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22/06/2018 | FRANCE | N°17PA03835

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 22 juin 2018, 17PA03835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2016 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée.

Par un jugement n° 1705076 du 16 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 dé

cembre 2017 et 14 mai 2018, MmeB..., représentée par Me Lamine, demande à la Cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2016 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée.

Par un jugement n° 1705076 du 16 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 décembre 2017 et 14 mai 2018, MmeB..., représentée par Me Lamine, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 27 décembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 20 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, à défaut, dans ce même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation et de saisir la commission du titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B...soutient que :

- le préfet de police, en ne saisissant pas la commission du titre de séjour alors qu'elle remplissait les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché son arrêté d'un vice de procédure ;

- l'avis émis par le médecin chef du service médical de la préfecture de police, qui a méconnu les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, entache l'arrêté contesté d'un vice de procédure ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet de police, en s'estimant en situation de compétence liée par l'avis émis par le médecin chef du service médical de la préfecture de police, a commis une erreur de droit ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur sa situation personnelle ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par Mme B...ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 20 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy,

- et les observations de Me Lamine, avocat de MmeB... ;

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., de nationalité congolaise, entrée en France, selon ses déclarations, en août 2009, a présenté, le 21 mars 2014, une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de police lui a alors délivré une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 20 juillet 2016. Le 7 juillet 2016, l'intéressée a demandé le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 27 décembre 2016, le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement et l'a obligée à quitter le territoire français en fixant le pays à destination duquel elle serait éloignée. Mme B...relève appel du jugement du 16 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis (...) du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) ". Aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. En premier lieu, il ressort des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, pris pour l'application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le médecin, s'il lui est loisible de le faire, n'est toutefois pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour le demandeur de voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, établi le 16 septembre 2016 serait irrégulier pour ce motif.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police se serait cru en situation de compétence liée par l'avis émis par le médecin chef du service médical de la préfecture de police. Il n'a donc pas commis d'erreur de droit sur ce point.

5. En troisième lieu, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.

6. Dans son avis du 16 septembre 2016, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a estimé que si l'état de santé de MmeB..., qui souffre d'une apnée sévère du sommeil, nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise charge n'était pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'intéressée, en dépit du grand nombre de documents d'ordre médical qu'elle produit, n'établit pas que cet avis médical, que le préfet de police s'est approprié, serait erroné et que le défaut de prise en charge de sa pathologie respiratoire serait réellement de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Mme B...ne peut dès lors pas utilement soutenir qu'il n'existerait pas de possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ou qu'elle ne pourrait pas y avoir un accès effectif. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...ait porté à la connaissance du préfet, lors de sa demande de titre de séjour, des circonstances humanitaires exceptionnelles.

7. Au demeurant, le préfet de police a produit des éléments, qui ne sont pas sérieusement contestés, démontrant qu'il existe dans le pays d'origine de la requérante des structures spécialisées à même d'assurer sa prise en charge médicale et, notamment, le centre médical de Kinshasa qui comprend un laboratoire de diagnostic et traitement d'apnée du sommeil. Par ailleurs, si l'intéressée bénéficie d'un appareillage par ventilation mécanique par pression positive continue, elle n'établit pas qu'à supposer que de tels appareils ne seraient pas disponibles en République démocratique du Congo, l'intéressée ne pourrait pas acquérir 1'appareil utilisé, l'emporter avec elle et en assurer 1'entretien, lequel nécessite simplement de remplacer les filtres de papier fin tous les trente jours.

8. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police a méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du même code et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Mme B...soutient qu'elle a en France, pays dans lequel elle réside depuis 2009, le centre de ses intérêts vitaux, y travaille et déclare ses revenus et qu'elle est bien intégrée. L'intéressé, qui est célibataire et ne dispose d'aucune famille en France, n'est cependant pas dépourvue d'attaches familiales en République Démocratique du Congo, pays dans lequel elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 51 ans au moins et où résident ses cinq enfants. Elle n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à établir qu'elle serait insérée, de manière significative, dans la société française sur plan social, professionnel ou personnel. Dans ces conditions, et eu égard également aux conditions d'entrée et des cinq premières années du séjour de l'intéressée sur le territoire, l'arrêté contesté n'a en l'espèce pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le préfet de police n'a pas davantage, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de l'intéressée.

11. En dernier lieu, la requérante soutient que le préfet de police a entaché l'arrêté contesté d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, d'une insuffisance de motivation et d'un vice de procédure tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour. Elle n'apporte toutefois au soutien de ces moyens, déjà soulevés devant le tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation que les premiers juges ont, à bon droit, portée sur ces moyens qui doivent dès lors être écartés par adoption des motifs retenus par le tribunal.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation l'arrêté du 27 décembre 2016. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par MmeB..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par la requérante doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au bénéfice du conseil de Mme B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 22 juin 2018.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

F. DABERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA03835 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03835
Date de la décision : 22/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : LAMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-22;17pa03835 ?
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