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25/09/2018 | FRANCE | N°17PA02009

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 25 septembre 2018, 17PA02009


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1702758 du 19 avril 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2017, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 29 mai 2018, M.B..., représenté par MeA..., d

emande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1702758 du 19 avril 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2017, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 29 mai 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun du 19 avril 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 23 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le droit à l'information prévu à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été méconnu ; en effet, il ne s'est pas vu remettre les informations relatives à l'application des règlements européens préalablement à l'adoption de l'arrêté attaqué ; en tout état de cause, il ne sait pas lire l'arabe, et devait bénéficier d'une information orale ;

- l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne a été adopté en méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; en effet, il n'a pas bénéficié de l'assistance d'un interprète en langue arabe lors de l'entretien individuel qui s'est tenu le 19 août 2016 ; en outre, dans le cadre du réexamen de sa demande, le préfet ne pouvait se fonder sur l'entretien individuel qui s'était tenu le 19 août 2016, avant l'adoption d'un précédent arrêté ; il n'a en conséquence pas procédé correctement au réexamen de sa situation ; le premier juge ne pouvait écarter ce moyen au motif qu'il n'existait pas de nouvel élément susceptible de remettre en cause cet entretien ;

- il s'expose à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Italie où il a été maltraité, et où sa demande d'asile ne pourra être sérieusement examinée.

Les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a prononcé la remise aux autorités italiennes de M.B..., le délai d'exécution de six mois prévu à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 étant expiré.

Par un mémoire, enregistré le 11 juin 2018, le préfet de Seine-et-Marne a répondu au moyen d'ordre public mentionné ci-dessus. Il soutient avoir demandé le report du délai d'exécution mentionné ci-dessus, de six à douze mois.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 9 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. C...B..., ressortissant soudanais né le 1er mai 1991, entré en France le 15 juillet 2016 selon ses déclarations, a sollicité son admission au titre de l'asile ; que, par deux décisions du 6 décembre 2016, le préfet de Seine-et-Marne a décidé sa remise aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence ; que, par un jugement du 25 janvier 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé ces deux arrêtés et a enjoint au préfet de Seine-et-Marne de procéder au réexamen de la situation de M. B... ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour du 28 novembre 2017 ; que, par un nouvel arrêté du 23 mars 2017, le préfet de Seine-et-Marne a de nouveau décidé de sa remise aux autorités italiennes ; que M.B... fait appel du jugement du 19 avril 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces produites par le préfet de Seine-et-Marne en première instance, que contrairement à ce que soutient M.B..., il s'est vu remettre le 19 août 2016 les brochures " A " et " B " contenant les informations sur la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile prévues par l'article 4 du règlement susvisé du 26 juin 2013 ; que si l'intéressé soutient pour la première fois en appel qu'il ne sait pas lire l'arabe, il ressort des pièces du dossier qu'à aucun moment de la procédure de détermination de l'état membre responsable de sa demande d'asile, il n'a fait part de cette information, ni d'un défaut de compréhension des documents qui lui avaient été fournis ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) " ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a bénéficié d'un entretien individuel le 19 août 2016 auprès de la préfecture de Seine-et-Marne ; qu'il n'a pas sollicité l'assistance d'un interprète lors de cet entretien ; qu'il a signé le compte rendu de cet entretien sous la mention indiquant que les renseignements le concernant sont exacts ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été assisté par un interprète en méconnaissance de l'article 5 du règlement précité, ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que lors de l'entretien individuel du 19 août 2016, M. B...n'aurait pas été mis à même de fournir l'ensemble des éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle ; que le préfet de Seine-et-Marne n'était pas tenu, à la suite de l'annulation par le tribunal de l'arrêté de transfert du 6 décembre 2016, d'organiser un nouvel entretien ; que M. B...n'a d'ailleurs invoqué aucun élément de nature à modifier sa situation lors de la notification de l'arrêté contesté, ou devant le premier juge ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. " ;

8. Considérant que M. B...n'apporte aucune précision ni aucun élément de justification de nature à démontrer qu'il serait exposé à un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants en Italie, ou que sa demande d'asile ne serait pas examinée par les autorités italiennes conformément aux garanties exigées par le respect du droit d'asile ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2018.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

4

N° 17PA02009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02009
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite - Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : AROUI et PIRE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-09-25;17pa02009 ?
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