La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2018 | FRANCE | N°17PA01060

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 18 octobre 2018, 17PA01060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...E...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.

Par un jugement n° 1502269 du 9 février 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mars 2017, M. et

Mme D...E..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 15022...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...E...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.

Par un jugement n° 1502269 du 9 février 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mars 2017, M. et Mme D...E..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1502269 du 9 février 2017 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas répondu à plusieurs de leurs arguments ;

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée ; aucune copie de la proposition de rectification de la société SCO n'a été jointe à la proposition de rectification que leur a adressée le service ;

- le service ne les a pas informés de la procédure de vérification de comptabilité diligentée à l'encontre de la société SCO, dont M. E...n'était pas le dirigeant, ni l'associé ; ils n'ont pas eu connaissance des redressements notifiés à la société, dont découlent pourtant les impositions en litige ;

- il ne s'est pas livré à un échange contradictoire avec eux sur la valeur des titres cédés, ni sur le choix des méthodes, des critères et variables retenus par le service pour les évaluer ; le service n'a pas tenu compte de leurs remarques concernant notamment la surpondération à la date de la cession alors que le résultat de l'exercice clos en 2009 n'était pas même connu à cette date ou l'absence de prise en compte d'une perte liée à l'exploitation de 148 540 euros sur un exercice antérieur figurant dans le résultat de l'exercice 2009 ;

- à défaut pour le service d'apporter la preuve du caractère définitif des redressements qui ont été notifiés à la société SCO, celui-ci ne pouvait leur réclamer des suppléments d'impôts au titre de revenus dont le caractère irrégulièrement distribué par la société SCO n'était pas définitivement établi ;

- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe, en se bornant à se prévaloir des liens familiaux existant entre les associés et gérants des sociétés SCO et SGF Raccord, de l'intention de M. E...d'accepter la libéralité correspondant au montant de la minoration des titres cédés ;

- l'évaluation par le service des titres de la société SGF Raccord est erronée ainsi qu'il résulte des préconisations du guide de l'évaluation des entreprises et des titres de sociétés ; la valeur unitaire des parts de cette société doit être fixée à 29,7 euros ; en relevant qu'ils avaient entendu se prévaloir des recommandations contenues dans le guide de l'évaluation des entreprises et des titres de sociétés sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le tribunal a dénaturé leurs écritures.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D...E...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poupineau,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société SCO a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le service a constaté que, par une convention du 30 mars 2009, elle avait cédé à M. D... E..., 2 332 parts de la société SGF Raccord, dont l'intéressé détenait déjà 59 % du capital et était le dirigeant, pour un montant total d'un euro. Il a considéré que le prix payé par M. E... avait été délibérément minoré, sans contrepartie, par rapport à la valeur vénale de ces titres, qu'il a fixée à une valeur unitaire de 76 euros et que l'intéressé avait ainsi bénéficié d'une libéralité constitutive d'une distribution occulte au sens du c de l'article 111 du code général des impôts, dont le montant, correspondant à l'écart relevé entre le prix de cession des titres de la société SGF Raccord et leur valeur réelle, devait être imposé entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. et Mme E...ont, en conséquence des rectifications apportées à leur déclaration de revenus de l'année 2009 lors d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties des intérêts de retard et de la pénalité de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. Ils font appel du jugement en date du 9 février 2017, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 9 juin 2017, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement, en droits et en pénalités, à concurrence de la somme totale de 5 854 euros, de la cotisation supplémentaire de contributions sociales mise à la charge de M. et Mme E...au titre de l'année 2009. Les conclusions des requérants tendant à la décharge de cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les impositions en litige :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.(...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

5. D'une part, la proposition de rectification en date du 25 mai 2012, adressée à M. et MmeE..., mentionne les impôts concernés, l'année en cause, le montant des rectifications envisagées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ainsi que celui des impositions mises en conséquence à la charge des intéressés. Par ailleurs, le service a reproduit dans ce document les extraits, qu'il s'est approprié, de la proposition de rectification notifiée à la société SCO, se rapportant à la minoration de la valeur des titres de la société SGF Raccord et qui exposent précisément les raisons pour lesquelles l'administration a considéré que ces titres avaient été cédés à M. E...à un prix nettement inférieur à leur valeur ainsi que les éléments susceptibles de caractériser l'intention libérale des parties. Il a également joint à cette proposition de rectification une annexe de six pages détaillant les modalités d'évaluation des titres de la société SGF Raccord. Compte tenu des éléments d'information ainsi portés à la connaissance des contribuables, qui se suffisaient à eux-mêmes et leur permettaient de contester utilement les rectifications envisagées par le service, ce dernier n'était pas tenu de joindre à la proposition de rectification en litige une copie de la proposition de rectification adressée à la société SCO. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la motivation de la proposition de rectification du 25 mai 2012 dont ils ont été destinataires ne répondait pas aux exigences de l'article L. 57 précité du livre des procédures fiscales.

6. D'autre part, si les requérants font valoir que le service ne s'est pas livré avec eux à un échange contradictoire sur la valeur des titres cédés ainsi que sur le choix des méthodes et des critères d'évaluation retenus, il résulte de l'instruction que, pour établir les impositions en litige, l'administration a procédé, en application des dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, à un contrôle sur pièces de leur déclaration de revenus de l'année 2009. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, le service a adressé à M. et Mme E...une proposition de rectification qui comportait l'ensemble des informations nécessaires leur permettant de comprendre et de discuter utilement les modalités d'évaluation par le service des titres de la société SGF Raccord. Ils ont d'ailleurs contesté la méthode de l'administration dans leur lettre d'observations du 20 juillet 2012 auxquelles le service a répondu, de façon détaillée, par un courrier du 3 août 2012. La circonstance alléguée que l'administration n'aurait pas tenu compte de certaines de leurs critiques n'est pas de nature à établir qu'elle n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de leurs observations.

7. En deuxième lieu, en application du principe d'indépendance des procédures, le service n'était pas tenu d'informer M. et Mme E...des suites de la procédure de rectification engagée à l'encontre de la société SCO, contribuable distinct.

8. En dernier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait l'administration à attendre que les impositions mises à la charge de la société SCO soient définitivement établies, avant de mettre en recouvrement les suppléments d'impôts en litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'établissement des impositions mises à leur charge est entachée d'irrégularités.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

10. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

11. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'elle établit l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé et, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession, sans que cet avantage ne soit assorti d'une contrepartie.

S'agissant de l'évaluation des titres de la société SGF Raccord :

12. La valeur vénale de titres non admis à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. En l'absence de toute transaction ou de transaction équivalente, l'appréciation de la valeur vénale est faite en utilisant les méthodes d'évaluation qui permettent d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue.

13. Il résulte de l'instruction qu'en l'absence de toute transaction ou de transaction équivalente permettant de déterminer la valeur vénale des titres de la société SGF Raccord lors de la cession en litige du 30 mars 2009, 1'administration a recouru à la valeur mathématique reconstituant l'actif réel et le passif réel et la valeur de productivité et a fixé le montant de la valeur vénale à la moyenne des deux valeurs ainsi obtenues. Elle a, dans un premier temps, arrêté la valeur mathématique unitaire de chaque part de la société SGF Raccord à 48 euros en ajoutant à la valeur comptable de la société la valeur du fonds de commerce qu'elle a déterminée en calculant la moyenne, d'une part, d'une évaluation par le chiffre d'affaires pondéré sur les exercices 2007, 2008 et 2009 auquel elle a appliqué un taux de capitalisation de 5 % et, d'autre part, d'une évaluation par le bénéfice en appliquant un coefficient de 1,5 au bénéfice annuel pondéré au titre des trois exercices précités. L'administration a, dans un second temps, arrêté la valeur de productivité unitaire des parts à 103 euros en multipliant le bénéfice moyen annuel pondéré au titre des mêmes exercices, soit 94 545 euros, par un taux de capitalisation de 11,86 %. Elle a ainsi fixé à 76 euros la valeur d'une part de la société SGF Raccord, dont les titres ont été cédés lors de la transaction litigieuse pour une valeur unitaire de 0,0004288 euro.

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment des mentions de la proposition de rectification adressée aux contribuables, que, contrairement à ce que soutiennent ces derniers, le service a analysé l'activité et la situation économique de la société SGF Raccord et a tenu compte de ses caractéristiques propres, dont sa taille et ses perspectives d'évolution, avant de choisir la méthode d'évaluation des titres de cette société.

15. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le calcul de la valeur mathématique est entaché de nombreuses erreurs. Ils font ainsi valoir que le service a pris deux fois en compte certains éléments composant le fonds de commerce de la société et sollicitent la réfaction d'une somme de 22 786 euros correspondant aux installations techniques et immobilisations. Toutefois, il résulte de l'instruction que le service n'a pas retenu les éléments corporels du fonds de commerce, au nombre desquels figurent les éléments ci-dessus mentionnés, pour déterminer la valeur de ce fonds mais n'a pris en compte que les éléments incorporels en procédant à une évaluation des chiffres d'affaires et bénéfices réalisés au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009. Par ailleurs, les perspectives d'évolution de la société SGF Raccord justifiaient l'application d'une pondération de 3 pour l'exercice 2009, de 2 pour l'exercice 2008 et de 1 pour l'exercice 2007 aux montants des chiffres d'affaires et bénéfices réalisés au titre de chacun des exercices. La circonstance alléguée que le Guide de l'évaluation des entreprises et des titres de sociétés ne prévoit pas de pondération en fonction des exercices retenus n'est pas de nature à établir que le service aurait, en procédant à une telle pondération, entaché sa méthode d'évaluation d'irrégularité. Il a pu également régulièrement tenir compte des résultats de la société SGF Raccord de l'exercice clos au 31 mars 2009 pour évaluer le montant du chiffre d'affaires et des bénéfices réalisés par la société lors de la cession en litige du 30 mars 2009. Si les requérants font valoir que le service n'a pas tenu compte d'une perte commerciale d'exploitation sur exercice antérieur d'un montant de 148 540 euros et que le résultat de l'exercice clos en 2009 s'établit en réalité à 96 350 euros, il est constant que la société SGF Raccord a comptabilisé cette somme comme une charge exceptionnelle. En se bornant à se prévaloir d'un avis de conformité du Conseil national de la comptabilité, ils n'établissent pas que la perte dont ils se prévalent relèverait, en raison de son caractère récurrent, de l'activité habituelle et ordinaire de l'entreprise et constituerait ainsi une charge normale d'exploitation. Contrairement à ce qu'ils allèguent, en appliquant un coefficient de 1,5 pour déterminer le bénéfice annuel moyen pondéré, après avoir cependant mentionné dans la proposition de rectification retenir un coefficient de 1, le service n'a pas méconnu sa propre méthode d'évaluation mais a commis une simple erreur de plume dépourvue de conséquence sur la validité de cette méthode. Enfin, le service n'avait pas à prendre en compte les charges constatées d'avance d'un montant de 3 476 euros dès lors que ces charges avaient été comptabilisées à l'actif et au passif du bilan et qu'elles n'ont ainsi pas d'incidence sur le calcul de la valeur mathématique.

16. En troisième lieu, M. et Mme E...soutiennent que, pour le calcul de la valeur de productivité, le service n'a pas tenu compte d'une perte commerciale d'exploitation sur exercice antérieur d'un montant de 148 540 euros. Cependant, ainsi qu'il a été dit au point 15, ils n'établissent pas que cette perte constituerait une charge normale d'exploitation. Par ailleurs, il ressort des mentions des différentes pièces de procédure que le service a, pour fixer le taux de productivité à 11,86 %, retenu une prime de risque de 5 % et un coefficient Beta de risque lié à l'entreprise de 1,8. Toutefois, les requérants critiquent la pertinence des taux appliqués par l'administration qui n'aurait ainsi pas suffisamment tenu compte des caractéristiques propres de la société SGF Raccord, en particulier de sa taille, de son caractère récent, de son secteur d'activité et de sa faible masse salariale. Ils préconisent de retenir une prime de risque d'au minimum 7 % et un coefficient Beta de 2, soit un taux de capitalisation de 16,86 %. A cet égard, le ministre soutient sans être contredit que le taux de 5 % est celui recommandé par le Guide de l'évaluation des entreprises et des titres de sociétés pour la France et que le coefficient Beta est compris entre 0,5 et 0,8 pour les activités dont relève la société SGF Raccord, celui de deux, réservé à certains secteurs des nouvelles technologies, revêtant un caractère exceptionnel. Ainsi, en retenant un coefficient de 1,8, le service a suffisamment pris en compte les particularités de la société SGF Raccord.

17. En quatrième lieu, le service a, à la page 16 de la proposition de rectification adressée aux épouxE..., exposé les motifs du choix de la combinaison qu'il a retenue pour pondérer les valeurs mathématique et de productivité obtenues, qui tiennent compte notamment de la nature de l'activité et de la taille de l'entreprise, ainsi que de l'absence de transmission du pouvoir de décision par la cession des parts. Les requérants soutiennent que cette méthode conduit à une valorisation excessive de la valeur de productivité en contravention avec les recommandations du Guide de l'évaluation des entreprises et des titres de sociétés pour la France, qui privilégie la valeur mathématique pour les entreprises de la taille et de l'importance de la société SGF Raccord et énonce que " d'une manière générale, la valeur d'une entreprise de petite taille approche celle de son patrimoine ". Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, qu'en considérant que la valeur de la société SGF Raccord devait être appréciée, compte tenu de l'évolution croissante de son chiffre d'affaires et de son bénéfice, et de ses perspectives économiques, au regard de son activité et non de son actif immobilier, qui n'était pas prévalent, le service, qui a regardé la société évaluée comme une PME de petite taille, ait procédé à une analyse erronée de sa situation.

18. En cinquième lieu, les requérants sollicitent l'application de l'abattement de 10 % pour clause d'agrément prévu par le Guide de l'évaluation des entreprises et des titres de sociétés pour la France, au motif que l'article 10 des statuts de la société SGF Raccord subordonne la cession de ses titres à des tiers étrangers à la société, au consentement de la majorité de ses associés représentant au moins la moitié des parts sociales. Toutefois, il est constant que la société SCO a cédé les 2332 titres de la société SGF Raccord, représentant 41 % de son capital, à M. D...E..., qui détenait lui-même déjà 59 % du capital de cette société. Il est, depuis la cession litigieuse du 30 mars 2009, l'unique associé de la société SGF Raccord. Par suite, l'application de l'abattement précité n'est pas justifiée.

19. Il résulte de tout ce qui précède que l'évaluation ci-dessus décrite faite par l'administration fiscale de la valeur vénale des titres de la société SGF Raccord, par la combinaison des méthodes mathématique et de productivité, permet d'obtenir le résultat le plus proche possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession en litige est intervenue. La méthode de valorisation proposée à titre subsidiaire par M. et Mme E...ne fait que reprendre les critiques et suggestions formulées par les intéressés à l'encontre de la méthode retenue par l'administration, lesquelles ont été écartées aux points précédents. Elle ne peut donc être regardée comme permettant une appréciation plus juste de la valeur réelle des titres de la société SGF Raccord que celle effectuée par le service. L'administration établit ainsi que le prix unitaire de cession fixé au 30 mars 2009 à 0,00042 euro était nettement inférieur à la valeur vénale de la part telle que résultant des calculs opérés par ses services et qui s'élève à 76 euros. Par suite, en présence d'un écart significatif entre ces deux valeurs, elle doit être regardée comme apportant la preuve d'une distribution occulte au profit de M.E....

S'agissant de l'intention libérale :

20. Il résulte de l'instruction qu'à la date de la cession en litige, la société SCO était détenue à hauteur de 40 % par M. B...E...et à hauteur de 40 % par M. C...E..., tous deux frères de M. D...E..., également associé de la société. En se fondant sur les liens familiaux unissant les trois associés de la société SCO, renforcés par les liens nés de la détention de la même entreprise, qui a cédé les 2 332 titres restants de la société SGF Raccord à M. D...E...pour un montant global d'un euro, conférant ainsi à ce dernier la qualité d'associé unique de la société SGF Raccord, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention des parties respectivement de consentir et de recevoir une libéralité.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Par suite, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. et Mme E...à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme E...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...E...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Lescaut, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

Le rapporteur,

V. POUPINEAULe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01060


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01060
Date de la décision : 18/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SELARL CARLER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-18;17pa01060 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award