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12/06/2018 | FRANCE | N°17PA03428,17PA03485

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 12 juin 2018, 17PA03428,17PA03485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne à lui verser la somme de 326 498,60 euros en réparation des préjudices résultant des fautes commises dans sa prise en charge le 18 décembre 2004 et d'ordonner une mesure d'expertise pour évaluer la date de consolidation et les préjudices définitifs imputables à ses troubles orthopédiques.

Par un jugement n° 1410675 du 7 juillet 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête,

a condamné le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne à verser à l'Etat la somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne à lui verser la somme de 326 498,60 euros en réparation des préjudices résultant des fautes commises dans sa prise en charge le 18 décembre 2004 et d'ordonner une mesure d'expertise pour évaluer la date de consolidation et les préjudices définitifs imputables à ses troubles orthopédiques.

Par un jugement n° 1410675 du 7 juillet 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête, a condamné le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne à verser à l'Etat la somme de 41 419,29 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne la somme de 1 467,45 euros en remboursement de ses débours avec intérêts au taux légal et celle de 489,15 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 17PA03428 les 7 et 9 novembre, 27 décembre 2017 et 15 janvier 2018, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'ordonner la jonction de la présente instance avec les requêtes enregistrées sous les numéros 14PA04869 et 17PA03485 ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 7 juillet 2017 en ce qu'il a rejeté ses prétentions indemnitaires ;

3°) de faire droit à ses conclusions de première instance et, en outre, de condamner le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de résistance abusive ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Lagny-sur-Marne la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier de Lagny-sur-Marne n'étant plus contestable, il convient de l'indemniser de ceux de ses préjudices qui n'ont pas été réparés par l'ONIAM ;

- le professeur Tadié a fixé, dans son rapport du 8 décembre 2013 la date de sa consolidation au 18 janvier 2013 et a mentionné les préjudices temporaires et définitifs non encore indemnisés ouvrant droit à réparation ;

- ses préjudices orthopédiques n'ont fait l'objet d'aucune indemnisation et ceux qui sont directement imputables sont un déficit temporaire partiel de 10 % de juillet 2008 à juin 2009, un déficit fonctionnel temporaire total du 2 au 15 juin 2009, un déficit fonctionnel partiel de 50 % du 15 au 30 juin 2009, l'assistance par tierce personne de 2 heures par semaine supplémentaires durant 15 jours et de 1 heure par semaine supplémentaire durant 15 jours ; ces préjudices étant à parfaire, il y aura lieu de procéder à une évaluation médico-légale ;

- ses pertes de gains professionnels actuels et l'assistance par tierce personne courant du 1er février 2006 au 18 janvier 2013 n'ont pas été indemnisés par l'ONIAM ;

- l'indemnité qu'elle devra percevoir en réparation du préjudice correspondant aux dépenses de santé actuelles non prises en charge par la sécurité sociale s'élève à la somme de 4 758 euros après application du taux de perte de chance retenu ;

- pour la période restante et non prescrite, la perte de gains professionnels actuels devra être indemnisée à hauteur de la somme de 24 472,45 euros ;

- son déficit fonctionnel temporaire total devra être indemnisé à hauteur de 225 euros, son déficit fonctionnel temporaire partiel, à hauteur de 11 520 euros, ses souffrances endurées à hauteur de 6 000 euros, son préjudice esthétique temporaire à hauteur de 4 500 euros ;

- ses dépenses de santé futures devront être indemnisées à hauteur de 20 340,75 euros ; les frais d'assistance par une tierce personne devront être indemnisés à hauteur de 464 743,50 euros ;

- son déficit fonctionnel permanent devra être indemnisé à hauteur de 34 687,50 euros, son préjudice d'agrément à hauteur de 18 750 euros, son préjudice esthétique permanent à hauteur de 3 000 euros, son préjudice sexuel à hauteur de 22 500 euros et son préjudice d'établissement à hauteur de 37 500 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 décembre 2017, 9 et 25 janvier 2018, le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il conteste le lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et les dommages dont il est demandé réparation, tant par Mme A...que par la caisse primaire d'assurance maladie et par le ministre de l'éducation nationale ;

- Mme A...n'avait jamais fait mention de ses troubles urologiques ; ils ne sauraient être regardés comme une aggravation de son préjudice initial ; à supposer qu'ils soient imputables à l'erreur de diagnostic retenue, ils ont déjà été indemnisés par l'ONIAM au titre des protocoles d'accord conclus avec elle ;

- en ce qui concerne les troubles orthopédiques, le lien de causalité avec l'AVC de 2004 et le retard de diagnostic n'est établi par aucun des éléments du dossier ;

- à titre subsidiaire, c'est en tenant compte à la fois du taux de perte de chance et du partage de responsabilité que l'indemnisation de Mme A...devra être calculée ;

- les dépenses de santé et futures induites par les troubles urologiques ne sont pas établies ;

- s'agissant des pertes de gains professionnels, seule la période allant du 1er février 2006 au 1er septembre 2007 peut faire l'objet d'une indemnisation complémentaire ;

- aucune indemnité supplémentaire ne saurait être due au titre le déficit fonctionnel temporaire, d'une part, en l'absence de lien de causalité entre le retard de diagnostic de décembre 2004 et les troubles orthopédiques, d'autre part dès lors que ses troubles urologiques existaient dès l'origine ;

- les souffrances endurées, le préjudice esthétique ne sauraient faire l'objet d'une indemnisation complémentaire dès lors que le professeur Tadié n'a pas identifié de tels chefs de préjudices dans le cadre de l'aggravation de son état ;

- la somme demandée au titre des frais d'assistance par tierce personne devra être rejetée, son montant excédant la demande de première instance, et ses troubles urologiques ne justifiant aucune aide supplémentaire par rapport à ce qui a déjà fait l'objet d'une indemnisation ; en admettant que ses troubles orthopédiques soient en lien avec la faute commise par le centre hospitalier, l'indemnité due devra être calculée sur la base de quinze jours correspondant à sa cure de nodules et compte tenu du taux de perte de chance retenu ;

- le préjudice d'agrément dont Mme A...se plaint a été totalement indemnisé ;

- compte tenu du taux de perte de chance et de la part de responsabilité imputable à l'exposant, la demande d'indemnisation du préjudice sexuel encourt le rejet ;

- le préjudice d'établissement ayant été écarté par le professeur Tadié, aucune indemnité ne saurait être due à ce titre ;

- peu importe que le juge judiciaire ait accepté d'indemniser les troubles urologiques comme s'il s'agissait d'une aggravation, dès lors que son analyse ne lie pas le juge administratif.

Par un mémoire, enregistré le 11 avril 2018, le ministre de l'éducation nationale s'associe aux écritures de Mme A...et conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions présentées devant le tribunal administratif tendant à la condamnation du centre hospitalier de Lagny-sur-Marne à verser à l'Etat la somme de 82 698, 57 euros.

Un mémoire présenté pour Mme A...par Me C...a été enregistré le 18 mai 2018 et n'a pas été communiqué.

Un mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne par la SARL Bossu et associés a été enregistré le 21 mai 2018 et n'a pas été communiqué.

II) Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 17PA03485 les 13 novembre, 22 décembre 2017, 9 et 25 janvier 2018, le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne, représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de rejeter les demandes présentées par l'Etat et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne devant le Tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont il a été saisi ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la caisse primaire d'assurance maladie justifiait de débours à hauteur de 1 467,85 euros et que la créance de l'Etat en lien avec la faute commise, s'élevait, avant application du taux de perte de chance, à la somme de 82 838, 58 euros ;

- les conclusions de l'expert Gout qui retient une perte de chance de 65 % sont contestables dès lors que l'erreur de diagnostic commise par le centre hospitalier dans l'analyse du scanner réalisé le 18 décembre 2004 n'a pas fait perdre de chance à Mme A...d'échapper à l'aggravation de son état ;

- en admettant que la faute de l'exposant soit à l'origine d'une perte de chance, elle ne saurait être de plus de 5 % ;

- en ce qui concerne les troubles orthopédiques, le lien de causalité avec l'AVC de 2004 et le retard de diagnostic n'est établi par aucun des éléments du dossier ;

- c'est en tout état de cause dans la limite du taux de perte de chance retenu et en tenant compte des indemnités allouées par le juge judiciaire que les troubles urologiques de Mme A...devront être indemnisés.

Par un mémoire, enregistré le 15 janvier 2018, Mme A...demande d'ordonner la jonction de la présente instance avec les requêtes enregistrées sous les numéros 14PA04869 et 17PA03428, d'annuler le jugement contesté en ce qu'il a rejeté ses prétentions indemnitaires, de faire droit à ses conclusions de première instance, de condamner le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de résistance abusive et de mettre à sa charge, la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier de Lagny-sur-Marne n'étant plus contestable, il convient de l'indemniser de ceux de ses préjudices qui n'ont pas été réparés par l'ONIAM ;

- le professeur Tadié a fixé, dans son rapport du 8 décembre 2013 la date de sa consolidation au 18 janvier 2013 et a mentionné les préjudices temporaires et définitifs non encore indemnisés ouvrant droit à réparation ;

- ses préjudices orthopédiques n'ont fait l'objet d'aucune indemnisation et ceux qui sont directement imputables sont un déficit temporaire partiel de 10 % de juillet 2008 à juin 2009, un déficit fonctionnel temporaire total du 2 au 15 juin 2009, un déficit fonctionnel partiel de 50 % du 15 au 30 juin 2009, l'assistance par tierce personne de 2 heures par semaine supplémentaires durant 15 jours et de 1 heure par semaine supplémentaire durant 15 jours ; ces préjudices étant à parfaire, il y aura lieu de procéder à une évaluation médico-légale ;

- ses pertes de gains professionnels actuels et l'assistance par tierce personne courant du 1er février 2006 au 18 janvier 2013 n'ont pas été indemnisés par l'ONIAM ;

- l'indemnité qu'elle devra percevoir en réparation du préjudice correspondant aux dépenses de santé actuelles non prises en charge par la sécurité sociale s'élève à la somme de 4 758 euros après application du taux de perte de chance retenu ;

- pour la période restante et non prescrite, la perte de gains professionnels actuels devra être indemnisée à hauteur de la somme de 24 472,45 euros ;

- son déficit fonctionnel temporaire total devra être indemnisé à hauteur de 225 euros, son déficit fonctionnel temporaire partiel, à hauteur de 11 520 euros, ses souffrances endurées à hauteur de 6 000 euros, son préjudice esthétique temporaire à hauteur de 4 500 euros ;

- ses dépenses de santé futures devront être indemnisées à hauteur de 20 340,75 euros ; les frais d'assistance par une tierce personne devront être indemnisés à hauteur de 464 743,50 euros ;

- son déficit fonctionnel permanent devra être indemnisé à hauteur de 34 687,50 euros, son préjudice d'agrément à hauteur de 18 750 euros, son préjudice esthétique permanent à hauteur de 3 000 euros, son préjudice sexuel à hauteur de 22 500 euros et son préjudice d'établissement à hauteur de 37 500 euros.

Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2018, l'ONIAM représenté par la SELARLU Olivier Saumon, conclut à sa mise hors de cause et à la mise à la charge du centre hospitalier de Lagny-sur-Marne de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que des entiers dépens.

Il soutient que la cour administrative d'appel ne pourra que constater que le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne a commis des fautes à l'origine du dommage présenté par madameA..., exclusive de toute indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Un mémoire présenté pour Mme A...par Me C...a été enregistré le 18 mai 2018 et n'a pas été communiqué.

Un mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne par la SARL Bossu et associés a été enregistré le 21 mai 2018 et n'a pas été communiqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant MmeA....

1. Considérant que, par un arrêt avant-dire droit du 31 mai 2016, La Cour a, d'une part, confirmé le jugement du 3 octobre 2014 du Tribunal administratif de Melun en ce qu'il a retenu un retard de diagnostic fautif de la part du centre hospitalier de Lagny-sur-Marne dans la prise en charge de MmeA..., d'autre part ordonné une expertise afin de se prononcer sur l'existence d'un lien de causalité entre cette faute et les préjudices de la patiente ; que, par un arrêt n°14PA04869 de ce même jour, la Cour a notamment abaissé à 33 858,32 euros la somme au paiement de laquelle devait être condamné le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne à verser à l'ONIAM en remboursement des indemnités versées à MmeA... en réparation de ses préjudices dans le cadre l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; que, parallèlement à cette procédure, Mme A...a de nouveau saisi, le 6 mai 2011, la Commission régionale de conciliation d'Ile-de-France (CRCI) pour solliciter la réparation de ses préjudices en lien avec l'aggravation de son état de santé ; que l'expert désigné par ladite commission a rendu son rapport le 19 décembre 2011 ; que par un avis du 17 juillet 2012, la CRCI a estimé que seuls les préjudices découlant de la complication urologique ouvraient droit à réparation par le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne et par le Docteur Eliasy (SOS médecins) ; qu'en l'absence de réponse de l'assureur (SHAM) du centre hospitalier de Lagny-sur-Marne dans le délai de quatre mois, Mme A...a de nouveau saisi I 'ONIAM d'une demande tendant à ce qu'il se substitue à l'assureur défaillant de l'établissement hospitalier ; que, par courrier du 8 juillet 2013, l'ONIAM a rejeté sa demande ; que Mme A...ayant également saisi la CRCI d'une demande en consolidation de son état de santé au printemps 2013, la commission a désigné le professeur Tadié, le 9 juillet 2013, afin qu'il se prononce sur les préjudices de la patiente imputables à l'accident à compter de sa consolidation ; qu'aux termes d'un rapport du 8 décembre 2013, ce dernier a retenu une date de consolidation au 18 janvier 2013 avec un DFP de 60 % ; que par un avis du 4 mars 2014, la CRCI a considéré que la réparation des préjudices urologiques de Mme A...incombait à hauteur de 70 % au CH de Lagny-sur-Marne et de 30 % au docteur Eliasy sur la base d'une perte de chance de 50 % ; que toutefois, ni l'ONIAM ni le centre hospitalier n'ayant formulé d'offre d'indemnisation pour les troubles en question, Mme A...a de nouveau saisi le Tribunal administratif de Melun, le 16 décembre 2014, d'une demande d'indemnisation de ceux de ses préjudices non-indemnisés dans le cadre des protocoles transactionnels signés avec l'ONIAM ainsi que de ses préjudices aggravés ; que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-et-Marne et le ministre de l'éducation nationale sont intervenus dans l'instance pour réclamer le remboursement des sommes exposées à son profit ; que, par jugement du 7 juillet 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de MmeA..., a condamné le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne à verser à l'Etat la somme de 41 419,29 euros et à la CPAM de Seine-et-Marne celle de 1 467,45 euros en remboursement de ses débours avec intérêts au taux légal, ainsi que celle de 489,15 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que Mme A...d'un côté, le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne de l'autre ont chacun interjeté appel de ce jugement ;

Sur la demande de jonction :

2. Considérant que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires ; que s'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de joindre les requêtes susvisées qui sont, ainsi qu'il vient d'être dit, dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, il n'y a en revanche pas lieu d'y adjoindre la requête enregistrée sous le numéro 14PA04869 laquelle a trait, pour l'essentiel, au litige opposant l'ONIAM au centre hospitalier défaillant et est dirigée contre un autre jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'en se bornant à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont les premiers juges étaient saisis, le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne ne permet pas à la Cour d'apprécier la pertinence de ce moyen qui ne peut dès lors qu'être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par MmeA... :

4. Considérant que si le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne persiste à contester à titre principal, dans la présente requête, l'engagement de sa responsabilité du fait du retard de diagnostic de l'AVC de Mme A...le 18 décembre 2014, la Cour a jugé, dans son arrêt n°14PA04869 de ce même jour, que les conditions de sa prise en charge lui avaient fait perdre 10 % de chance uniquement d'éviter une récidive diagnostiquée le 24 décembre suivant avec l'apparition d'un déficit neurologique ;

5. Considérant, d'une part, qu'il est constant que MmeA..., dans le cadre des différents protocoles transactionnels qu'elle a signés avec l'ONIAM, a perçu une somme de 168 803,55 euros en réparation de ses troubles dans les conditions d'existence, des souffrances endurées, de son préjudice d'agrément, de son préjudice esthétique, des frais d'assistance, des frais d'aménagement du lieu de vie et d'adaptation du véhicule, de son incapacité permanente partielle et, selon ses dires, de ses pertes de revenus pour la période allant du 18 décembre 2004 au 1er février 2006 ainsi que de son déficit fonctionnel permanent ; qu'à l'occasion du présent recours, elle sollicite l'indemnisation tant de ceux de ses préjudices qui n'ont pas été indemnisés par les différents protocoles transactionnels que de ceux qu'elle estime être l'objet d'une aggravation, à savoir ses troubles urologiques ainsi que des complications orthopédiques ;

6. Considérant, d'autre part, que la consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour 1'avenir ; que, si l'expiration du délai de prescription fait obstacle à l'indemnisation de ces préjudices, elle est sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation; que le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle celle-ci s'est elle-même trouvée consolidée ;

7. Considérant que, s'agissant en premier lieu des complications urologiques, Mme A...admet que, bien que celles-ci aient été directement consécutives à son AVC, elle avait délibérément choisi, par pudeur, de ne pas les évoquer jusqu'en 2011 ; que dans son rapport d'expertise diligentée par la CRCI et daté du 6 mars 2012, le docteur Vasseur a confirmé, après exploration, l'atteinte neurologique de la vessie et a souligné que les troubles uro-génitaux, non-indemnisés, n'étaient pas consolidés à cette même date ; que ce n'est ainsi qu'au 18 janvier 2013 que le professeur Tadié les consolidera dans son rapport du 8 décembre suivant en relevant leurs répercussions handicapantes sur la vie quotidienne de l'intéressée ; que, dans ces conditions, quand bien même il ne s'agit pas là d'une aggravation, Mme A...est en droit de voir indemniser ceux de ses préjudices directement en lien avec ses complications urologiques, lesquels ne sont pas frappés par le délai de prescription ; que, dans son avis du 4 mars 2014, la CRCI a retenu les différents chefs de préjudices imputables aux troubles urologiques ; qu'il y a ainsi lieu d'accorder à MmeA..., après application du taux de perte de chance de 10 %, la somme de 634,40 euros au titre des dépenses de santé actuelles, celle de 1 832,50 euros au titre des dépenses de santé futures, celle de 1 455 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, celle de 600 euros au titre des souffrances psychologiques spécifiques à ces troubles, celle de 400 euros au titre du préjudice esthétique lié à l'obligation de porter des garnitures et tenues spécifiques dans certaines situations, celle de 1 850 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 10 %, celle de 1 000 euros au titre du préjudice sexuel, celle de 2 000 euros également au titre du préjudice d'établissement, et celle de 1 406 euros au titre de la perte de gains professionnels après consolidation, autrement dit pour la période allant du 2 février 2006 au 31 juillet 2007, soit au total, une somme de 11 177,90 euros ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...demande une somme de 32 630,60 euros correspondant à la perte de gains professionnels pour la période allant du 1er août 2007 au 18 janvier 2013 consistant en une perte de revenus et l'impossibilité de surveiller l'étude comme elle en avait l'habitude ; qu'il résulte de l'instruction que si la requérante a effectivement été à temps partiel de septembre 2007 à septembre 2012 avant de reprendre son activité de directrice d'école à temps complet, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande dès lors qu'elle a perçu de l'ONIAM, dans le cadre des protocoles transactionnels, une somme de 10 351,25 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

9. Considérant, en troisième lieu, que les complications orthopédiques dont fait part Mme A...sont de deux ordres ; que s'agissant de la présence de nodules sous son pied droit, le diagnostic qui a été retenu est le frottement de la chaussure par contrainte exercée sur ce pied du fait de l'instabilité du membre inférieur gauche ; qu'une exérèse chirurgicale et quinze jours d'immobilisation ayant été nécessaires, l'expert Vasseur a estimé, en 2012, que l'aggravation devrait être retenue sur ce point ; que s'agissant de la douleur au genou gauche, cette dernière serait, selon le même expert, pour partie d'origine neurogène et pour partie liée à une chondropathie rotulienne et donc en lien avec l'AVC de 2004, mais dans une proportion de 50 % seulement ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'estimer, eu égard au taux de perte de chance de 10 %, à la somme de 1 000 euros, le préjudice lié à l'aggravation des troubles orthopédiques de Mme A...;

10. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêt du 21 janvier 2016, la Cour d'Appel de Versailles a indemnisé Mme A...de ses préjudices en lien avec le manquement à l'obligation de moyen commise par le docteur Eliasy en ne la faisant pas rapidement hospitaliser après l'avoir auscultée sur la base d'un taux de perte de chance d'éviter les séquelles neurologiques fixé à 25 % ; que, ce faisant, la présente décision qui indemnise les préjudices de Mme A...en retenant un taux de 10 % de perte de chance ne saurait avoir pour effet de procurer à l'intéressée, une réparation supérieure au montant total du préjudice subi ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne doit être condamné à verser à Mme A...la somme de 12 177,90 euros tant au titre de ses préjudices aggravés que de ceux qui n'avaient jusqu'alors jamais été réparés, sans qu'il y soit besoin pour ce faire d'ordonner une nouvelle expertise ; qu'il n'y a en revanche pas lieu de condamner le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne à verser à Mme A...une quelconque somme au titre de sa " résistance abusive ", l'intéressée ne faisant état d'aucun préjudice moral ou matériel spécifique qui aurait été causé par l'attitude dudit établissement hospitalier ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne :

12. Considérant qu'il n'est pas davantage contesté devant la Cour qu'en première instance que la CPAM de Seine-et-Marne a exposé, pour le compte de MmeA..., des débours d'un montant total de 2 934,90 euros correspondant aux frais d'hospitalisation et aux frais médicaux et pharmaceutiques entre le 15 février 2012 et le 28 janvier 2013 ; que la caisse justifie par une attestation d'imputabilité du médecin conseil du lien de causalité entre ces frais et la prise en charge défaillante de la requérante par le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne ; que, compte tenu de la perte de chance retenue, il y a lieu d'abaisser à 293,49 euros la somme que le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne doit être condamné à verser à la CPAM de Seine-et-Marne en remboursement de ses débours ;

En ce qui concerne les intérêts :

13. Considérant que la CPAM de Seine-et-Marne a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 293,49 euros à compter du 22 novembre 2016, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal de céans ;

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

14. Considérant qu'en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident peut demander une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie, dont le montant est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu par la caisse, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ; qu'il y a lieu d'allouer à la CPAM de Seine-et-Marne la somme de 97,83 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion actualisée ;

Sur les droits de l'Etat :

15. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de 1'État et des autres personnes publiques : " Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l 'État est imputable à un tiers. 1'État dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de 1'infirmité ou de la maladie./ Il Cette action concerne notamment : le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ; les frais médicaux et pharmaceutiques ; le capital décès ; les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires ; les arrérages des pensions de retraite et de réversion prématurées, jusqu'à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires ; les arrérages des pensions d'orphelin./ Ill Le remboursement par le tiers responsable des arrérages de pensions ou rentes ayant fait l'objet d'une concession définitive est effectué par le versement d'une somme liquidée en calculant le capital représentatif de la pension ou de la rente " ;

16. Considérant que la créance de l'Etat, en sa qualité d'employeur de MmeA..., s'élève au montant non contesté par le centre hospitalier de 82 838,58 euros au titre des salaires et indemnités accessoires versés à Mme A...et des charges patronales y afférents pour la période du 18 décembre 2004 au 31 août 2007 dans la mesure où Mme A...a bénéficié d'un congé longue maladie d'un an à plein traitement du 18 décembre 2004 au 17 décembre 2005 puis d 'un congé maladie à demi-traitement du 18 décembre 2005 au 31 août 2007 en relation avec sa prise en charge défaillante ; que, compte tenu de la fraction de perte de chance retenue par l'arrêt n°14PA04869 du même jour, le centre hospitalier devra rembourser à l'Etat la somme de

8 283,85 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Lagny-sur-Marne la somme de 3 000 euros à verser à Mme A...;

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne est condamné à verser à Mme A...la somme de 12 177,90 euros.

Article 2 : La somme de 41 419,29 euros que le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne a été condamné à verser à l'Etat (ministère de l'éducation nationale) est ramenée à celle de 8 283,85 euros.

Article 3 : La somme de 1 467,45 euros que le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne a été condamné à verser à la CPAM de Seine-et-Marne est ramenée à celle de 293,49 euros avec intérêts à compter du 22 novembre 2016 et celle au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion est ramenée à 97,83 euros.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 7 juillet 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne versera à Mme A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A...est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au centre hospitalier de Lagny-sur-Marne, au ministre de l'éducation nationale, à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne et à l'ONIAM.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 juin 2018.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 17PA03428, 17PA03485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03428,17PA03485
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : BRIOLLET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-12;17pa03428.17pa03485 ?
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