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24/05/2018 | FRANCE | N°17PA02774

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 24 mai 2018, 17PA02774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Iface a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2010 et 2011 pour un montant de 146 732 euros en droits et 64 817 euros en pénalités.

Par jugement n° 1602092/1-2 du 20 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Iface des impositions contestées, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'articl

e L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Iface a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2010 et 2011 pour un montant de 146 732 euros en droits et 64 817 euros en pénalités.

Par jugement n° 1602092/1-2 du 20 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Iface des impositions contestées, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés les 8 août 2017 et 6 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour d'annuler le jugement du 20 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris et de remettre à la charge de la société Iface les impositions dont les premiers juges ont prononcé la décharge.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a statué ultra petita ;

- il a dénaturé les écritures de l'administration ;

- la vente effectuée dans l'intérêt unique de l'acquéreur ne peut être regardée comme ayant eu pour objet de fournir des liquidités à la société Iface et d'assurer la poursuite de son activité ;

- la décote fixée par l'expert était dépourvue d'objet ;

- l'acte anormal de gestion est établi du fait de la seule cession pour un prix inferieur à la valeur vénale du bien ;

- en cas de vente à un tiers, la vente n'aurait pas nécessairement été assortie d'une clause tenant à la signature d'un bail ;

- le rehaussement fondé sur l'insuffisance du prix de cession est compatible avec celui fondé sur la majoration anormale des loyers ;

- le montant de la décote est excessif ;

- le rehaussement fondé sur la majoration anormale des loyers est justifié ;

- le manquement délibéré est établi.

Par des mémoires en défense enregistrés les 21 décembre 2017 et 21 février 2018, la société Iface, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours du ministre et demande que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 23 février 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeA..., représentant la société Iface.

1. Considérant que le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 20 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Iface des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées pour un montant de 211 549 euros en droits et pénalités par avis de mise en recouvrement du 29 mai 2015 et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant que la société Iface a vendu, au cours de l'année 2010, le local commercial qu'elle détenait au 10 rue de Fécamp à Paris à son gérant et principal associé, pour un montant de 386 000 euros ; qu'afin de déterminer le prix de vente de ce local, la société a fait appel à un expert immobilier qui a estimé la valorisation de l'immeuble à 4 000 euros le mètre carré ; que, pour tenir compte du fait que le local était occupé par la société qui y exerce son activité, l'expert a pratiqué un abattement de 2 000 euros par mètre carré ; que l'administration n'a pas remis en cause le prix de 4 000 euros le mètre carré déterminé sur la base de transactions comparables, mais a estimé que la décote de 50 % était sans objet ; qu'elle a réintégré le montant du prix abandonné dans le résultat imposable de l'année 2010 ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale ; qu'il appartient à l'administration, dans l'hypothèse où la rectification a été effectuée selon la procédure contradictoire et a été refusée par le contribuable, d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, la cession à un tiers d'un bien immobilier est constitutive, pour l'entreprise cédante, d'un acte étranger à une gestion commerciale normale ; que, pour apporter cette preuve, l'administration doit établir l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé et, d'autre part, de l'intention de l'entreprise cédante d'octroyer une libéralité du fait des conditions de la cession ;

4. Considérant qu'il est constant que l'acte notarié par lequel la société Iface a procédé à la cession des locaux en cause indique qu'ils étaient libres de toute occupation ; qu'un tel constat ne saurait, contrairement à ce qui est soutenu, être regardé comme résultant d'une erreur commise par le notaire, dès lors que lesdits locaux étaient occupés, avant la cession, par leur propriétaire, et ne pouvaient en conséquence faire l'objet d'un bail ; que si la société Iface a fait valoir que l'acquéreur s'était engagé à lui consentir un bail, et que cet engagement était de nature à réduire le prix de cession des biens, aucun élément du dossier, et notamment pas le procès-verbal d'assemblée générale de la société Iface du 20 juin 2010, ne vient étayer la réalité de cette allégation ; que s'il est soutenu qu'il incombe au juge de prendre en considération les conventions non écrites, telles qu'elles résultent des pratiques courantes dans le monde des affaires, il ne résulte pas de l'instruction que la société Iface, qui a cédé le local en cause à son propre gérant et principal associé, lequel était en conséquence libre d'en faire l'usage qui lui convenait, ait bénéficié de la part de l'acquéreur d'un engagement non écrit à lui consentir un bail ; que d'ailleurs, il n'apparait pas que le bail effectivement conclu par la suite l'ait été dans des conditions défavorables pour l'acquéreur et de nature à justifier la décote en cause ; que l'administration doit par suite être regardée comme établissant que le prix de cession, calculé sur la base de ladite décote était, dans cette mesure, inférieur à la valeur vénale du bien cédé ; que la circonstance, à la supposer même établie, que la valeur vénale en cause ne soit pas cohérente avec la valeur locative retenue pour l'estimation des loyers déductibles au titre de l'exercice suivant, n'est pas de nature à remettre en cause la sous-estimation qui procède de l'absence de bien-fondé de la décote appliquée ; que d'ailleurs la société Iface n'établit pas cette incohérence en se bornant à se prévaloir d'un taux de rentabilité moyen dans le secteur et dans la zone géographique concernés, qui ne tient pas compte des caractéristiques propres des locaux cédés ; que les locaux ayant été vendus par la société Iface à son gérant et principal associé, l'intention libérale liée à la minoration doit être présumée ; que la circonstance que la cession ait permis de fournir des liquidités à la société venderesse en difficulté n'est pas de nature à remettre en cause les considérations qui précèdent, l'existence de difficultés financières ne pouvant, sauf à établir la nécessité absolue de vendre un bien dans des considérations défavorables, justifier la libéralité liée à une minoration du prix de cession ; qu'il en est de même du fait que la transaction aurait permis à la société de poursuivre son activité dans les locaux, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, l'acquéreur n'avait consenti, lors de la cession, aucun engagement à cet effet ; qu'il suit de là que l'administration apporte la preuve, dont elle a la charge, de l'existence d'un acte anormal de gestion ainsi que de son montant ; que c'est par suite à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de la société Iface au motif qu'une telle preuve ne pouvait être regardée comme ayant été apportée ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Iface tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Considérant, en premier lieu, que l'administration n'a pas remis en cause le prix de

4 000 euros le mètre carré déterminé par la société requérante elle-même sur la base de comparaisons effectuées avec des transactions comparables, comparaison dont aucune des parties devant la Cour ne contestent la validité, mais s'est bornée à tirer les conséquences du fait que la décote appliquée était dépourvue d'objet ; que la société Iface n'est en conséquence pas fondée à soutenir qu'il incombait à l'administration de procéder une nouvelle fois à des comparaisons avec des transactions comparables pour établir l'insuffisance au regard de la valeur vénale du prix de cession en cause ; que le moyen tiré de la valeur à laquelle le local avait été acquis en 2004 ne peut qu'être écarté dès lors que l'estimation effectuée par le service à la date de sa cession, en 2010, a été régulièrement effectuée dans les conditions rappelées aux points 2. et 4. du présent arrêt ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration a estimé que les loyers hors charges de 60 000 euros versés en 2011 par la société pour lesdits locaux étaient excessifs, a retenu la valeur annuelle de 38 111 euros correspondant à la valeur locative retenue par l'expert mandaté à cet effet par l'intéressée, et a réintégré la différence dans les résultats de cette dernière au titre de l'exercice clos en 2011 ; que la société Iface, qui ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause la valeur locative du local déterminée par ledit expert, et qui admet " l'importance " des loyers versés, ne conteste pas valablement le rehaussement susmentionné en se bornant à invoquer l'absence de comparaison avec des locaux similaires et l'incohérence avec le rehaussement notifié au titre de l'année précédente, par lequel le vérificateur s'est d'ailleurs, à cet égard, borné à remettre en cause la décote de 50 % pour occupation appliquée par l'expert ;

Sur les pénalités :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;

9. Considérant que la société Iface, qui cédait à son gérant et principal associé, dans les conditions rappelées au point 4., un local qui n'était pas grevé d'un droit au bail, ne pouvait ignorer que la décote effectuée pour l'estimation de ce bien, et alors même que cette décote figurait dans une estimation d'expert, était dépourvue d'objet ; que de même elle ne pouvait ignorer que le loyer versé à son gérant et principal associé était supérieur au montant fixé par l'expert qu'elle avait elle-même mandaté ; que l'administration justifie, dès lors, du bien-fondé des pénalités pour manquement délibéré mises à la charge de la société ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Iface des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées pour un montant de 211 549 euros en droits et pénalités par avis de mise en recouvrement du 29 mai 2015 et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu de prononcer l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué et le rétablissement des impositions susmentionnées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société Iface demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1602092/1-2 du Tribunal administratif de Paris du 20 juin 2017 sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assignées à la société Iface pour un montant de 211 549 euros en droits et pénalités par avis de mise en recouvrement du

29 mai 2015 sont remises à la charge de l'intéressée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Iface devant la Cour sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société Iface.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 mai 2018

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 17PA02774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02774
Date de la décision : 24/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : CABINET FRENKEL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-24;17pa02774 ?
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