Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société en nom collectif (SNC) Hanoï 45 a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge de l'amende fiscale qui lui a été infligée sur le fondement des articles LP. 367-5 et LP. 511-13-1 du code des impôts de la Polynésie française.
Par un jugement n° 1600303 du 20 décembre 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 février et 1er août 2017, la SNC Hanoï 45, représentée par Me A...et MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de cette amende fiscale ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- un véhicule à usages multiples est, au sens de l'annexe II à la directive 2007/46/CE, un véhicule à moteur autre que ceux visés sous AA à AC et destiné au transport de voyageurs et de leurs biens, dans un compartiment unique ; en l'espèce, le véhicule comporte une double cabine ; telle est aussi l'interprétation de la doctrine métropolitaine, qui, bien que postérieure au litige, ne fait que rendre officielle une prise de position du service ;
- au demeurant, seule l'administration métropolitaine est compétente pour se prononcer sur l'application de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; une prise de position formelle a d'ailleurs été sollicitée de l'administration et confirme l'éligibilité de ce type de véhicule ;
- dès lors que le véhicule n'est pas destiné au transport de voyageurs et de leurs biens, le service ne peut subordonner le bénéfice de l'exonération au caractère indispensable à l'activité de l'exploitant ; muni d'une benne, le véhicule est hors du champ de la taxe sur les sociétés sans qu'il soit besoin de démontrer son caractère indispensable à l'activité de l'exploitant ;
- la Cour a modifié, par un arrêt rendu le 16 décembre 2016 sous le n° 16PA00326, sa position résultant d'un arrêt du 4 mars 2016, rendu sous le n° 14PA02710.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2017, la Polynésie française, représentée par Me C...et MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Polynésie française soutient que :
- contrairement à la catégorie M1, aucune disposition n'exige que le transport des voyageurs et de leurs effets personnels soit effectué dans un compartiment unique s'agissant des véhicules de la catégorie N1 ;
- il convient de se référer à l'usage auquel le véhicule est normalement destiné par ses concepteurs et non à ses conditions effectives d'utilisation ;
- un véhicule de type N1 comportant une double cabine pour cinq places assises est nécessairement un véhicule de tourisme ;
- la doctrine invoquée n'est pas applicable ratione temporis ; la prise de position formelle ne l'est pas davantage en l'absence d'impositions supplémentaires ni, en tout état de cause, à l'administration polynésienne ;
- le caractère indispensable à l'activité de l'exploitant, qui est exigé pour l'application de l'article 199 undecies B du code général des impôts, n'a pas été justifié.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- l'arrêté n° 1143 CM du 21 juillet 2009 pris pour l'application du régime d'exonérations fiscales en faveur des opérations de défiscalisation métropolitaine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Heers,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la SNC Hanoï 45.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :
1. Aux termes, d'une part, de l'article LP. 367-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Il est institué un régime d'exonération de tous impôts, droits et taxes prévus au présent code lorsque l'application de ces impôts, droits et taxes a pour effet direct de réduire l'avantage financier apporté aux exploitants polynésiens par la mise en oeuvre du dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer. L'exonération s'applique dans les conditions prévues aux articles ci-après ". Aux termes de l'article LP. 367-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales qui réalisent en Polynésie française, directement ou via des entités créées ad hoc, des opérations d'investissements entrant dans le champ du dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer, prenant notamment la forme d'opérations de souscription au capital, de location longue durée ou de crédit-bail, bénéficient du régime d'exonération visé à l'article LP. 367-1, sous réserve du respect des conditions suivantes : / - ces personnes doivent se faire connaître de la direction des impôts et des contributions publiques et y faire accréditer un représentant fiscal si elles n'ont pas leur siège social ou un établissement stable en Polynésie française ; / - elles doivent, au plus tard dans les trois mois qui suivent la fin de l'année civile au cours de laquelle sont réalisées les opérations d'investissements, souscrire à la direction des impôts et des contributions publiques une fiche de renseignements cosignée par elles et par les exploitants polynésiens bénéficiaires économiques des opérations de défiscalisation ; / - les impôts, droits et taxes visés par l'exonération doivent trouver directement leur fait générateur dans la mise en oeuvre des schémas de financement liés au dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer ; / - les biens concernés par l'investissement doivent revenir, au terme de la période légale de défiscalisation, dans le patrimoine de l'exploitant polynésien ou, si l'investissement a été effectué par voie de souscription au capital, dans les conditions fixées dans l'agrément fiscal ou l'accord préalable délivré par la direction générale des finances publiques ou, si l'opération est dispensée de tels accords, dans les conditions fixées par le dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer. Une fiche de renseignements cosignée par les personnes physiques ou morales mentionnées au premier alinéa et par les exploitants polynésiens bénéficiaires économiques des opérations de défiscalisation doit être souscrite à la direction des impôts et des contributions publiques dans les trois mois qui suivent la fin de l'année civile au cours de laquelle est constaté le retour des biens ou des titres souscrite dans le patrimoine de l'exploitant polynésien. / Un arrêté pris en conseil des ministres approuve le modèle des fiches de renseignements visées aux 3ème et 5ème alinéas ". Aux termes de l'article LP. 367-5 de ce code : " La remise en cause du régime d'exonération est sanctionnée par l'application d'une amende fiscale dans les conditions prévues à l'article LP. 511-13-1 du présent code ". Aux termes de l'article LP. 511-13-1 de ce code : " Les entités de défiscalisation métropolitaine bénéficiant du régime d'exonération faisant l'objet des articles LP. 367-1 à LP. 367-5 du présent code sont passibles d'une amende égale à 1 % du montant de l'investissement concerné, en cas de non-respect des conditions prévues aux articles LP. 367-1 et LP. 367-2 ". Aux termes de l'article 411-1 de ce code : " Les agents assermentés de la direction des impôts et des contributions publiques ont le pouvoir d'assurer le contrôle de l'ensemble des impôts et taxes dus par les contribuables (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté n° 1143 CM du 21 juillet 2009 : " Le bénéfice de l'exonération en faveur des opérations de défiscalisation métropolitaine faisant l'objet des articles LP. 367-1 à LP. 367-5 (...) est subordonné à l'éligibilité des opérations concernées au dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer. / Par suite (...), les exonérations ne s'appliquent pas et sont, le cas échéant, remises en cause lorsqu'il est établi que les opérations n'ont pas vocation à être financées ou n'ont pas été effectivement financées au moyen du dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer ".
2. Aux termes, d'autre part, de l'article 199 undecies B du code général des impôts : " I.- Les contribuables domiciliés en France (...) peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent (...) en Polynésie française (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale. (...) La réduction d'impôt ne s'applique pas à l'acquisition de véhicules soumis à la taxe définie à l'article 1010 qui ne sont pas strictement indispensables à l'activité de l'exploitant. (...) ". Aux termes de l'article 1010 du même code : " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France (...). Sont considérés comme véhicules de tourisme les voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 2007/46/CE (...) ainsi que les véhicules à usages multiples qui, tout en étant classés en catégorie N 1 au sens de cette même annexe, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens (...) ". Il résulte de la partie A et des 1. et 3. de la partie C de l'annexe II à la directive 2007/46/CE du 5 septembre 2007, dans sa rédaction issue de la modification " M12 " introduite par le règlement (UE) n° 678/2011 de la Commission du 14 juillet 2011, qu'au sein des véhicules classés dans la catégorie M, conçus et construits essentiellement pour le transport de personnes et de leurs bagages, figurent, de manière limitative, les " voitures particulières " (M1) suivantes : la berline (AA), la voiture à hayon arrière (AB), le break (AC), le coupé (AD), le cabriolet (AE), le break commercial (AG) et le véhicule à usages multiples (AF), lequel est défini comme " autre que ceux visés sous (...) AA à AE et destiné au transport de voyageurs et de leurs bagages, ou occasionnellement, des marchandises, dans un compartiment unique ". La catégorie N1, quant à elle, qui correspond à des véhicules conçus et construits essentiellement pour le transport de marchandises et dont le poids maximal ne dépasse pas 3,5 tonnes comprend notamment le " camion pick-up " (BE), lequel est défini comme " un véhicule dont la masse maximale n'excède pas 3 500 kg et dans lequel les places assises et la zone de cargaison ne se trouvent pas dans un compartiment unique ".
3. Il résulte des dispositions mentionnées au point 2 qu'un véhicule à usages multiples, même conçu et construit essentiellement pour le transport de marchandises, a le caractère d'un véhicule de tourisme au sens et pour l'application de l'article 1010 du code général des impôts dès lors que, d'une part, sa masse reste inférieure à 3,5 tonnes et que, d'autre part, ses caractéristiques techniques lui permettent de transporter à la fois des voyageurs et leurs bagages ou leurs biens. La circonstance qu'un tel véhicule comporte un ou plusieurs compartiments reste en revanche, par elle-même, sans incidence sur sa qualification.
4. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le véhicule en litige est un pick-up à double cabine, d'un poids inférieur à 3,5 tonnes, équipé d'une benne susceptible d'être couverte et d'un habitacle comportant une double rangée de sièges avec plusieurs places assises. Ainsi, même s'il a été conçu et construit essentiellement pour le transport de marchandises, ce véhicule est bien en l'espèce également destiné, compte tenu de ses caractéristiques techniques, au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens et a dès lors le caractère d'un véhicule de tourisme au sens et pour l'application de l'article 1010 du code général des impôts. Par ailleurs, la société requérante n'établit ni même n'allègue qu'il était strictement indispensable à l'activité de l'exploitant, et ne peut se limiter à soutenir, en contradiction avec les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, que cette circonstance est indifférente de sorte que ce caractère n'a pas à être démontré. Elle n'est par conséquent pas fondée à soutenir que c'est à tort que la Polynésie française a estimé que l'opération d'investissement en cause n'était pas éligible au dispositif métropolitain de défiscalisation et que n'était ainsi pas remplie la condition mentionnée au 4ème alinéa de l'article LP. 367-2 du code des impôts de la Polynésie française.
5. Enfin, et en tout état de cause, la société requérante ne peut utilement invoquer la décision de cette Cour, rendue le 16 décembre 2016 sous le n° 16PA00326, qui n'a pas, contrairement à ce qu'elle affirme, reconnu le caractère éligible de ce type d'investissement.
6. Quant à l'invocation, par la société requérante, par analogie dès lors qu'elle est postérieure au litige, de la doctrine administrative métropolitaine ainsi que d'une prise de position formelle de cette même administration, celles-ci ne seraient, en tout état de cause, opposables qu'à l'administration métropolitaine sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, la Polynésie française n'étant pas tenue d'interpréter le code général des impôts conformément à la doctrine fiscale métropolitaine, le moyen est inopérant.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende fiscale en litige. Ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge doivent par suite être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la société requérante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge le versement de la somme que demande la Polynésie française sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SNC Hanoï 45 est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Hanoï 45 et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 mai 2018.
Le président-rapporteur,
M. HEERSL'assesseur le plus ancien,
B. AUVRAYLe greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA00593 2