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08/06/2018 | FRANCE | N°17PA03567

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 juin 2018, 17PA03567


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée.

Par un jugement n° 1711692 du 25 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 n

ovembre 2017 et

27 avril 2018, MmeA..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée.

Par un jugement n° 1711692 du 25 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 novembre 2017 et

27 avril 2018, MmeA..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 5 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, un titre de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A...soutient que :

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et a entaché l'arrêté contesté d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet de police a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de l'accord

franco-tunisien.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par Mme A...ne sont pas fondés.

Le 5 avril 2018, les parties ont été informées que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Boissy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 mai 2017, le préfet de police a refusé de délivrer à MmeA..., de nationalité tunisienne, un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays à destination duquel elle serait éloignée. Mme A...relève appel du jugement du 25 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 11 de cet accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

3. En premier lieu, Mme A...a signé, le 4 mai 2017, une " fiche de salle " sur laquelle elle sollicite seulement une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requérante n'apporte aucun élément de nature à prouver qu'elle aurait également entendu, comme elle le fait valoir, demander une carte de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du même code et sur celui de l'article 3 de l'accord franco-tunisien. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur de droit ou entaché son arrêté d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle en s'abstenant d'examiner sa situation sur le fondement de ces textes.

4. En deuxième lieu, l'arrêté contesté, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, n'a pas méconnu les prescriptions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit par suite être écarté.

5. En troisième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui porte sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut pas utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant tunisien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

6. Il est vrai que, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 5, et comme le soutient la requérante, le préfet de police ne pouvait pas légalement décider, comme il l'a pourtant fait, de refuser de délivrer à Mme A...une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " en se fondant sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision en litige devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'une autre base légale que celle dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à cette décision, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application de cette base légale sur le fondement de laquelle la décision aurait dû être prononcée.

8. La décision refusant de délivrer à Mme A...un titre de séjour au titre d'une activité salariée trouve son fondement légal dans le pouvoir dont dispose le préfet de régulariser, ou non, la situation d'un étranger. Ce fondement peut en l'espèce être substitué à l'article L. 313-14 dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14.

9. En quatrième lieu, la requérante doit être regardée comme faisant valoir que le préfet de police a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, en refusant de lui délivrer une titre de séjour en qualité de salarié et en refusant de lui délivrer une carte de séjour portant la mention vie " privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14.

10. A ce titre, Mme A...soutient qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche pour un emploi lié aux services à la personne au sein de la société Treval, dont M. D..., son compagnon, de nationalité française, est le gérant, qu'elle a une " parfaite connaissance " de la langue française et est par ailleurs intégrée dans la société française dont elle partage les valeurs.

11. Si MmeA..., âgée de 24 ans à la date de l'arrêté en litige a bien souscrit, le 24 février 2017, à la mairie du 3ème arrondissement de Paris, une déclaration selon laquelle elle aurait, depuis le 1er décembre 2016, une " vie commune " avec M. D..., alors âgé de 81 ans, elle n'apporte toutefois aucun autre élément de nature à prouver la réalité d'un tel concubinage qui, en tout état de cause, était très récent à la date de l'arrêté contesté. Par ailleurs, l'emploi auquel postule l'intéressée ne comporte, en lui-même, aucune spécificité. Mme A...n'est enfin pas dépourvue d'attaches familiales en Tunisie où résident ses parents, son frère et ses trois soeurs et dans lequel elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Dans ces conditions, et eu égard, également, aux conditions de séjour de l'intéressée sur le territoire national, les moyens invoqués par la requérante, analysés au point 9, doivent être écartés.

12. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté a méconnu l'article 3 de l'accord franco-tunisien et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par MmeA..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par la requérante doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande Mme A...au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 8 juin 2018.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA03567 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03567
Date de la décision : 08/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : BERDAH ALAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-08;17pa03567 ?
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