Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) 5FetF, anciennement dénommée société LCDC, a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période courue du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013, des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 et des amendes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1612045 du 7 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 26 juillet, 28 juillet et 1er août 2017, la SASU 5FetF, représentée par Me Perrot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1612045 en date du 7 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courue du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013, des suppléments d'impôts sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ainsi que des amendes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer la méthode de reconstitution de recettes la mieux appropriée.
Elle soutient que :
- les droits de la défense ainsi que l'obligation de loyauté à laquelle l'administration fiscale est tenue ont été méconnus faute notamment de lui avoir communiqué certains documents ;
- le principe du contradictoire et l'article R. 611-1 du code de justice administrative ont été méconnus en raison du refus, par le Tribunal administratif de Paris, de communiquer le mémoire en réponse de l'administration du 25 avril 2017 ;
- sa comptabilité n'est pas tenue aux moyens de systèmes informatisés au sens des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- le délai prévu à l'article L. 11 du même livre n'a pas été respecté ;
- elle a été privée de la garantie prévue à l'article L. 47 A du même livre en raison du caractère irrégulier de la lettre de demande d'option qui lui a été adressée par le vérificateur ;
- le rejet de sa comptabilité n'est pas fondé ;
- la méthode de reconstitution de ses recettes est excessivement sommaire ;
- les pénalités et amendes qui lui ont été infligées ne sont pas fondées en raison du caractère aléatoire de la reconstitution de ses recettes ;
- les pénalités et amendes qui lui ont été infligées en vertu des articles 1729 et 1759 du code général des impôts ont été prononcées en méconnaissance des dispositions du paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 du septième protocole additionnel à cette convention en ce que la commission des infractions fiscales a émis un avis défavorable à l'exercice de poursuites pénales à son encontre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SASU 5FetF ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Perrot, avocat représentant la société 5FetF.
Considérant ce qui suit :
1. La société 5FetF, alors dénommée LCDC, qui exerce une activité de restauration sous l'enseigne " Pères et Filles ", a fait l'objet d'un contrôle inopiné en date du
11 juillet 2013, suivi d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013, par la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France au terme de laquelle, par deux propositions de rectification en date des 19 décembre 2013 et 14 mai 2014, l'administration fiscale a mis à la charge de la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période courue du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013, des suppléments d'impôts sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ainsi que des amendes prononcées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre des exercices 2011 et 2012. La société 5FetF relève appel du jugement du 7 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôts sur les sociétés ainsi que des amendes prononcées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité :
2. La société 5FetF soutient que les suppléments d'imposition litigieux, qui procèdent exclusivement du rehaussement des produits de l'intéressée que le vérificateur a fondés sur la non comptabilisation d'une partie des recettes encaissées en espèces rendue possible par des manipulations informatiques du logiciel de caisse de l'intéressée, ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière au motif que les droits de la défense n'ont pas été respectés.
3. A cet égard, la société requérante relève plus particulièrement qu'en dépit de ses demandes, le service ne lui a pas communiqué les documents techniques qu'il a utilisés pour déterminer que la contribuable s'était livrée à des effacements de lignes à l'origine de la non comptabilisation d'une partie des recettes encaissées en espèces. Dans ces conditions, la société 5FetF doit être regardée comme invoquant, implicitement mais nécessairement, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales , aux termes desquelles : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article
L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "
4. Il résulte des dispositions citées au point précédent qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue, lorsqu'elle en dispose, de lui communiquer avant la mise en recouvrement des impositions les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a obtenus auprès de tiers et qui lui sont opposés ; il en va ainsi, sauf dans le cas d'informations librement accessibles au public, alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur.
5. Si l'administration soutient que le " Guide sur la procédure de lecture de caisse " a été communiqué à la société 5FetF dès lors qu'elle constitue l'annexe 1 aux propositions de rectification des 19 décembre 2013 et 14 mai 2014, il résulte de l'instruction que cette annexe, intitulée " rappels sur les systèmes de caisse PI électronique ", ne comporte pas le guide en cause, mais consiste en un exposé général élaboré par le vérificateur sur les caractéristiques des systèmes de caisse PI électronique. En outre, si le service soutient qu'il a pu asseoir les suppléments litigieux d'imposition pour partie sur le guide de lecture et pour partie sur sa propre analyse des fichiers de remontées de caisse de la contribuable, il résulte de l'instruction et, notamment, d'un courrier du 14 février 2014 émanant d'un expert, que seules les spécifications fonctionnelles et techniques, voire le code source du logiciel de caisse, dont la communication a été en vain demandée par la requérante, pouvaient permettre de vérifier la pertinence de la règle sur laquelle le vérificateur s'est fondé et selon laquelle " le compteur de lignes initial et le compteur de lignes final doit évoluer dans une fourchette comprise entre le multiple de 4096 (algorithme 2 puissance 12) immédiatement inférieur et le multiple de 4096 (algorithme 2 puissance 12) immédiatement supérieur ". Par suite, la société 5FetF est fondée à soutenir que le service a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et qu'il ne peut être regardé comme établissant que le taux des recettes encaissées en espèces aurait été minoré par la requérante.
6. Dans ces conditions, la société 5 FetF est fondée à demander à être déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des amendes prévues à l'article 1759 du code général des impôts mis en recouvrement à son encontre le 15 juillet 2015.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société 5FetF est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1612045 du 7 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La société 5FetF est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été assignés au titre de la période courue du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ainsi que de l'amende qui, prévue à l'article 1759 du code général des impôts, lui a été infligée au titre des années 2011 et 2012.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle 5FetF et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président-assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 juin 2018.
Le rapporteur,
B. AUVRAY Le président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02609