La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2018 | FRANCE | N°17PA01669

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 juin 2018, 17PA01669


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 juin 2016 par lequel le maire de Paris, président du Conseil de Paris siégeant en formation de conseil départemental, l'a révoquée, d'enjoindre au département de Paris de prononcer sa réintégration, avec reconstitution de carrière sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de condamner le département de Paris à lui verser une indemnité de 7 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.
r>Par un jugement n° 1612840 du 16 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 juin 2016 par lequel le maire de Paris, président du Conseil de Paris siégeant en formation de conseil départemental, l'a révoquée, d'enjoindre au département de Paris de prononcer sa réintégration, avec reconstitution de carrière sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de condamner le département de Paris à lui verser une indemnité de 7 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.

Par un jugement n° 1612840 du 16 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le

17 mai 2017 et le 12 février 2018, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

A titre principal :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner sa réintégration avec reconstitution de carrière et de ses droits sociaux en qualité d'assistante socio-éducative titulaire de la ville de Paris sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

En toutes hypothèses :

3°) de condamner la ville de Paris à lui verser une somme de 7 000 euros en réparation du préjudice subi ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure faute pour l'administration d'avoir fait droit à sa demande de report de la séance du conseil de discipline, à laquelle elle n'a pu se présenter pour raison de santé, ce qui l'a privée des garanties attachées aux droits de la défense et a méconnu le principe du contradictoire ;

- cet arrêté est entaché d'illégalité interne dès lors que la réalité des faits reprochés n'est pas établie ainsi que d'erreur d'appréciation au motif que ce n'est pas elle, mais un tiers, qui a divulgué une conversation qu'elle avait enregistrée par erreur chez une famille dont elle assurait le suivi et que l'élément intentionnel est absent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2018, le département de Paris, représenté par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mette à la charge de Mme C...le versement à son profit d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute de demande préalable et qu'aucun moyen d'appel n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour Mme C...et de Me A...pour le département de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Par l'arrêté contesté du 10 juin 2016, le département de Paris a, à titre de sanction disciplinaire, révoqué MmeC..., assistante socio-éducative titularisée le 1er septembre 2010 et affectée au service scolaire du 19ème arrondissement de la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé (DASES) depuis le 1er septembre 2014.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté contesté et celles à fin de réintégration :

2. En premier lieu, selon l'article 6 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de la réunion de ce conseil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il peut, devant le conseil de discipline, présenter des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " (...) Le report de l'affaire peut être demandé par le fonctionnaire poursuivi ou par l'autorité territoriale : il est décidé à la majorité des membres présents. Le fonctionnaire et l'autorité territoriale ne peuvent demander qu'un seul report ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. Mme C...a été informée par courrier du 11 avril 2016, notifié dès le 14 avril suivant, qu'elle était convoquée le 10 mai 2016 à une séance devant la commission administrative siégeant en conseil de discipline. Il ressort des pièces du dossier que cette convocation rappelait à l'intéressée qu'il lui était loisible de prendre connaissance de son dossier individuel, que les pièces constituant ce dernier se trouvaient à sa disposition au bureau des organismes disciplinaires et qu'elle pouvait également présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou des défenseurs de son choix.

5. Le 9 mai 2016, Mme C...a sollicité, par l'intermédiaire de son conseil, le renvoi de l'examen de son affaire par le conseil de discipline. Ce report n'ayant pas été accordé par cette instance, l'intéressée soutient que la décision contestée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et de son droit d'être entendue lors de la séance du 10 mai 2016.

6. A cet égard, Mme C...produit un arrêt de travail qui lui a été prescrit du 9 au 23 mai 2016 ainsi que le courrier de son conseil qui, également daté du 9 mai 2016, sollicite le report de la séance étant donné qu'il " vient d'être chargé des intérêts de MmeC... " et qu'il n'a pas eu le temps de préparer utilement la défense de sa cliente, " considérant la tardiveté de son intervention ".

7. Si le conseil de Mme C...ne pouvait pas anticiper que cette dernière ne se présenterait pas devant le conseil de discipline compte tenu d'un syndrome dépressif lié à l'information selon laquelle l'agresseur de l'intéressée, victime d'un viol, pourrait être libéré à compter du 9 mai 2016, ce qui a été à l'origine d'un arrêt de travail du même jour, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que cet arrêt de travail autorisait l'intéressée à sortir, d'autre part, que ce n'est que " tardivement " qu'elle a chargé un avocat de défendre ses intérêts dans le cadre de la procédure disciplinaire en cause, alors pourtant que l'intéressée avait été informée près d'un mois auparavant de la date à laquelle le conseil de discipline se tiendrait. En outre, il n'est nullement établi par les pièces versées au dossier que la requérante aurait appris, dès le 9 mai 2016, la libération de son agresseur, laquelle n'est d'ailleurs intervenue que le 13 mai suivant. Dans les conditions particulières de l'espèce Mme C...qui, ainsi que son avocat, s'est abstenue de se présenter devant le conseil de discipline sans avoir l'assurance que la demande de report serait acceptée par ce dernier et a disposé d'un délai suffisant pour adresser au conseil de discipline des observations écrites, n'est pas fondée à soutenir que le refus de renvoyer l'examen de son affaire à une séance ultérieure du conseil de discipline l'aurait privée de la garantie que constitue la possibilité d'organiser utilement sa défense ou aurait porté atteinte au principe du contradictoire, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 4. Le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté du 10 juin 2016 portant révocation de Mme C...aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière doit, par voie de conséquence, être écarté comme manquant en fait.

8. En second lieu, l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Selon l'article 14 du décret du 24 mai 1994 susvisé, pris pour l'application de l'article 118 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) / Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation (...) ". Quant à l'article L. 411-3 du code de l'action sociale et des familles, il prévoit que : " Les assistants de service social et les étudiants des écoles se préparant à l'exercice de cette profession sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les réserves énoncées aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. ".

9. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des termes de l'arrêté contesté du 10 juin 2016 que, pour décider de révoquer MmeC..., le département de Paris s'est fondé sur le fait que l'intéressée avait, lors d'une visite au domicile d'une famille dont elle assurait le suivi, enregistré l'entretien ayant eu lieu pendant une quarantaine de minutes sans avoir demandé son accord, fait écouter cet enregistrement à son moniteur d'auto-école qui connaissait cette famille, qu'elle accompagnait par ailleurs dans sa démarche de recherche d'un logement social adapté auprès de Paris-Habitat et avec lequel elle avait conclu un arrangement pour le règlement des cours de conduite en contrepartie de son aide dans les démarches de son moniteur, qui était également directeur de l'auto-école, pour l'obtention d'un logement social et d'un titre de séjour.

10. MmeC..., qui reconnaît avoir enregistré le 2 juin 2015 une conversation lorsqu'elle se trouvait chez une famille dont elle assurait le suivi, soutient que c'est par erreur qu'elle a déclenché la fonction " enregistrement ", qu'elle n'est pas à l'origine de la divulgation de cet enregistrement auprès d'un tiers, en l'espèce le directeur d'auto-école qui n'en a eu connaissance que parce qu'il s'est lui-même saisi de son téléphone mobile qu'elle avait laissé sans surveillance et qu'il a ainsi pu écouter l'enregistrement en cause. En outre, l'intéressée nie l'existence de l'arrangement décrit au point précédent et relève, à cet égard, qu'elle a réglé une somme de 6 284 euros pour suivre ses leçons de conduite.

11. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, dans un courrier du 15 septembre 2015 adressé au directeur de la DASES, un membre de la famille a affirmé que, le 9 septembre 2015, Mme C...l'avait appelé pour se justifier en lui avait indiquant qu'elle avait délibérément enregistré l'entretien le 2 juin précédent afin d'établir un rapport, caractère délibéré qui est corroboré par le fait que le mode d'emploi du mobile de l'intéressée rend improbable le déclenchement inopiné de la fonction " enregistrement " qui, au contraire, nécessite plusieurs manipulations. En outre, les termes du courrier du 11 septembre 2015 que le directeur d'auto-école avait adressé à une association ainsi que ses déclarations faites le 14 septembre suivant lors d'un entretien avec les cadres de la DASES indiquent que c'est Mme C...qui, en lui faisant écouter l'enregistrement qui dure une quarantaine de minutes, a divulgué des informations auprès de lui, qui connaissait cette famille à propos de laquelle la requérante a, de surcroît, tenu devant lui des propos désobligeants, l'un des membres de cette famille ayant, pour cette raison, déposé une main courante le 11 septembre 2015, puis une plainte le 22 septembre suivant. Quant à l'arrangement entre Mme C...et le directeur d'auto-école, ce dernier a, le 29 juin 2015, procédé à l'enregistrement de leur conversation en faisant état, à l'insu de la requérante, et l'a fait entendre à deux cadres de la DASES lors de l'entretien qui, déjà mentionné, a eu lieu le 14 septembre 2015.

12. Il résulte de ce qui précède qu'en dépit des relations tendues entre le directeur d'auto-école et MmeC..., qui a porté plainte pour injure non publique contre ce dernier le 4 septembre 2016, la matérialité des griefs que l'administration a retenus à l'encontre de l'intéressée dans l'arrêté contesté du 10 juin 2016 est établie, étant de surcroît relevé qu'il ressort des pièces du dossier que le parquet de Paris a décidé de poursuivre la requérante, ainsi que le moniteur d'auto-école, sur le fondement du 1° de l'article 432-11 du code pénal.

13. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

14. Il résulte de ce qui a été dit que Mme C...a gravement manqué au respect du secret professionnel auquel sont tenus les fonctionnaires et, en particulier, les travailleurs sociaux, en divulguant des informations confidentielles concernant une famille dont elle assurait le suivi, qui plus est à l'égard d'un tiers qui connaissait cette famille et dont elle espérait obtenir un avantage. Dans ces conditions, et eu égard également à la faible ancienneté de l'intéressée, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le département de Paris a infligé la sanction de la révocation à MmeC..., d'ailleurs proposée par dix voix sur douze par le conseil de discipline, alors même que l'intéressée soutient qu'elle était jusqu'alors bien notée, qu'elle produit des attestations faisant état de l'aide précieuse qu'elle a apportée à d'autres familles dans le cadre de ses fonctions et que l'arrangement conclu avec le directeur d'auto-école n'a, en définitive, pas abouti.

15. Les conclusions de Mme C...tendant à ce que la Cour enjoigne au département de Paris de procéder à sa réintégration avec reconstitution de carrière et de ses droits sociaux en qualité d'assistance socio-éducative titulaire de la ville de Paris sous astreinte de 100 euros par jour de retard ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

16. En l'absence de faute imputable à l'administration, les conclusions présentées par Mme C...tendant à ce que le département de Paris soit condamné à lui verser la somme de 7 000 euros en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la sanction qui lui a été infligée doivent être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions formulées par la requérante à fin d'annulation, de réintégration et de condamnation du département de Paris à lui verser une somme de 7 000 euros ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour mette à la charge du département de Paris qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par Mme C...à l'occasion de ce litige. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département de Paris tendant au bénéfice de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de Paris tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au Conseil de Paris siégeant en formation de conseil départemental.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 juin 2018.

Le rapporteur,

B. AUVRAY Le président,

M. HEERSLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01669


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01669
Date de la décision : 08/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure - Conseil de discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : SCP FOUSSARD-FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-08;17pa01669 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award