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26/09/2018 | FRANCE | N°17PA03157

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 26 septembre 2018, 17PA03157


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...D...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. B...au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1510916/1-2 et 1510920/1-2 du 3 août 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant l

a Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 septembre 2017 et 17 mars 2018...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...D...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. B...au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1510916/1-2 et 1510920/1-2 du 3 août 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 septembre 2017 et 17 mars 2018, M. et Mme D...B..., représentés par MeA..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 août 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses.

Ils soutiennent que :

- l'acte de donation du 23 septembre 2008 dont il est fait état dans la proposition de rectification du 22 juillet 2011 ne leur a pas été communiqué alors que son contenu même, et non celui de documents préparatoires, fonde les rehaussements ;

- à supposer que cet acte n'ait pas été en possession du service mais aurait été saisi par la justice, il appartenait au service d'indiquer au contribuable les coordonnées de l'administration en la possession dudit acte ;

- l'administration n'a pas indiqué la teneur des dossiers 10 1874524/2, 08007 4501/9 et 092304501/4 obtenus auprès de l'autorité judiciaire et invoqués dans la proposition de rectification ;

- les premiers juges auraient dû demander la communication des autorisations de consulter et prendre copies de pièces pénales et des copies prises le 2 mars 2010 sauf à manquer au principe des droits de la défense ainsi qu'aux principes d'égalité des armes et d'équilibre des parties dans le cadre d'un recours juridictionnel ;

- l'abus de droit a été contesté de manière précise et détaillée ;

- la charge de la preuve de l'abus de droit appartient à l'administration ;

- la donation a été réalisée avec une intention libérale ;

- M. D...B...n'a pas été informé du contenu de l'avis de passage du 11 avril 2011 ;

- cet avis de passage ne lui a pas été communiqué ;

- l'article L. 92 du livre des procédures fiscales a été méconnu.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. et Mme D...B...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au

20 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. et Mme D...B....

1. Considérant qu'à l'issue d'un examen de situation fiscale personnelle ayant porté sur les années 2007 à 2009, et d'une vérification de comptabilité de l'activité non commerciale de conseil exercée par M. D...B...ayant porté sur l'année 2008, M. et Mme D...B...ont été assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 et, en ce qui concerne le premier, à des rappels de droits en matière de taxe sur la valeur ajoutée assis au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ; que l'administration a requalifié, par application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales relatives à l'abus de droit, en rémunération d'une prestation de services et de conseils réalisée depuis 2004 par

M. D...B...en tant qu'administrateur d'une fondation autant qu'à titre personnel, une donation consentie le 23 septembre 2008 par Mme B. à l'intéressé ; que, par la présente requête, M. et Mme D...B...relèvent appel du jugement du 3 août 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions en cause ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 894 du Code civil : " La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte " ; que dès lors qu'un acte revêt le caractère d'une donation au sens de ces dispositions, l'administration ne peut le regarder comme n'ayant pu être inspiré par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que son auteur, s'il ne l'avait pas passé, aurait normalement supportées ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à l'écarter comme ne lui étant pas opposable sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'en revanche, l'administration peut écarter sur ce fondement comme ne lui étant pas opposable un acte de donation qui ne se traduit pas par un dépouillement immédiat et irrévocable de son auteur et revêt dès lors un caractère fictif ;

4. Considérant que, par acte notarié du 23 novembre 2008, Mme B. a consenti à M. D...B...une donation de 5 000 000 euros ; qu'il est constant que la somme en cause a été versée et que Mme B. a pris à sa charge les droits y afférents, d'un montant de 3 000 000 euros ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier et qu'il n'est pas soutenu par le ministre que cette somme ait été versée en contrepartie d'engagements contractés pour l'avenir par M. D...B...de réaliser des prestations de quelque nature que ce soit ; que si le ministre soutient que M. D...B...a réalisé entre 2004 et la date de la donation des prestations pour le compte de la fondation B.- S. et pour le compte de Mme B. dans le cadre de la gestion des affaires personnelles de cette dernière, cette seule argumentation n'est pas de nature établir le lien entre les sommes ayant fait l'objet de la donation et les prestations ainsi réalisées, dont lesdites sommes représenteraient la rémunération ; qu'il n'est notamment pas établi par le ministre, à qui incombe la charge de prouver le caractère fictif de la donation en cause, que le montant de 5 000 000 d'euros perçu par M. D...B...représente la valeur des prestations susmentionnées, ni que les conditions dans lesquelles ces prestations ont été rendues au cours des années 2004 à 2008 par l'intéressé, qui était par ailleurs en relation d'affaires avec Mme B. et dont le travail était à ce titre rémunéré, permettaient de les regarder comme effectuées en échange d'une rémunération à venir ; qu'il n'est en outre pas contesté par le ministre qu'ainsi que l'affirment les requérants, Mme B. avait coutume de consentir d'importantes libéralités à son entourage ; que plus généralement, aucun document ne vient étayer l'affirmation du ministre selon lequel la donation litigeuse aurait pour cause les services rendus dans le passé ; qu'à supposer même qu'un lien puisse être regardé comme établi entre cette donation et ces services, le ministre ne fournit aucun élément permettant de chiffrer dans quelle mesure la première pourrait être regardée comme la rémunération des seconds ; que, dans ces conditions, la seule circonstance que les prestations de M. B...au profit de la fondation B.- S., à laquelle Mme B. était attachée, ainsi que celles relatives aux affaires personnelles de Mme B. aient pu susciter la reconnaissance de cette dernière ne saurait suffire à faire regarder la donation comme fictive ; que l'administration n'était, par suite, pas fondée à l'écarter comme ne lui étant pas opposable sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et de mettre pour ce motif les impositions litigieuses à la charge des requérants ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme D...B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. D...B...au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1510916/1-2 et 1510920/1-2 du 3 août 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : M. et Mme D...B...sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.

Article 3 : M. D...B...est déchargé, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...D...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 septembre 2018.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 17PA03157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03157
Date de la décision : 26/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : BIAGINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-09-26;17pa03157 ?
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