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18/05/2018 | FRANCE | N°17PA02648

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 18 mai 2018, 17PA02648


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...veuve A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les titres de séjour du 27 décembre 2013 et du 24 mars 2015 délivrés par le préfet de Seine-et-Marne et portant la mention " visiteur " en tant qu'ils lui refusent la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1510026 du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

28 juillet 2017, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...veuve A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les titres de séjour du 27 décembre 2013 et du 24 mars 2015 délivrés par le préfet de Seine-et-Marne et portant la mention " visiteur " en tant qu'ils lui refusent la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1510026 du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 27 décembre 2013 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne lui a retiré son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et lui a délivré un titre de séjour portant la mention " visiteur " ;

3°) d'annuler la décision matérialisée par la délivrance, le 5 mai 2015, d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ", par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de changement de statut en vue de l'obtention d'une carte de résident, formulée le 25 novembre 2014 ;

4°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de résident en application du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C...soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé être en présence de décisions implicites ;

- les décisions contestées sont entachées d'un défaut de motivation ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen personnalisé de sa situation personnelle ;

- c'est par un " abus de pouvoir " que le préfet a choisi de délivrer une carte " visiteur " dont elle ne remplissait pas les conditions posées à l'article L. 313-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au lieu de la carte prévue à l'article L. 314-11-2° dont elle relevait de plein droit ;

- le refus de carte de résident méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions contestées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles 7, 25 et 34 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Heers a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeC..., de nationalité centrafricaine, entrée en France le 8 août 2004, a bénéficié, à compter du 19 décembre 2005, d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 30 mai 2013 ; que, par un courrier du 28 août 2013, le préfet de Seine-et-Marne lui a fait part de l'avis défavorable rendu le 26 août précédent par le médecin de l'agence régionale de santé et lui a indiqué qu'il envisageait de rejeter sa demande de renouvellement de titre sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme C...soutient avoir, par un courrier du 24 septembre 2013, formulé une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décision du 27 décembre 2013, le préfet de Seine-et-Marne lui a délivré un titre de séjour portant la mention " visiteur ", valable un an ; que, par un courrier du 25 novembre 2014, reçu par les services préfectoraux le 1er décembre 2014, que l'intéressée qualifie de " recours gracieux " , Mme C...a sollicité " un changement de statut " et la délivrance d'une carte de résident sur le fondement du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de Seine-et-Marne lui a délivré le 24 mars 2015 un second titre de séjour portant la mention " visiteur ", valable jusqu'au 23 mars 2016 ; que, par un jugement du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté les demandes de Mme C...tendant à l'annulation des deux titres délivrés en tant qu'ils révélaient des refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que Mme C...relève régulièrement appel de ce jugement et demande à la Cour outre l'annulation du jugement, d'une part, l'annulation de la décision du 27 décembre 2013 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne lui a " retiré " son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et lui a délivré un titre de séjour portant la mention " visiteur ", d'autre part, l'annulation de la décision matérialisée par la délivrance, le 5 mai 2015, d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ", par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de changement de statut en vue de l'obtention d'une carte de résident, formulée le 25 novembre 2014 et, enfin, l'annulation du rejet implicite d'une demande de titre présentée le 24 septembre 2013 ;

2. Considérant, en premier lieu, que les conclusions de Mme C...dirigées contre un " retrait " de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " doivent être regardées comme tendant, en réalité, à l'annulation d'un refus de renouvellement de son titre jusqu'alors délivré en sa qualité d'étranger malade ; que toutefois, la requérante ne formule à l'encontre d'un refus de cette nature aucun moyen permettant d'apprécier le bien-fondé de cette demande ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme C...soutient avoir, le 24 septembre 2013, formé une demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne justifie pas de l'existence d'une telle demande, qui aurait été présentée par courrier simple, et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait parvenue aux services préfectoraux ; qu'ainsi, et en tout état de cause, les conclusions tendant à l'annulation du rejet de cette demande ne peuvent qu'être rejetées ;

4. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, et ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la délivrance successive de deux titres de séjour portant la mention " visiteur ", alors que Mme C...sollicitait un titre d'une autre nature, révèle l'existence de rejets implicites de ses demandes ;

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable: " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de cette même loi : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) " ;

6. Considérant que par un courrier recommandé du 25 novembre 2014 reçu par les services de la préfecture le 1er décembre 2014, Mme C...a saisi le préfet de Seine-et-Marne d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 314-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " visiteur " révèle un refus implicite opposé à cette demande ; qu'à défaut de justifier en avoir préalablement sollicité les motifs, Mme C...ne peut utilement se prévaloir du défaut de motivation de cette décision ; que, pour les mêmes motifs, elle ne peut utilement se prévaloir du moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation pour contester la légalité de la décision contestée ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) " ; que Mme C...ne peut utilement se prévaloir des stipulations des articles 7, 25 et 34 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que, lorsqu'il se prononce sur une demande de titre de séjour, un Etat membre ne met pas en oeuvre le droit de l'Union européenne ;

8. Considérant, par ailleurs, que le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 de ce même code est inopérant à l'encontre du rejet d'une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur ce fondement et doit être écarté ;

9. Considérant, ensuite, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° (...) aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ;

10. Considérant que la requérante fait valoir à cet égard qu'elle justifie de la régularité de son séjour et qu'elle est à la charge de ses trois enfants, notamment de ses filles qui sont de nationalité française ; que toutefois, elle n'établit pas, par la production de documents mentionnant un impôt nul sur les revenus pour les années 2011 et 2012 et d'une attestation dactylographiée du 18 septembre 2013 par laquelle ses enfants indiquent participer à sa prise en charge mais qui n'est signée que par son fils, qu'elle serait à la charge de sa fille RoxaneA..., la seule de ses enfants dont la nationalité française est établie au regard des pièces du dossier, et que celle-ci disposerait des ressources nécessaires pour subvenir à ses besoins ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 314-11 2° précité doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...ne remplissait pas les conditions pour la délivrance du titre de séjour qu'elle sollicitait ; que, par ailleurs, et au demeurant, s'il est constant qu'elle ne remplissait pas davantage les conditions énoncées par l'article L. 313-6 du même code pour la délivrance du titre de séjour portant la mention " visiteur " qui suppose que l'étranger apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources, cette circonstance ne saurait entacher d'illégalité la décision du 24 mars 2015 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne doit être regardé comme ayant fait usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

13. Considérant que par la décision contestée, le préfet de Seine-et-Marne a permis, par la délivrance d'un titre " visiteur ", le maintien de Mme C...en situation régulière sur le territoire français auprès des membres de sa famille ; qu'ainsi, et alors que l'intéressée n'établit pas par ailleurs qu'elle aurait pour effet de la priver d'une prestation d'aide sociale dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle ne percevait plus le revenu de solidarité active depuis 2014, le préfet n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contestées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par MmeC..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par la requérante doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande Mme C...au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...veuve A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 18 mai 2018.

Le président-rapporteur,

M. HEERSL'assesseur le plus ancien,

B. AUVRAYLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02648


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02648
Date de la décision : 18/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : PINTO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-18;17pa02648 ?
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