Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un arrêt du 11 janvier 2018, la Cour, statuant sur l'appel de la société SARVAL Sud-Est SAS contre le jugement n° 1507458, 1508631, 1508921 du tribunal administratif de Paris et tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 3 102 326 euros, a rejeté les conclusions de cet appel en tant qu'elles tendent à l'indemnisation par l'Etat des préjudices subis du fait des fautes mentionnées aux points 3 à 13 de cet arrêt et a, avant dire droit sur les conclusions de la société tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la faute mentionnée au point 14 de cet arrêt, ordonné un supplément d'instruction tendant à la production, par le ministre chargé de l'agriculture, des précisions mentionnées au point 14 des motifs de cet arrêt, et, par la société SARVAL Sud-Est SAS, des précisions mentionnées au point 15.
Par un mémoire enregistré le 9 mars 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il résulte de l'article L. 171-7 du code de l'environnement que si l'autorité administrative est tenue d'édicter une mise en demeure à l'encontre d'une installation irrégulièrement exploitée, elle n'est jamais tenue de suspendre le fonctionnement de cette installation dans l'attente de sa régularisation ;
- par arrêté du 24 novembre 2014, le préfet de la Haute-Loire a mis en demeure la société ATEMAX de déposer un dossier d'autorisation de l'aire d'optimisation logistique de Blavozy au titre de la rubrique n° 2731 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement dans un délai de douze mois ;
- aucune circonstance ne justifiait la suspension de l'exploitation de cette aire dans l'attente de cette régularisation au regard des risques mineurs d'atteinte à l'environnement, l'exploitation se faisant par l'utilisation de containers fermés et étanches et restant sur une période très réduite sur le site, alors que la suspension aurait pu entraîner un risque sanitaire en remettant en cause les opérations d'enlèvement des animaux trouvés morts auxquelles sont astreints les éleveurs conformément aux dispositions de l'article L. 226-6 du code rural et de la pêche maritime.
Par un mémoire enregistré le 13 mars 2018, la société SARVAL Sud-Est SAS conclut :
1°) à l'annulation du jugement n° 1507458, 158631, 158921 du 30 juin 2016 du tribunal administratif de Paris ;
2°) à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 102 326 euros assortie des intérêts de droit et de la capitalisation des intérêts ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la suspension immédiate de l'exploitation de l'aire d'optimisation logistique s'imposait, dès lors qu'elle méconnaissait gravement l'ensemble des règles sanitaires et environnementales fixées par l'arrêté du 12 février 2013 et qu'elle était donc susceptible d'engendrer des risques pour l'environnement, en particulier en période d'epizootie ;
- cette suspension n'aurait entraîné aucun risque sanitaire, dans la mesure où son centre de collecte de Saint-Chély aurait pu procéder à l'enlèvement des animaux morts ;
- la création de l'aire de Blavozy l'a évincée des lots n° 43 et 7 correspondant aux départements de la Haute-Loire et de l'Ardèche, causant une perte de marge de 2 503 239 euros sur deux ans et la restructuration de l'entreprise avec licenciement de salariés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 2015-1200 du 29 septembre 2015 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nguyên Duy,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me Chetrit, avocat de la société SARVAL Sud-Est SAS.
** Considérant qu'au cours de l'année 2013, les associations dites " ATM " (" animaux trouvés morts ") ont procédé, pour le compte des éleveurs qui y sont affiliés, au renouvellement des contrats d'enlèvement et de traitement des animaux morts dans leur exploitation ; qu'à l'issue des négociations menées avec les quatre opérateurs qui se partagent le marché de l'équarrissage, les associations " ATM " ont attribué, en novembre 2013, certains de ces contrats à la société ATEMAX, qui avait proposé un système de collecte de sous-produits animaux inédit reposant sur la mise en place " d'aires d'optimisation logistique " ; qu'estimant notamment que le ministère chargé de l'agriculture avait permis à la société ATEMAX de bénéficier d'un avantage concurrentiel en validant le principe du recours aux aires d'optimisation logistique et avait commis une faute en ne prononçant pas la suspension immédiate de leur exploitation pour méconnaissance de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, les précédentes bénéficiaires de ces contrats, la société SIFDDA centre SAS, la société SARVAL Sud-Est et la société SECANIM Bretagne, filiales du groupe Saria, ont introduit un recours tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait des fautes commises par l'Etat ; que, par un arrêt du 11 janvier 2018, la Cour, après avoir écarté toutes les autres fautes alléguées par la société SARVAL Sud-Est SAS a ordonné un supplément d'instruction avant de se prononcer sur les conclusions de la société tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la faute que les services déconcentrés du ministère de l'agriculture auraient commise en s'abstenant de prononcer la suspension de l'exploitation des aires d'optimisation logistique le temps nécessaire à la régularisation de leur situation au regard de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, alors que, selon elle, aucun motif d'intérêt général ni aucune considération d'ordre économique ou social ne permettait de justifier la poursuite de cette activité dans des conditions irrégulières ;
** Considérant qu'aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application des dispositions du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine. Elle peut édicter des mesures conservatoires et suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages ou la poursuite des travaux, opérations ou activités jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification. Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative compétente peut : 1° Faire application des dispositions du II de l'article L. 171-8 ; (...) " ; que le II de l'article L. 171-8 du même code prévoit que l'autorité administrative peut " 3° Suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages, la réalisation des travaux et des opérations ou l'exercice des activités jusqu'à l'exécution complète des conditions imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure " ; qu'il appartient à l'autorité administrative de prendre en compte, pour déterminer l'opportunité d'ordonner la suspension d'une installation, l'ensemble des éléments de l'espèce, notamment la nature de l'illégalité commise, les considérations d'ordre économique et social ou tout autre motif d'intérêt général pouvant justifier la poursuite de l'exploitation et l'atteinte éventuellement causée par l'exploitation aux intérêts visés par l'article L. 511-1 du code l'environnement ou à d'autres intérêts publics et privés ;
** Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un contrôle de l'aire d'optimisation logistique (AOL) de Blavozy (Haute-Loire) réalisé par l'inspection de l'environnement le 1er octobre 2014, le préfet de la Haute-Loire a mis en demeure la société ATEMAX, par un arrêté du 24 novembre 2014, de procéder à la régularisation de l'exploitation de ce site en déposant un dossier d'autorisation au titre de la rubrique n° 2731 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement dans un délai de douze mois à compter de la réception de cette décision ;
** Considérant, en premier lieu, que, pour justifier la décision du préfet de la Haute-Loire de ne pas avoir ordonné la suspension de l'exploitation de l'AOL de Blavozy alors que celle-ci ne respectait pas la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, le ministre chargé de l'agriculture fait valoir qu'une telle interruption aurait pu entraîner un risque sanitaire en faisant obstacle à l'obligation d'enlèvement des animaux trouvés morts à laquelle sont soumis les éleveurs en application des dispositions de l'article L. 226-6 du code rural et de la pêche maritime ; que l'existence d'un tel risque n'est toutefois pas établie, dès lors que le centre de collecte de Saint-Chély (Lozère), exploité par la société SARVAL Sud-Est SAS, aurait été en mesure de se substituer à l'AOL de Blavozy pour procéder à ces enlèvements ;
** Considérant, en second lieu, que la requérante soutient que la suspension de l'activité de l'AOL de Blavozy s'imposait, dès lors que cette installation était exploitée en méconnaissance des règles de la rubrique n° 2731 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le risque d'atteinte à l'environnement était mineur, dès lors que l'AOL ne devait accueillir que des containers fermés et étanches pour une durée très réduite, le temps de leur transfert vers d'autres sites de la société ATEMAX ; qu'il est au demeurant constant que les exigences découlant du régime d'autorisation prévu par la rubrique 2731 ayant été considérées comme excessivement lourdes au regard de la nature de l'activité déployée sur les AOL, le décret du 29 septembre 2015 a modifié la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement pour y introduire une sous-rubrique 2731-1 visant les activités de " dépôt ou transit de sous-produits animaux dans des conteneurs étanches et couverts sans manipulation des sous-produits animaux " et pour soumettre ces activités à un régime simplifié d'enregistrement ; que, dans ces conditions, le préfet de la Haute-Loire, qui n'était pas tenu de prescrire la suspension de cette installation, a pu légalement autoriser la société ATEMAX à poursuivre son exploitation dans l'attente de sa régularisation ; qu'il s'ensuit que la société SARVAL Sud-Est SAS n'est pas fondée à soutenir qu'il aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SARVAL Sud-Est SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, la somme que demande la société SARVAL Sud-Est SAS au titre des frais de procédure qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SARVAL Sud-Est SAS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société SARVAL Sud-Est SAS et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Legeai, premier conseiller,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 juillet 2018.
Le rapporteur,
P. NGUYÊN DUY La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16PA02860
2