Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 5 juin 2015 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France a refusé de le rémunérer pour la période du 1er août 2014 au 1er avril 2015 et de lui délivrer des bulletins de salaire, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de régulariser sa situation sous astreinte de 50 euros par jour de retard, en lui notifiant sa suspension, à compter du 1er août 2014, en lui versant la somme de 22 109,22 euros à laquelle il peut prétendre à raison de cette suspension et en lui délivrant les bulletins de salaires correspondants, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1511842/5-2 du 7 avril 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces enregistrés le 7 juin 2016, le 27 janvier 2017, et le 24 mai 2017, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement Tribunal administratif de Paris n° 1511842/5-2 du 7 avril 2016 ;
2°) d'annuler la décision de la direction générale des finances publiques, prise le
11 août 2014, de ne pas lui verser de rémunération pour absence de " service fait ;
3°) d'enjoindre à la direction générale des finances publiques de lui verser la rémunération dont il a été privé, assortie des suppléments familiaux, à compter du 6 août 2014, avec intérêts légaux à compter de chacune des échéances auxquelles il aurait dû percevoir sa rémunération ;
4°) de mettre à la charge de la direction générale des finances publiques la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la direction générale des finances publiques, bien qu'alertée sur sa situation dramatique par les soins de l'assistante sociale en poste au sein du ministère des finances, n'a pas respecté le principe, de portée constitutionnelle, de dignité humaine exprimé au sein du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui stipule que " La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " ;
- la décision contestée méconnaît l'article 1bis du Traité sur l'Union Européenne, dans sa version issue du Traité de Lisbonne ;
- elle méconnaît également les articles 1er et 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, qui stipulent que " La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée " et que " Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité " ;
- il appartenait à la direction générale des finances publiques d'apprécier, in concreto, sa situation particulière et personnelle et de veiller, avant de prendre la décision critiquée, au parfait respect des garanties dues à ce dernier, dont celle de pouvoir assurer, en toute dignité, ses obligations de chef de famille et la couverture de ses besoins les plus élémentaires ;
Par un mémoire en défense enregistré le 29 décembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 10 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le préambule de la Constitution ;
- l'article 1bis du Traité sur l'Union Européenne dans sa version issue du Traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even, président de chambre,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., contrôleur principal des finances publiques, a été mis en examen le
6 août 2014 du chef de corruption passive par un agent public. Il a été placé sous contrôle judiciaire le même jour, cette mesure comportant notamment l'interdiction de se livrer à son activité professionnelle. Il relève appel du jugement du 7 avril 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 5 juin 2015 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France a refusé de le rémunérer pour la période du 1er août 2014 au 1er avril 2015, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de régulariser sa situation, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, en lui notifiant sa suspension à compter du 1er aout 2014, en lui versant la somme de 22 109,22 euros à laquelle il peut prétendre à raison de cette suspension, en lui délivrant les bulletins de salaires correspondants, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et, enfin, à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2. Aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) ". Par exception, l'article 30 de ladite loi prévoit que : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline./ Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille ".
3. Si l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire peut prononcer la suspension d'un fonctionnaire, en cas de faute grave, " qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun ", et que le fonctionnaire suspendu conserve son traitement jusqu'à la décision prise à son égard, qui doit intervenir dans les quatre mois, ces dispositions ne font pas obligation à l'administration de prononcer la suspension qu'elles prévoient à la suite d'une faute grave et ne l'empêchent pas d'interrompre, indépendamment de toute action disciplinaire, le versement du traitement d'un fonctionnaire pour absence de service fait, notamment en raison de l'interdiction d'exercer ses fonctions résultant d'une mesure de contrôle judiciaire.
4. M. B...n'ayant pas été suspendu, mais étant au cours de la période litigieuse dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions professionnelles au sein du ministère de l'économie et des finances du fait de l'interdiction prononcée par le juge judiciaire, son employeur, pouvait légalement, en application des dispositions précitées de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983, le priver de traitement pour service non fait, jusqu'à la mainlevée de cette mesure d'interdiction d'exercer ses fonctions.
5. En premier lieu, le principe posé par les dispositions du dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes desquelles : "La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement" ne s'impose à l'autorité administrative que dans les conditions et les limites définies par les dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales incorporées au droit français. Par suite, M. B...ne saurait utilement invoquer ce principe, pour critiquer la légalité de la décision contestée, indépendamment desdites dispositions.
6. En second lieu, M. B...ne peut utilement invoquer la méconnaissance des principes généraux du droit de l'Union européenne énoncés notamment par l'article 1 bis du Traité de Lisbonne et les articles 1er et 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, dès lors que la règle du non versement de la rémunération d'un agent public en l'absence de service fait, ne met pas en oeuvre le droit de l'Union.
7. Il résulte de ce qui précède que la décision contestée par M. B...n'est pas illégale. Ses conclusions tendant au versement de dommages et intérêts à raison de cette illégalité ne peuvent donc être accueillies.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction et celle fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.B..., au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juin 2018.
Le président rapporteur,
B. EVEN Le président assesseur,
P. HAMON
Le greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de d'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16PA01872