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21/06/2018 | FRANCE | N°17PA01659

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 juin 2018, 17PA01659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 25 août 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1615762/3-2 du 25 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2017, M. A.

.., représenté par Me Koszczanski, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1615762/3-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 25 août 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1615762/3-2 du 25 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2017, M. A..., représenté par Me Koszczanski, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1615762/3-2 du 25 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 25 août 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me Koszczanski, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure et d'une erreur de droit, dès lors que le préfet n'a pas saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'une demande de décision sur l'autorisation de travail mais d'une simple demande d'avis, en méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'un deuxième vice de procédure, dès lors qu'il a été répondu à la demande de pièces adressée par les services de la main d'oeuvre étrangère conformément aux dispositions de l'article 2 du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 et que le préfet était tenu de solliciter auprès de lui et non de son employeur la transmission des pièces manquantes au dossier ;

- le préfet a, à tort, appliqué la procédure prévue pour l'application de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à sa demande de titre présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée en fait et en droit en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'elle ne se réfère pas aux dispositions du 5° de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel il avait présenté sa demande, qu'elle ne mentionne pas qu'il est titulaire d'une carte de résident de longue durée-UE, qu'elle n'indique pas les éléments d'appréciation visés à l'article R. 5221-20 du code du travail qui ont été pris en compte et qu'elle ne précise pas les raisons pour lesquelles le préfet a considéré qu'il ne justifiait pas d'un motif exceptionnel dans le cadre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle pour les mêmes motifs ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'erreurs de fait, dès lors que contrairement à ce qu'elle mentionne, la demande de pièces adressée par les services de la main d'oeuvre étrangère à son employeur n'est pas restée sans réponse et qu'elle indique à tort qu'il était démuni de visa de long séjour, alors qu'il est titulaire d'une carte de résident de longue durée-UE ;

- ces erreurs de fait ont conduit à entacher la décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision est dépourvue de base légale et entachée d'erreur de droit, dès lors qu'elle ne se fonde pas sur les dispositions du 5° de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui étaient applicables, sur lesquelles il avait fondé sa demande et dont il remplissait les conditions ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en ce que le préfet de police lui a opposé le défaut de présentation d'un visa de long séjour, alors qu'il est titulaire d'une carte de résident de longue durée-UE ;

- le préfet de police s'est cru, à tort, en situation de compétence liée par rapport à l'avis de la DIRECCTE ;

- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain et des dispositions de l'article L. 313-14 et du 5° de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, dès lors qu'il justifie d'une présence régulière et habituelle sur le territoire français depuis plus de quatre ans et est professionnellement inséré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, signé le 9 octobre 1987, en matière de séjour et d'emploi,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme B...a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 25 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 25 août 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. A l'occasion du dépôt de sa demande tendant à la délivrance ou au renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. En outre, il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

3. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que M. A... a sollicité auprès du préfet de police la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié en se prévalant d'un contrat de travail en qualité de couvreur-zingueur. Il a été reçu par les services de la préfecture de police une première fois le 17 février 2016. Le préfet de police a saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France le 25 mars 2016 d'une demande d'avis dans le cadre d'une admission exceptionnelle au séjour. Par courrier du 8 avril 2016, la DIRECCTE a adressé à l'employeur de M. A... une demande de pièces complémentaires, en l'invitant à les produire avant le 29 avril 2016. Le 1er juin 2016, la DIRECCTE a rendu un avis défavorable à la demande d'admission exceptionnelle au séjour déposée par M. A... au motif du caractère incomplet de son dossier, son employeur n'ayant pas répondu à sa demande de pièces. Par courrier daté du lendemain, 2 juin 2016, l'employeur a adressé à la DIRECCTE les pièces demandées. Il n'est pas contesté qu'il les a également déposées au guichet le 15 juin 2016. Par un courrier du 4 juillet 2016, reçu le lendemain, le conseil de M. A... a également envoyé à la DIRECCTE les pièces complémentaires demandées. M. A... a de nouveau été reçu par les services de la préfecture de police le 29 juin 2016 et a confirmé sa demande de titre de séjour en qualité de salarié. Enfin, par un courrier du 6 juillet 2016, reçu le 11 juillet suivant par les services de la préfecture de police, le conseil de M. A... a fait état de l'ensemble des éléments précités, a indiqué que M. A... était titulaire d'une carte de résident de longue durée-UE délivrée par les autorités espagnoles et valable jusqu'au 18 octobre 2018 et a précisé que la demande de titre de séjour était présentée sur le fondement des dispositions du 5° de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code précité.

4. Il ressort des termes de l'arrêté contesté, ainsi que des écritures produites en défense devant le Tribunal et la Cour, que le préfet de police n'a pris en compte ni la circonstance que M. A... était titulaire d'une carte de résident de longue durée-UE ni la circonstance que son employeur avait finalement produit l'ensemble des pièces demandées par la DIRECCTE. Pourtant, cette production avait été faite antérieurement au dernier rendez-vous de M. A... à la préfecture de police et près de trois mois avant l'intervention de l'arrêté contesté et le préfet de police en avait été informé par le courrier du conseil de M. A... reçu un mois et demi avant l'intervention de l'arrêté contesté. En outre, l'arrêté contesté ne statue pas sur la demande de titre de séjour salarié en tant qu'elle était présentée sur le fondement des dispositions du 5° de l'article L. 313-4-1. Pourtant, ce fondement était expressément visé par le courrier du conseil de M. A... reçu par la préfecture de police moins de deux semaines après le dernier rendez-vous de M. A.... Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de police n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle et de sa demande avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Koszczanski, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Koszczanski de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1615762/3-2 du 25 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 25 août 2016 par lequel le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Koszczanski, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Koszczanski renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- MmeD..., première conseillère,

- Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 21 juin 2018.

La rapporteure,

A. B...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01659


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01659
Date de la décision : 21/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-21;17pa01659 ?
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