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26/06/2018 | FRANCE | N°17PA03203

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 juin 2018, 17PA03203


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 octobre 2017, et un mémoire enregistré le 24 avril 2018, le syndicat des producteurs indépendants et l'association des producteurs indépendants représentés par le cabinet Barthélémy et avocats demandent à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre du travail du 26 juillet 2017 fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale de la production cinématographique ;

2°) d'enjoindre au ministre

du travail de rétablir la juste représentativité de chaque organisation professionne...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 octobre 2017, et un mémoire enregistré le 24 avril 2018, le syndicat des producteurs indépendants et l'association des producteurs indépendants représentés par le cabinet Barthélémy et avocats demandent à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre du travail du 26 juillet 2017 fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale de la production cinématographique ;

2°) d'enjoindre au ministre du travail de rétablir la juste représentativité de chaque organisation professionnelle d'employeurs en redistribuant de manière proportionnelle au SPI, l'API et l'UPC l'audience salariée de l'APFP ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacun des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

- le signataire de l'arrêté ne justifie pas d'une délégation l'habilitant à ce faire ;

- l'avis du Haut conseil du dialogue social du 19 juillet 2017 est incomplet en l'absence de compte-rendu des séances ;

- le Haut conseil du dialogue social n'a pas été informé des éléments qui ont conduit le ministre à attribuer de manière exclusive l'audience " salariés " de l'APFP à la seule UPC ;

- le ministre n'établit pas la réalité du " mariage " entre l'APFP et l'UPC ni ne précise l'acte juridique qui a permis de fusionner l'audience salariés des deux organisations ;

- il n'y a pas eu de fusion formelle et régulière des deux organisations conforme aux prescriptions du décret du 7 juillet 2015 ;

- à supposer qu'une fusion tardive soit formellement intervenue, elle ne régulariserait pas la procédure suivie ;

- la mesure de l'audience est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 9 février 2018, l'union des producteurs de cinéma, représentée par le cabinet Veil Jourde conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 5 000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de légalité externe ne sont pas fondés ;

- l'UPC et l'AFPC ont entamé la procédure de fusion absorption le 15 juin 2017, ce dont le ministère a été informé, et l'ont achevée le 12 septembre 2017 ;

- le ministre pouvait se fonder sur la fusion-absorption en cours pour additionner les audiences ;

- le cumul des audiences n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un acte enregistré le 26 février 2018, l'association des producteurs indépendants s'est désistée de sa requête.

Par un mémoire enregistré le 8 mars 2018, l'union des producteurs de cinéma prend acte de ce désistement et conclut à ce que soit mise à la charge du seul syndicat des producteurs indépendants la somme de 5 000 euros qu'elle demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires enregistrés les 13 mars 2018 et 24 avril 2018, le syndicat des producteurs indépendants conclut aux mêmes fins que la requête et demande à la cour, à titre subsidiaire de réformer l'arrêté sur la base d'une enquête complémentaire sur les données de 2018.

Il soutient que le ministre devra prendre en compte tous les éléments de fait et de droit nouveaux à la date de l'annulation.

Par un mémoire enregistré le 4 avril 2018, l'Union des producteurs de cinéma conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que le ministre en cas d'annulation ne doit pas procéder à une mise à jour des données mais qu'il se fondera sur les données existantes de l'enquête de représentativité.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2018, commun aux requêtes 17PA03203 et 17PA03213, le ministre du travail conclut :

1°) à ce qu'il soit donné acte à l'API de son désistement ;

2°) à ce que la cour constate le non-lieu à statuer ;

3°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Le ministre soutient que :

- l'arrêté attaqué a été annulé et remplacé par l'arrêté du 23 avril 2018, publié le 5 juin 2018 au Journal Officiel sans avoir reçu d'application ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- les observations de Me B...pour le syndicat des producteurs indépendants et l'association des producteurs indépendants,

- et les observations de Me A...pour l'union des producteurs de cinéma.

1. Considérant que par un arrêté du 26 juillet 2017, le ministre du travail a, à l'article 1er, reconnu représentatives dans la négociation de la convention collective nationale de la production cinématographique (n° 3097) au titre des organisations professionnelles d'employeurs, l'association des producteurs indépendants (API) le syndicat des producteurs indépendants (SPI) et l'union des producteurs de cinéma (UPC) et fixé à son article 2 le poids respectif de ces trois organisations ; que l'association des producteurs indépendants et le syndicat des producteurs indépendants, qui ne contestent pas le caractère représentatif de l'UPC mais uniquement le poids qui lui a été attribué, demandent à la cour d'annuler cet arrêté ;

Sur le désistement de l'association des producteurs indépendants :

2. Considérant que par un acte enregistré le 26 février 2018, l'association des producteurs indépendants s'est désistée de sa requête ; que rien ne s'oppose à ce qu'il lui en soit donné acte ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2017 :

Sur le non-lieu :

3. Considérant que, dans le cas où l'administration procède à l'abrogation d'un acte attaqué devant le juge de l'excès de pouvoir, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive ;

4. Considérant que, par un arrêté du 23 avril 2018, le ministre du travail a abrogé l'arrêté attaqué du 26 juillet 2017 et l'a remplacé par des dispositions strictement identiques ; que l'arrêté du 23 avril 2018 a été publié au Journal officiel le 5 juin 2018 ; que bien que l'arrêté abrogé n'ait pas reçu application, l'arrêté du 23 avril 2018 procédant à son abrogation n'a pas encore acquis de caractère définitif à la date à laquelle la cour statue par le présent arrêt, le délai du recours contentieux n'étant pas encore expiré ; que la requête du syndicat des producteurs indépendants n'est pas, dès lors, dépourvue d'objet ;

Sur la légalité de l'arrêté du 26 juillet 2017 :

5. Considérant en premier lieu qu'aux termes du I de l'article L. 2151-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 : " La représentativité des organisations professionnelles d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : / 1° Le respect des valeurs républicaines ; / 2° L'indépendance ; / 3° La transparence financière ; / 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; / 5° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; / 6° L'audience, qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou L. 2152-4 " ;

6. Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article L. 2152-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la même loi : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations professionnelles d'employeurs : / 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ; / 2° Qui disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent soit au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs de la branche satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises. Le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations ainsi que le nombre de leurs salariés sont attestés, pour chacune d'elles, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l'organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans ".

7. Considérant enfin qu'aux termes de l'article R. 2151-1 du code du travail dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1419 du 20 octobre 2016 : " Pour l'application du 4° au 6° de l'article L. 2151-1, une organisation professionnelle d'employeurs issue du regroupement d'organisations professionnelles d'employeurs préexistantes peut se prévaloir de l'ensemble des éléments démontrant l'audience et l'influence de ces dernières, ainsi que de l'ancienneté acquise antérieurement au regroupement par la plus ancienne de ces dernières dans le champ professionnel et géographique correspondant au niveau pour lequel la représentativité est demandée " ;

8. Considérant qu'il n'est pas contesté qu'au terme de la première mesure de l'audience des organisations d'employeurs, l'audience de l'association des producteurs de films publicitaires (APFP) s'établissait à 5,06% en ce qui concerne les salariés et à 6,56% en ce qui concerne les entreprises ; qu'ainsi cette organisation ne satisfaisait pas à la condition posée au 3° de l'article L. 2152-1 du code du travail qui fixe un seuil de 8% pour que soit reconnu son caractère représentatif ; qu'au mois de juin 2017, l'APFP a entrepris de fusionner avec l'association des producteurs de cinéma (UPC), ce dont le ministre du travail a été informé par des courriels du 4 juillet et du 13 juillet 2017 ; que cependant, à la date à laquelle l'arrêté a été signé, soit le 26 juillet 2017, la fusion envisagée des deux organisations n'était pas encore intervenue ; que le ministre du travail, qui a anticipé les conséquences d'une fusion qui n'était qu'hypothétique alors que les deux organisations avaient encore une existence légale, ne pouvait, à la date à laquelle il a statué, attribuer à l'UPC un poids de 51,97% en additionnant d'office son audience propre et l'audience qui était celle de l'APFP ; que sa décision est illégale sur ce point ; que l'article 2 de l'arrêté doit dès lors être annulé ; que cette annulation, qui ne remet pas en cause le caractère représentatif de l'API, du SPI, et de l'UPC qui dépassent le seuil de 8%, est sans incidence sur la légalité de l'article 1er ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Considérant que le ministre du travail a abrogé l'arrêté attaqué et l'a remplacé, après avis du Haut conseil du dialogue social, par l'arrêté du 23 avril 2018 ; que l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 26 juillet 2017 n'appelant au jour du présent arrêt aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction ne peuvent être que rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que réclame le syndicat des producteurs indépendants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par l'union des producteurs de cinéma.

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de l'association des producteurs indépendants.

Article 2 : L'article 2 de l'arrêté du 26 juillet 2017 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'union des producteurs de cinéma sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des producteurs indépendants, à l'association des producteurs indépendants, à l'union des producteurs de cinéma, à l'association des producteurs de films publicitaires et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 juin 2018.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N°17PA03203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03203
Date de la décision : 26/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-05-01 Travail et emploi. Syndicats. Représentativité.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-26;17pa03203 ?
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