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26/06/2018 | FRANCE | N°18PA00444

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 juin 2018, 18PA00444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'enjoindre à l'administration de lui communiquer son entier dossier, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Essonne a ordonné son maintien en rétention administrative pendant le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1709446 du 6 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête

, enregistrée le 8 février 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'enjoindre à l'administration de lui communiquer son entier dossier, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Essonne a ordonné son maintien en rétention administrative pendant le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1709446 du 6 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 6 décembre 2017 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de premières instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conditions posées par l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'ont pas été respectées ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation en ce que sa demande d'asile n'était pas purement dilatoire ;

- la décision de placement en rétention est entachée d'erreur de droit dès lors que, justifiant de garanties de représentation, la mesure de placement en rétention administrative n'est pas justifiée ;

- l'arrêté viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article

L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2018, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Pena a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien né le 11 septembre 1983, connu sous différents alias, et entré en France de façon irrégulière en 2015, a été incarcéré du 19 janvier au 26 octobre 2017 à la suite d'une condamnation par le Tribunal correctionnel de Melun pour vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt ; qu'il a fait l'objet, le 14 avril de cette même année d'une obligation de quitter le territoire français et a été placé en centre de rétention administrative à sa levée d'écrou le 26 octobre 2017 le temps d'organiser son départ ; que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance a, le 25 novembre 2017, prolongé ce placement en rétention administrative pour la seconde fois pour une durée maximale de 15 jours ; que le 29 novembre suivant, M. B...a déclaré désirer effectuer une demande d'asile et a reçu le formulaire adéquat qu'il a remis le même jour au fonctionnaire compétent du centre de rétention ; que le même jour, le préfet de l'Essonne a maintenu M. B...en centre de rétention le temps nécessaire à l'examen de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de rejet, jusqu'à son départ de France ; que M. B... relève appel du jugement du 6 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 29 novembre 2017 ordonnant son maintien en rétention administrative ;

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que si les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée ;

3. Considérant que, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour et de recourir à un conseil juridique pour bénéficier de l'assistance de ce dernier lors de son audition par cette autorité ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision le maintenant en rétention pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celui-ci, dans l'attente de son départ, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. B...a été condamné à une peine de huit mois d'emprisonnement par le Tribunal correctionnel de Melun pour vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt et a fait l'objet d'un arrêté d'obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, le 14 avril 2017 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de s'exprimer avant que ne soit prise la décision attaquée, alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé, qu'il a bien été entendu par les services de police le 26 janvier 2017 ; que M. B... a ainsi été spécifiquement interrogé sur les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français ainsi que sur sa situation personnelle et familiale en France et dans son pays d'origine ; qu'il a ainsi eu la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître ses observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre ; qu'il n'est par ailleurs ni établi, ni même allégué, que M. B...aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'éloignement contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure ; qu'ainsi, la procédure suivie par le préfet de l'Essonne ne portait pas atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger placé en rétention en application de l'article L. 551-1 présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut, si elle estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, maintenir l'intéressé en rétention le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celui-ci, dans l'attente de son départ. Cette décision de maintien en rétention n'affecte ni le contrôle du juge des libertés et de la détention exercé sur la décision de placement en rétention en application de l'article L. 512-1 ni sa compétence pour examiner la prolongation de la rétention en application du chapitre II du titre V du livre V. La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. A défaut d'une telle décision, il est immédiatement mis fin à la rétention et l'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article

L. 741-1. (...) ".;

5. Considérant qu'il ressort de ces dispositions que, hors le cas particulier où il a été placé en rétention en vue de l'exécution d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, prise en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit en principe être mis fin à la rétention administrative d'un étranger qui formule une demande d'asile ; que, toutefois, l'administration peut maintenir l'intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré en France en 2015 et y séjourne de façon irrégulière depuis lors ; qu'il n'a entrepris aucune démarche en vue de formuler une demande d'asile et n'a déposé de demande qu'après qu'il a fait l'objet d'un placement en centre de rétention administrative en vue de l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français devenue définitive ; qu'en outre, lors de son audition du 26 janvier 2017 par les services de police, M. B...n'a fait état d'aucun risque ou menace grave dans le cadre d'un retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Essonne, qui ne s'est pas fondé uniquement sur la circonstance que la demande d'asile avait été présentée postérieurement au placement en rétention, a pu à bon droit, et sans commettre une erreur d'appréciation au vu de ces données objectives, estimer que cette demande avait été présentée par l'intéressé dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, et décider en conséquence de maintenir son placement en rétention pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

7. Considérant, en troisième lieu, que M. B...ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision portant placement en rétention serait entachée d'erreur de droit dès lors que cette mesure porte sur son maintien en rétention et non sur son placement, mesure dont le contrôle de légalité relève du juge des libertés et de la détention depuis le 1er novembre 2016 ; qu'en tout état de cause, le préfet rappelle dans son arrêté que l'intéressé n'a présenté aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et a dissimulé des éléments de son identité par l'utilisation d'alias ; qu'ainsi, ce n'est qu'après avoir caractérisé l'existence d'un risque de fuite de M. B...et avoir souligné que ce dernier ne présentait pas, pour les motifs précédemment indiqués, de garanties de représentation suffisantes permettant de prendre à son encontre une mesure moins coercitive que son maintien en rétention administrative, que le préfet a prononcé cette mesure ; que, par suite, le préfet, en estimant que M. B...ne présentait pas de garanties de représentation suffisante, n'a pas entaché sa décision de le maintenir en rétention d'une erreur de droit ;

8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que M. B...est entré irrégulièrement en France en 2015 ; que s'il déclare avoir sollicité un titre de séjour en octobre 2015, il se borne à produire une fiche de salle mais aucun récépissé ; que s'il est marié avec une ressortissante française depuis 2010 et produit quelques factures à leurs deux noms, il n'est entré en France qu'en 2015 ; qu'il a été incarcéré, ainsi qu'il a été dit, du 19 janvier 2017 au 26 octobre 2017 suite à une condamnation par le Tribunal correctionnel de Melun pour vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt ; qu'ainsi M. B...ne démontre pas une insertion particulière dans la société française, ni ne justifie de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France ; qu'il n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'administration ; que, cette décision ne méconnaît, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2017 portant maintien en rétention administrative ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des honoraires et frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 juin 2018.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAULe greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N°18PA00444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00444
Date de la décision : 26/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : LE SQUER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-26;18pa00444 ?
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