Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2010 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1519756/1-3 du 19 octobre 2016 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 décembre 2016 et le 15 septembre 2017, M. C...A...B..., représenté par Me Mouton, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1519756/1-3 du 19 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la vérification a eu lieu irrégulièrement dans les locaux de l'administration ;
- il n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire sur place dès lors qu'il n'a rencontré le vérificateur qu'à trois reprises ;
- la durée des opérations de vérification de comptabilité a excédé le délai de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; la fin des opérations de vérification doit être fixée à la date d'envoi de la proposition de rectification le 16 mai 2014 dès lors que le service détenait la comptabilité du requérant dans ses locaux ;
- des ventes occasionnelles de vins provenant d'une cave personnelle et acquis sans intention spéculative plusieurs années avant leur revente relèvent de la gestion du patrimoine privé et ne peuvent faire l'objet d'une vérification de comptabilité ; le versement de commissions sur les ventes à un intermédiaire est sans incidence sur la qualification au plan fiscal des ventes en cause ;
- le rehaussement de 11 000 euros est mal fondé et repose sur une méthode viciée dans son principe dès lors qu'il correspond à la réintégration du produit total d'une vente sans facture et non de la seule marge bénéficiaire ;
- le principe de l'indépendance des procédures pénales et fiscales s'applique ;
- le jugement pénal est entaché d'erreurs de fait.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- M. A...B...a fait l'objet d'une condamnation pénale pour fraude fiscale, par jugement définitif du 1er décembre 2016 du Tribunal de grande instance de Paris à raison des ventes de vins effectuées en 2011 et 2012, que le juge pénal a regardées comme relevant d'une activité professionnelle ;
- les moyens soulevés par M. A...B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- les conclusions de M. Platillero, rapporteur public,
- et les observations de Me Mouton, avocat de M. A...B....
1. Considérant que M. C...A...B..., qui exerçait la profession de directeur des achats salarié dans une entreprise de négoce de spiritueux, a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2010, 2011 et 2012 ; qu'il est apparu au cours des opérations de contrôle que M. A...B...exerçait une activité non déclarée de vente et de prestations d'apport d'affaires dans le secteur du commerce du vin pendant les années vérifiées, sans avoir accompli les formalités d'immatriculation auprès du centre des formalités des entreprises ; que le vérificateur a engagé une procédure de vérification de comptabilité de cette activité pour les mêmes exercices et mis en demeure le contribuable de déposer les déclarations correspondant à cette activité ; que le service lui a notifié, selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66, 3° du livre des procédures fiscales des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2010 et 2012 à raison de son activité d'apporteur d'affaires et, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du même livre, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à raison de ses activités professionnelles indépendantes d'apporteur d'affaire et de négoce de vins ; que M. A...B...relève appel du jugement du 19 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2010 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
S'agissant de l'existence d'une activité professionnelle entrant dans le champ des vérifications de comptabilité :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) " et qu'aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, le bénéfices réalisés par les personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale " ; d'autre part, qu'aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale " ; que l'accomplissement à titre professionnel d'actes réputés de commerce par la loi commerciale est une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts ; que l'article L. 110-1 du code de commerce répute actes de commerce tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre ;
3. Considérant que M. A...B...ne conteste pas avoir eu au cours des années en litige une activité d'apporteur d'affaires dans le domaine du commerce de vins ; qu'il conteste seulement avoir eu une activité commerciale de négoce de vin en 2011 et 2012 ; qu'il fait valoir que ces ventes relevaient de la gestion de son patrimoine personnel et n'avaient aucun caractère habituel dès lors qu'il n'aurait effectué que six ventes de vins au cours de ces deux années toutes conclues avec un même acheteur, qu'il n'aurait effectué aucun achat de vin depuis 2008 et que les vins cédés provenaient de sa cave personnelle constituée de vins de collection acquis sans but lucratif plus de trois ans avant la première de ces ventes ;
4. Considérant, toutefois, que l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification sur le plan pénal ; que par jugement correctionnel du 1er décembre 2016, dont il est constant qu'il est devenu définitif, le Tribunal de grande instance de Paris a déclaré M. A...B...coupable des faits de fraude fiscale au titre des années 2011 et 2012 en litige pour une activité non déclarée de revente de vins ; que le juge pénal a fondé le dispositif de sa condamnation sur les faits, notamment, que M. A...B...était un professionnel dans le négoce de vins, qu'il avait procédé à titre personnel à six ventes de vins en 2011 et à quatre ventes en 2012 pour une quantité totale de trente-huit caisses de vins, que les montants de recettes de ces ventes s'étaient élevées à 486 609,90 euros en 2011 et 313 849,67 euros en 2012, qu'il avait acquis de nombreux grands crus au cours des années 2011 à 2012 et qu'il avait déclaré à l'administration avoir une activité de négoce de vins ; que les faits ainsi constatés par le juge pénal étant le support du dispositif de sa décision de condamnation, le requérant ne peut utilement soutenir devant le juge de l'impôt que certaines de ces constatations de fait seraient erronées ;
5. Considérant, que si M. A...B...soutient que les cessions de vins en litige auraient eu lieu dans le cadre de la gestion normale de son patrimoine personnel, il résulte de l'instruction, et notamment des constatations de fait susmentionnées du juge pénal, qu'eu égard au nombre d'opérations d'achats et ventes de vins de grand crus effectués en 2011 et 2012 à titre personnel par M. A...B..., à leur fréquence sur la période considérée et à leur montant, sans qu'il importe à cet égard que ces ventes ont eu lieu au profit d'un même acheteur, c'est à bon droit que l'administration a considéré qu'il exerçait une activité commerciale de négoce de vins, imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, pour laquelle il était astreint à tenir une comptabilité soumise au droit de contrôle de l'administration prévu à l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ;
S'agissant du lieu des opérations de contrôle :
6. Considérant si les dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux ; qu'il en va ainsi lorsque, notamment, le contribuable ne dispose pas, au moment du contrôle, de locaux, et que, d'un commun accord avec le vérificateur, les opérations de vérification se déroulent dans le lieu qu'il a choisi, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire lui demeure offerte ;
7. Considérant, d'une part, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que les opérations de vérification ont eu lieu dans les locaux de l'administration à la demande expresse de M. A...B..., formalisée par un courrier en date du 13 novembre 2013 ; qu'à cet égard, si ce courrier mentionne un " contrôle sur pièces ", il résulte de l'ensemble des termes de ce courrier que le requérant a entendu autoriser l'administration à procéder à une vérification de comptabilité dans les locaux de l'administration dès lors qu'il fait référence à son " BIC ", qu'il précise qu'il ne dispose pas de siège social pour cette activité et demande le report à une date ultérieure du rendez-vous initialement prévu ; qu'il ne peut utilement faire valoir que les opérations de contrôle auraient pu se dérouler au cabinet de son expert-comptable dès lors qu'il n'a pas demandé que les opérations de contrôle se déroulent dans ce lieu ; qu'il n'est dans ces conditions pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
8. Considérant, d'autre part, qu'il est constant que M. A...B...a rencontré le vérificateur à trois reprises, le 19 novembre 2013, le 5 décembre 2013 et le 6 février 2014 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur se serait refusé à un débat oral et contradictoire avec le contribuable au cours de ces entretiens, dont le nombre n'était pas insuffisant au regard de la faible complexité des activités vérifiées ;
S'agissant de la durée des opérations de contrôle sur place :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : "Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois (...) " ;
10. Considérant que la durée d'une vérification est celle du délai séparant la première de la dernière intervention sur place du vérificateur ; qu'il n'est pas contesté que la vérification de comptabilité a commencé le 19 novembre 2013 et que la dernière rencontre entre le vérificateur et le contribuable a eu lieu le 6 février 2014, moins de trois mois plus tard ; qu'il est sans incidence sur la garantie prévue à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales que le service a continué de disposer dans ses locaux après l'expiration du délai de trois mois d'une copie de la comptabilité du requérant que lui avait apportée le requérant au début des opérations de contrôle, dès lors qu'il est constant qu'il ne s'agissait que de simples copies ; que le requérant ne produit aucun autre élément de nature à permettre de retenir que les opérations de contrôle sur place au sens des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales se seraient prolongées au-delà du 6 février 2014 ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que l'administration a méconnu ces dispositions ;
En ce qui concerne le manquement du vérificateur au devoir de loyauté :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure./ Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) / 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite (...) " et qu'aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5 du présent arrêt que le service était fondé à considérer que M. A...B...exploitait une activité commerciale, au sens de l'article 34 du code général des impôts, d'achat-vente de vins ; que, dès lors que cette activité n'avait pas été déclarée auprès d'un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, le service était en droit de procéder à la taxation d'office des bénéfices de cette activité, sans être tenu de mettre en demeure au préalable M. A... B...de régulariser sa situation ; que la circonstance que le vérificateur, alors qu'il n'y était pas tenu, l'a cependant mis en mesure de régulariser sa situation en souscrivant la déclaration catégorielle correspondant à son activité de vente et de prestation d'apport d'affaires dans le secteur du commerce du vin ne saurait être regardée comme constitutive d'une irrégularité de procédure, ni d'un manquement au devoir de loyauté de l'administration fiscale ; qu'elle a au contraire permis au requérant de bénéficier des garanties de la procédure contradictoire pour les compléments d'imposition résultant des déclarations déposées en temps utile après cette mise en demeure ; que, par ailleurs, si le requérant allègue qu'il aurait été contraint par l'administration d'établir a posteriori les factures sur lesquelles le vérificateur a fondé les rehaussements, il n'en justifie en tout état de cause pas ;
Sur le bien-fondé des impositions :
13. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. A...B...n'a pas répondu aux propositions de rectification qui lui ont été adressées ; que, dés lors qu'il a ainsi implicitement accepté les compléments d'imposition en litige, il lui incombe en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales d'établir leur caractère exagéré ;
14. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 12 du présent arrêt que le service était fondé à imposer à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux les bénéfices tirés par M. A...B...des ventes de vins de grands crus auxquelles il a procédé en 2011 et 2012 dans le cadre de son activité commerciale indépendante de négoce de vins ;
15. Considérant, d'autre part, que si le requérant soutient que les charges afférentes à un montant de recettes de 11 000 euros correspondant à la différence entre les sommes qu'il a encaissées et les sommes facturées au titre de la même année n'ont pas été déduites, il n'assortit son moyen d'aucun justificatif relatif à l'existence de ces charges ni d'aucune précision quant à leur montant ; qu'il ne met ainsi pas le juge en mesure de statuer sur le bien-fondé de son moyen ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 3 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dalle, président,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNI
Le président,
D. DALLE
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03772