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21/06/2018 | FRANCE | N°17PA01441

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 juin 2018, 17PA01441


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 19 mai 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1617113/2-2 du 30 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 a

vril 2017 et 3 janvier 2018, M. A..., représenté par Me Lamine, demande à la Cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 19 mai 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1617113/2-2 du 30 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 avril 2017 et 3 janvier 2018, M. A..., représenté par Me Lamine, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1617113/2-2 du 30 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 19 mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" sous astreinte de 20 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative en saisissant la commission du titre de séjour et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate, Me Lamine, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il ne précise pas en quoi les pièces qu'il produit seraient insuffisamment probantes ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure, dès lors qu'il aurait dû être précédé de la saisine de la commission du titre de séjour en méconnaissance des dispositions des articles L. 312-2 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il établit résider habituellement en France depuis plus de dix ans ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en méconnaissance du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet de police n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code précité, dès lors qu'il établit résider habituellement en France depuis plus de dix ans, qu'il s'y est inséré en travaillant dès qu'il a pu le faire et en déclarant ses revenus, qu'il a un frère et une soeur de nationalité française et un frère titulaire d'une carte de résident ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité, dès lors qu'il vit en France auprès de son frère et de sa soeur de nationalité française, ainsi que de son frère titulaire d'une carte de résident ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 relative à la circulation et au séjour des personnes,

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé le 23 septembre 2006, et l'avenant à cet accord, signé le 25 février 2008,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeC...,

- et les observations de Me Lamine, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité sénégalaise, relève appel du jugement du 30 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 19 mai 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de sa présence en France depuis plus de dix ans à la date d'intervention de l'arrêté du préfet de police du 19 mai 2016, M. A... produit, à partir de l'année 2005, de très nombreuses pièces parmi lesquelles figurent ses déclarations de revenus annuelles, des avis d'impôt sur les revenus pour chacune des années, de nombreux résultats d'analyses médicales, de nombreux documents émanant de l'hôpital Saint Antoine et de l'hôpital des Quinze-vingts à Paris attestant de consultations, soins et examens, des ordonnances médicales sur lesquelles est apposé le cachet de la pharmacie, des documents émanant de l'assurance maladie et de l'agence solidarité transport Ile-de-France, des bulletins de paye sur plusieurs périodes, ainsi que des relevés du Livret A ouvert par l'intéressé en mai 2008, faisant état de retraits réguliers par carte bancaire dans des distributeurs à Paris. En outre, M. A... a sollicité son admission au séjour auprès du préfet de police en 2009, 2011 et 2013. Ces pièces démontrent la continuité de sa résidence en France. Ainsi, à la date de l'arrêté contesté, M. A... justifiait résider en France de manière habituelle depuis plus de dix ans. Dès lors, il est fondé à soutenir que le préfet de police était tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour conformément aux dispositions précitées de l'article L. 313-14 et qu'en l'absence d'une telle consultation, il a été privé d'une garantie, de sorte que l'arrêté litigieux, intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, est entaché d'illégalité.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lamine, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lamine de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1617113/2-2 du 30 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 19 mai 2016 par lequel le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. A... en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Lamine, avocate de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lamine renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- MmeD..., première conseillère,

- Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 21 juin 2018.

La rapporteure,

A. C...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01441


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01441
Date de la décision : 21/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : LAMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-21;17pa01441 ?
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