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18/05/2018 | FRANCE | N°17PA02649

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 18 mai 2018, 17PA02649


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 février 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné.

Par un jugement n° 1704205 du 28 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés l

es 28 juillet et 2 août 2017, M.A..., représenté par Me C...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 février 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné.

Par un jugement n° 1704205 du 28 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 juillet et 2 août 2017, M.A..., représenté par Me C...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 9 février 2017 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, de saisir la commission du titre de séjour et de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer récépissé pendant la durée de ce réexamen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit au regard du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal ;

- le préfet de police a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers,

- et les observations de Me C...pour M. A....

1. Considérant que M. A...de nationalité sénégalaise, entré en France le 16 juillet 2011 selon ses déclarations, a présenté, le 25 juillet 2016, une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ; que, par un arrêté du 9 février 2017, le préfet de police a refusé de l'autoriser à séjourner en France, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné ; que M. A...relève appel du jugement du 28 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 9 février 2017 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que le tribunal administratif qui, n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. A..., a suffisamment répondu à tous les moyens soulevés par ce dernier, en particulier les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations du paragraphe 42 de la convention franco-sénégalaise, en énonçant de manière suffisamment précise les éléments de fait et de droit permettant de les écarter ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'il ressort de l'arrêté contesté que, pour apprécier l'existence de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a pris en compte la situation de M. A...au regard de son expérience et de ses qualifications professionnelles, des spécificités de l'emploi auquel il postule et de l'ancienneté de son séjour en France ; que l'arrêté mentionne en outre que l'intéressé déclare être entré en France le 16 juillet 2011, qu'il possède une proposition de contrat de travail pour le métier de cuisinier, qu'il a obtenu un avis favorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, qu'il a produit les fiches de paie d'un homonyme et qu'il ne fait pas état d'une ancienneté professionnelle suffisante en tant que cuisinier ; qu'ainsi, l'arrêté, qui comporte, conformément aux dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les considérations de fait et de droit qui en constitue le fondement est suffisamment motivé ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que sa situation personnelle n'aurait pas fait l'objet de la part de l'administration d'un examen particulier ; qu'il n'est pas contesté que, dans le cadre de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, M. A...a produit des bulletins de paie émis entre le 1er août 2013 et le 1er novembre 2015 pour un homonyme ; que si une attestation de concordance a été produite par son employeur le 26 février 2017 pour indiquer que ces bulletins de paie correspondaient au travail effectué par M. A...et souligner ses qualités professionnelles, cette attestation est postérieure à l'arrêté contesté et n'a pu par suite être prise en compte par les services de la préfecture ; qu'ainsi, le préfet, qui a apprécié l'existence de motifs exceptionnels au regard des éléments fournis par l'intéressé, a pu, sans entacher sa décision d'un défaut d'examen attentif de la situation de M.A..., retenir que celui-ci s'était prévalu des fiches de paie d'un homonyme et ne remplissait pas les conditions d'admission exceptionnelle au séjour ;

5. Considérant qu'aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006 modifié, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...). L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; qu'en présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que, dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

6. Considérant que les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit en considérant que M. A...devait justifier de motifs exceptionnels doit être écarté ;

7. Considérant que M. A...soutient que l'arrêté contesté, portant refus d'admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière faute pour l'autorité préfectorale d'avoir, préalablement à l'édiction de cette décision, saisi la commission du titre de séjour ; que toutefois, l'intéressé, qui déclare être entré en France le 16 juillet 2011, n'établit ni même n'allègue résider en France depuis plus de dix ans ; que, dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de saisine préalable de la commission du titre de séjour est inopérant ;

8. Considérant que M. A...se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France, de l'exercice d'une activité professionnelle depuis le 1er août 2013 en tant que plongeur puis cuisinier, du soutien de son employeur et de ce qu'il a bénéficié d'une promesse d'embauche pour laquelle la DIRECCTE a émis un avis favorable le 8 juin 2016 puis d'un contrat de travail conclu postérieurement à l'arrêté contesté ; que de telles circonstances ne sauraient, en elles-mêmes, être regardées comme constitutives d'un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code précité , alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé qui est célibataire et sans charge de famille en France, ne justifie que d'une expérience de moins de quatre ans dans ces différents emplois et ne dispose d'aucune qualification particulière pour les métiers de la restauration ; qu'ainsi, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

10. Considérant que M. A...soutient que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité ;

11. Considérant toutefois, qu'outre le fait que M. A...n'a pas fondé sa demande d'admission au séjour sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui déclare être entré en France le 16 juillet 2011 alors que le visa apposé sur son passeport indique que cette date correspond à son arrivée en Espagne, ne l'établit pas ; que s'il fait valoir qu'il a fixé en France le centre de ses intérêts, et justifie d'une intégration par le travail auprès d'un employeur qui atteste de ses qualités professionnelles et le soutient dans ses démarches de régularisation, il est toutefois constant qu'il est célibataire et sans charge de famille en France ; qu'hormis son expérience professionnelle de moins de quatre ans, il ne se prévaut d'aucun lien personnel sur le territoire français et ne démontre pas ainsi y avoir développé une vie privée particulièrement intense et n'établit pas, par ailleurs, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie ; que, dans ces conditions, et malgré l'activité professionnelle que l'intéressé avait commencé à exercer, au demeurant illégalement, sur le territoire national, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et comme ayant ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 9 février 2017 ainsi que celles à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 mai 2018.

Le président-rapporteur,

M. HEERSL'assesseur le plus ancien,

B. AUVRAYLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02649


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02649
Date de la décision : 18/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : LAMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-18;17pa02649 ?
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