugement attaqué du 10 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. E...tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. L'article L. 1311-1 du code de la santé publique dispose que : " Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'Etat (...) fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière (...) de salubrité des habitations (...) " et l'article L. 1311-2 du même code que : " Les décrets mentionnés à l'article L. 1311-1 peuvent être complétés par des arrêtés du représentant de l'Etat dans le département ou par des arrêtés du maire ayant pour objet d'édicter des dispositions particulières en vue d'assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune " et aux termes de l'article L. 1311-4 du même code : " En cas d'urgence, notamment de danger ponctuel imminent pour la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département peut ordonner l'exécution immédiate, tous droits réservés, des mesures prescrites par les règles d'hygiène prévues au présent chapitre. / Lorsque les mesures ordonnées ont pour objet d'assurer le respect des règles d'hygiène en matière d'habitat et faute d'exécution par la personne qui y est tenue, le maire ou à défaut le représentant de l'Etat dans le département y procède d'office aux frais de celle-ci (...) ". L'article 23-1 de l'arrêté susvisé du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris dispose que : " Dans chaque immeuble, le mode de vie des occupants des logements ne doit pas être la cause d'une dégradation des bâtiments ou de la création de conditions d'occupation contraires à la santé. (...) Dans les logements et leurs dépendances, tout occupant ne doit entreposer ou accumuler ni détritus, ni déjections, ni objets ou substances diverses pouvant attirer et faire proliférer insectes, vermine et rongeurs ou créer une gêne, une insalubrité, un risque d'épidémie, d'accident ou d'incendie. / Dans le cas où l'importance de l'insalubrité et les dangers définis ci-dessus sont susceptibles de porter une atteinte grave à la santé ou à la salubrité et à la sécurité du voisinage, il est enjoint aux occupants et propriétaires de faire procéder d'urgence au déblaiement, au nettoyage, à la désinfection, à la dératisation et à la désinsectisation des locaux et de procéder à tous travaux afin d'éviter tout nouveau dépôt. / En cas d'inobservation de cette disposition et après mise en demeure adressée aux occupants et aux propriétaires, il peut être procédé d'office à l'exécution des mesures nécessaires dans les conditions fixées par le Code de la santé publique (...) " et l'article 121 du même arrêté que : " (...) Les occupants des logements et autres locaux doivent les maintenir propres et prendre toutes précautions en vue d'éviter le développement et la prolifération des insectes ou vermine (blattes, punaises, moustiques, puces, mouches, etc.). / Ils sont tenus de faire désinsectiser et, éventuellement, désinfecter leurs locaux dès l'apparition de ces parasites. / Ils ne peuvent s'opposer aux mesures de désinsectisation et de désinfection générales prévues à l'article 23-1 (...) ".

3. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé pour le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, et par délégation, le délégué territorial de Paris, M. C...F.... Par un arrêté n° 2015 240-0006 du 28 août 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du département de Paris n° NV170 du 28 août 2015, visé par l'arrêté attaqué, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a délégué sa signature à M. G...B..., directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France à l'effet de signer " tous actes, décisions et contrats dans les matières suivantes (...) 3°) en matière d'habitat : - injonction d'exécution immédiate en cas d'urgence, notamment de danger ponctuel imminent pour la santé publique, des mesures prescrites par les règles d'hygiène (article L. 1311-4 du CSP), (...) " ; l'article 2 de cet arrêté dispose qu' " en cas d'absence ou d'empêchement de M. G...B..., la délégation visée à l'article 1er est donnée à M. C...F..., délégué territorial de Paris. ". Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur de salubrité assermenté du service technique de l'habitat de la ville de Paris, comme il a été dit ci-dessus, s'est rendu sur les lieux à quatre reprises, les 21 août, 10 septembre, 2 octobre et 26 novembre 2015, sans jamais pouvoir accéder au logement occupé par M.E..., malgré l'envoi d'avis de passage, et alors que ce dernier était chez lui lors de la dernière visite. Par suite, le requérant, qui a fait obstacle à ces visites, ne saurait soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'une erreur de fait au motif que le logement en cause n'a pas été visité par l'inspecteur de salubrité. L'inspecteur de salubrité, quand bien même il n'a pu pénétrer dans l'appartement occupé par M. E...malgré ses quatre tentatives, a indiqué d'une part, dans son rapport du 18 décembre 2015, que, lors de sa visite infructueuse du 26 novembre 2015, " des odeurs nauséabondes étaient perceptibles sur le palier " ; d'autre part, lors de cette visite, il a toutefois pu s'entretenir par téléphone portable à travers la porte avec M.E..., présent dans son logement et celui-ci a alors reconnu que son logement était encombré de détritus et d'objets divers, ce qu'il n'a pas contesté ultérieurement. Ces éléments établissaient, à eux seuls, sans que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, ait eu à prendre en considération les compte-rendus de recherche de fuite des deux entreprises de plomberie, non contradictoires et rédigés plusieurs mois avant l'arrêté contesté, que l'état de l'appartement occupé par M. E...constituait un danger imminent pour la santé publique au sens de l'article L. 1311-4 du code de la santé publique, et présentait une importante insalubrité au sens de l'article 23-1 du règlement sanitaire départemental de Paris, qui s'appliquent à tout occupant d'un logement. Par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, n'avait pas entaché d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation l'arrêté litigieux du 22 décembre 2015 prescrivant les mesures d'assainissement rendues nécessaires par l'état des lieux, en application des dispositions précitées de l'article L. 1311-4 du code de la santé publique.

5. En troisième lieu, si M. E...soutient qu'il n'est pas le propriétaire du logement en cause et que la totalité des meubles meublants et des effets personnels qui s'y trouvent ne lui appartiennent pas, il n'apporte, au soutien de son allégation, aucun commencement de preuve. En tout état de cause, cette circonstance, à la supposer même établie, serait sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. E... était occupant de cet appartement à la date de l'arrêté contesté, quand bien même cette occupation, comme il le soutient, ne serait pas continue.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, lui a fait injonction de réaliser des travaux dans l'appartement qu'il occupe au 2ème étage de l'immeuble sur rue sis 4-6, rue Foucault à Paris (16ème arrondissement). Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00182
Date de la décision : 18/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Logement - Règles de construction - de sécurité et de salubrité des immeubles.

Santé publique - Protection générale de la santé publique - Police et réglementation sanitaire - Salubrité des immeubles.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : TOLOUDI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-18;18pa00182 ?
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