Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 juin 2017 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé son pays de renvoi, et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/ profession libérale ".
Par un jugement n° 1711283 du 25 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire, enregistrés le 30 novembre 2017 et les 11 janvier et 18 mai 2018, MmeB..., représentée par MeH..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1711283 du 25 octobre 2017 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 8 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges se sont bornés à estimer que l'application des dispositions du 3° de l'article L. 313-10 et de l'article R. 313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne portait pas atteinte aux stipulations de la convention d'établissement franco-américaine du 28 juillet 1960, sans expliciter davantage leur décision sur ce point ;
- il est également insuffisamment motivé, dès lors que le tribunal administratif s'est borné à relever que l'obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune illégalité, faute d'illégalité entachant la décision refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, alors qu'elle avait expressément invoqué des moyens à l'encontre de la décision litigieuse en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire ;
- le jugement attaqué a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure, consacré par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article L. 5 du code de justice administrative, dès lors que le tribunal administratif a rejeté les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué et de l'absence d'application de la convention franco-américaine du 28 juillet 1960, en l'absence de mémoire en défense du préfet de police, sans tenir compte des observations et de la note en délibéré qu'elle a produites, et en se fondant sur les conclusions du rapporteur public qui ne lui ont pas été communiquées ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé, dès lors qu'il ne vise pas la convention d'établissement franco-américaine du 28 juillet 1960 ;
- le préfet de police a commis une erreur de droit, dès lors qu'il s'est estimé lié par l'avis défavorable émis par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi ;
- le préfet de police a méconnu les articles 2 et 5 de la convention d'établissement franco-américaine du 28 juillet 1960, dès lors qu'il a soumis les ressortissants américains qui souhaitent exercer une activité non salariée en France à des conditions différentes de celles qui sont opposées aux ressortissants français, en l'obligeant à justifier de la viabilité économique du projet et du caractère suffisant des ressources tirées de l'activité exercée en application de l'article R. 313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation professionnelle et personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 55 ;
- la convention d'établissement entre la France et les Etats-Unis d'Amérique du
25 novembre 1959, ensemble la loi n° 60-753 du 28 juillet 1960 et le décret n° 60-1330 du
7 décembre 1960 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 28 octobre 2016 relatif aux pièces à produire pour la demande de délivrance de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " en application du 3° de l'article L. 313-10 ou de l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " en application du 5° de l'article L. 313-20 du même code ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nguyên Duy,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me Soubeyran, avocat de MmeB....
1. Considérant que MmeB..., ressortissante américaine née le 13 janvier 1986, entrée le 7 janvier 2016 en France, sous couvert d'un visa " jeune professionnel " valable du 4 décembre 2015 au 4 décembre 2016, a été mise en possession de récépissés de demande de titre de séjour valable jusqu'au 9 juin 2017 ; que, souhaitant créer une société spécialisée dans la vente de verrines de riz au lait bio sans gluten, l'intéressée a sollicité une carte de séjour temporaire " entrepreneur/ profession libérale " sur le fondement du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme B...interjette appel du jugement du 25 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2017 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'en se bornant à relever qu'" il ne ressort pas des pièces du dossier que la soumission de l'admission au séjour de Mme B...au respect des dispositions combinées du 3° de l'article L. 313-10 et de l'article R. 313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le préfet de police a fait application et dans les champs desquels l'intéressée entre, aurait eu pour effet de porter atteinte à l'essentiel des droits qu'elle tire des stipulations des paragraphes 1 a et b de l'article 2 de la convention d'établissement franco-américaine précitées ", sans préciser les raisons pour lesquelles il a estimé que l'arrêté attaqué n'aurait pas porté en l'espèce une telle atteinte, le tribunal administratif de Paris n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur de droit que le préfet de police aurait commise en refusant à Mme B...un titre de séjour sur le fondement des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le jugement doit, par suite, être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention
" entrepreneur/ profession libérale " " ; qu'aux termes de l'article R. 313-16-1 du même code : " Pour l'application du 3° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les justificatifs permettant d'évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet. (...) Dans tous les cas, l'étranger doit justifier qu'il respecte la réglementation en vigueur dans le domaine d'activité en cause. (... ) Un arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé des finances fixe la liste des pièces justificatives que l'étranger doit produire. " ; que l'article R. 313-16-2 du même code dispose que : " Lorsque l'étranger présente un projet tendant à la création d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, l'autorité diplomatique ou consulaire ou le préfet compétent saisit pour avis le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent dans le département dans lequel l'étranger souhaite réaliser son projet. " ;
En ce qui concerne la légalité externe :
5. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2017-00296 du 21 avril 2017, régulièrement publié le 28 avril 2017 au bulletin officiel municipal de la ville de Paris, le préfet de police a donné délégation à M. G...C..., adjoint au chef du 6ème bureau à la direction de la police générale à la préfecture de police, chargé de l'application de la réglementation relative au séjour des étrangers et en outre du séjour des étudiants commerçants étrangers, pour signer les décisions contenues dans l'arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte refus de titre de séjour doit être écarté comme manquant en fait ;
6. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 28 octobre 2016 relatif aux pièces à produire pour la demande de délivrance de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention "entrepreneur/ profession libérale": " Sans préjudice des pièces prévues à l'article R. 311-2-2 et, selon les cas, aux articles R. 313-1 ou
R. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les pièces justificatives que l'étranger doit produire à l'appui d'une demande de délivrance ou de renouvellement de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention
" entrepreneur/profession libérale " en application du 3° de l'article L. 313-10 ou de l'article
L. 313-17 du même code sont énoncées dans la liste de l'annexe A au présent arrêté. " ; que l'annexe A de cet arrêté prévoit que : " I. - Documents à produire par l'étranger pour l'exercice d'une première ou d'une nouvelle activité commerciale, industrielle ou artisanale / A. - Documents à produire dans tous les cas : / 1. Le formulaire CERFA
" commerçant, artisan, industriel " complété ; / (...) 3. S'il réside en France, un bordereau de situation fiscale relatif au paiement de l'impôt sur le revenu en France ; / 4. Le cas échéant, les pièces justificatives relatives à la capacité du demandeur à exercer l'activité commerciale, industrielle ou artisanale envisagée. / B. - Documents à produire en cas de création d'activité : / 1° Documents généraux : / 1. Une présentation sur papier libre du projet de création, du plan d'affaires et d'un budget prévisionnel pluriannuel ; / 2. Un justificatif de l'engagement de cautionnement pris par un établissement de crédit ou une entreprise d'assurance agréée pour se porter caution et ayant leur siège en France, ou une attestation de solde créditeur d'un compte au nom du demandeur ouvert auprès d'un établissement de crédit ayant son siège social en France ; / 2° Documents particuliers : / (...) / b) En société : / i) En cas de création d'une société de droit français : / 1. Une copie de la promesse de bail commercial portant mention de l'activité ou du contrat de sous-location portant mention de l'activité et éventuellement de l'autorisation du propriétaire des locaux ou de toute autre pièce relative aux locaux affectés à l'activité ; / 2. Une copie du projet de statuts de la société faisant apparaître le projet de répartition du capital social " ;
7. Considérant, d'autre part, que l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur " ;
8. Considérant que, pour rejeter la demande de titre de séjour de MmeB..., le préfet de police a notamment relevé que la présentation de son projet n'était pas suffisamment étayée en l'absence d'indication sur le quartier d'implantation et la surface de la boutique et de production d'une étude concrète de l'état du marché de ce type de commerce, et que l'intéressée ne prévoyait aucun investissement pour le lancement de son activité dans son budget prévisionnel, alors que celui-ci requiert un matériel particulier ; qu'il ressort ainsi des termes mêmes de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet de police ne s'est pas fondé sur l'absence des documents ou des justificatifs nécessaires à l'instruction de son dossier de demande de titre de séjour, mais sur le caractère insuffisamment précis et convaincant de ceux soumis à son appréciation quant à la viabilité de son projet ; que si le préfet de police a également indiqué que Mme B...n'avait pas justifié disposer d'une somme de 15 000 euros pour le lancement de son activité la première année, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis émis par la DIRECCTE, que la requérante a effectivement fourni à l'appui de sa demande une copie de son compte bancaire ainsi que l'exige le 2 du 1° du B du I de l'annexe A de l'arrêté du 28 octobre 2016, mais que celui-ci indiquait uniquement un solde créditeur de 3 143,43 euros au 5 décembre 2016 ; qu'ainsi, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait irrégulière, faute pour le préfet de police de lui avoir indiqué les pièces manquantes dont la production était requise pour l'instruction de sa demande ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit donc être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions de l'article R. 313-16-2 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4, le préfet de police a saisi le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi territorialement compétent qui a émis un avis défavorable le 5 mai 2017 ; que, d'une part, cet avis a été signé par
M. D...F..., le chef du département développement économique, compétitivité et international, auquel la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a délégué sa signature par un arrêté
n° 2017-0037 du 1er mars 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région Ile-de-France du même jour ; que, d'autre part et contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police se serait estimé lié par l'avis défavorable ainsi rendu, dont il a pu s'approprier certains termes, ni qu'il aurait méconnu l'étendue de sa compétence en édictant l'arrêté attaqué ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que le refus de titre de séjour attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, conformément aux prescriptions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, selon lesquelles " la motivation doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ", quand bien même il n'aurait pas visé la convention d'établissement entre la France et les États-Unis d'Amérique du 25 novembre 1959 ;
En ce qui concerne la légalité interne :
11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article II de la convention d'établissement entre la France et les États-Unis d'Amérique signée le
25 novembre 1959 et introduite dans l'ordre juridique français par l'effet conjugué de la loi
n° 60-753 du 28 juillet 1960 qui en a autorisé l'approbation et du décret n° 60-1330 du
7 décembre 1960 décidant sa publication : " Les ressortissants de chacune des Hautes Parties contractantes sont, sous réserve de l'application des lois relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, autorisés à entrer dans les territoires de l'autre Haute partie contractante, à y voyager librement et à y résider dans les lieux de leur choix. Ils sont, en particulier, autorisés à entrer dans les territoires de l'autre Haute Partie contractante et à s'y établir, en vue de : / a) Se livrer à des opérations commerciales entre les territoires des deux Hautes Parties contractantes ainsi qu'à des activités commerciales connexes ; / b) Développer et diriger les opérations d'une entreprise dans laquelle ils ont déjà investi un capital substantiel ou procèdent à un tel investissement " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article V de la même convention :
" Les ressortissants et les sociétés de chacune des Hautes Parties contractantes bénéficient du traitement national en ce qui concerne toutes les activités commerciales, industrielles, financières et autres activités de caractère lucratif, qu'ils exercent dans les territoires de l'autre Partie contractante soit directement, ou par l'intermédiaire d'un agent ou de toute autre personne physique ou morale. En conséquence, lesdits ressortissants et sociétés sont autorisés sur lesdits territoires : / (...) / c) à diriger et à gérer les entreprises qu'ils ont créées ou acquises " ; que l'article XIV dispose que : " L'expression " traitement national " signifie le traitement accordé aux ressortissants et sociétés d'une des hautes parties contractantes sur les territoires de l'autre Haute partie contractante dans des conditions non moins favorables que le traitement qui y est accordé, dans des conditions similaires, aux ressortissants et sociétés, selon le cas, de cette dernière haute partie contractante. " ; qu'aux termes du paragraphe 2 du protocole annexé à cette convention : " a) Nonobstant les dispositions de la présente convention, les dispositions légales et réglementaires en vigueur sur les territoires de l'une des Hautes Parties contractantes et régissant l'accès des étrangers aux professions salariées et non salariées, ainsi que l'exercice par eux de ces professions et autres activités, restent applicables aux ressortissants et sociétés de l'autre Haute Partie contractante ; / b) Toutefois, les dispositions prévues par les lois et règlements précités ainsi que celles prévues par les lois et règlements sur l'admission et le séjour des étrangers ne doivent pas avoir pour effet de porter atteinte à l'essentiel des droits mentionnés à l'article 2, § 1 a et b (...) " ; qu'en outre, aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; que les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques ; que le législateur peut ainsi mettre en oeuvre les objectifs d'intérêt général qu'il s'assigne ; que, dans ce cadre juridique, les étrangers se trouvent placés dans une situation différente de celle des nationaux ;
12. Considérant que si les articles V et XIV de la convention d'établissement entre la France et les États-Unis d'Amérique du 25 novembre 1959 prévoient que, pour l'exercice d'activités commerciales, industrielles, financières, les nationaux de chacune des parties, une fois admis à entrer et à séjourner sur le territoire français, bénéficient du traitement réservé aux nationaux de l'autre partie, il résulte de l'article II et du paragraphe 2 du protocole annexée à cette convention que les stipulations des articles V et XIV n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de dispenser les ressortissants américains de se conformer aux dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;
13. Considérant, par ailleurs, que si le paragraphe 2 du protocole annexé à la convention prévoit que l'application des lois et règlements sur l'admission et le séjour des étrangers ne doivent pas avoir pour effet de porter atteinte à l'essentiel des droits reconnus aux ressortissants américains, cette stipulation renvoie uniquement aux droits visés à l'article 2, § 1 a et b ; que, dès lors qu'en l'espèce il ressort des pièces du dossier que le projet de la requérante ne vise pas à réaliser des opérations commerciales entre la France et les États-Unis et qu'il ne porte pas sur une entreprise dans laquelle aurait déjà été investi un capital substantiel, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations précitées de la convention d'établissement entre la France et les États-Unis d'Amérique du 25 novembre 1959 ;
14. Considérant qu'il s'ensuit que le préfet de police a pu, sans commettre d'erreur de droit, vérifier si la demande de titre de séjour présentée par Mme B...remplissait la condition tenant à la viabilité économique du projet exigée par les articles L. 313-10 et R. 313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
15. Considérant, en deuxième lieu, qu'à l'appui de sa demande d'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, la requérante soutient que son projet de création d'une société spécialisée dans la vente de verrines de riz au lait biologique et sans gluten présente un caractère réel et sérieux ; qu'elle se prévaut également de sa formation et de son expérience professionnelle en qualité de pâtissière, ainsi que d'une attestation de sa banque en date du 5 décembre 2016 indiquant que son compte courant est créditeur de la somme de 3 143,43 euros et d'un document mentionnant un actif de 14 089 dollars américains ; que, toutefois, le document de présentation très sommaire de son projet, établi le 28 novembre 2016 par un expert comptable, ne précise ni la surface ni le lieu d'implantation de son activité, alors que le coût de cette location, qui dépendra de la localisation du magasin, constitue l'une des principales charges de son activité, à côté du coût des matières premières et des conditionnements, dont elle n'indique d'ailleurs pas non plus, pour ces derniers, le montant prévisionnel ; que son projet, qui ne comporte aucune étude de marché, indique également que l'intéressée ne prévoit pas d'investissement, alors pourtant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une activité de cette nature exige l'acquisition de matériels particuliers, tels que des dessertes ou des vitrines réfrigérées ; qu'enfin, si la requérante fait valoir, dans sa requête, qu'elle disposerait de 15 000 euros pour assurer ces frais d'investissement, il ressort toutefois du document décrivant son projet qu'elle entend également utiliser la même somme pour développer son activité sans avoir à se verser de rémunération la première année ; qu'eu égard aux lacunes, imprécisions et incohérences du projet de création d'entreprise de MmeB..., c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de police a estimé que sa viabilité économique n'était pas établie ;
16. Considérant, en troisième lieu, qu'aucun élément du dossier ne permet d'estimer que la situation personnelle de la requérante n'aurait pas fait l'objet de la part de l'administration d'un examen particulier ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de Mme B...doit être écarté ;
17. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de MmeB... ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
18. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde ;
19. Considérant que, pour les mêmes motifs qu'exposés aux points 6 à 9 et 17, l'obligation de quitter le territoire n'a pas été prise à la suite d'une procédure irrégulière et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 8 juin 2017 ; que, par suite, ses conclusions d'injonction doivent être rejetées ; qu'il en va de même de ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1711283 du 25 octobre 2017 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée en première instance et la requête présentée en appel par Mme B... sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme E...B...et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- M. Legeai, premier conseiller,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 14 juin 2018.
Le rapporteur,
P. NGUYÊN DUY Le président,
S. DIÉMERT Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03642