Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 mars 2015 par laquelle le directeur de l'information légale et administrative a rejeté sa demande indemnitaire et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros, portant intérêt au taux légal à compter du 26 janvier 2015, en réparation des préjudices résultant de la publication non anonymisée sur des sites internet officiels de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 20 janvier 2011 statuant sur son divorce.
Par un jugement n° 1507125 du 7 novembre 2016, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme B...la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2015, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me de Bouteiller en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 mai 2017, MmeB..., représentée par Me de Bouteiller, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1507125 du 7 novembre 2016 du tribunal administratif de Paris en portant à 5 000 euros le montant de l'indemnité due par l'Etat au titre de son préjudice moral et à 228,95 euros le montant de l'indemnité due au titre de son préjudice financier, ou, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 228,95 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me de Bouteiller en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle a subi un préjudice moral résultant de la publication sur plusieurs sites internet, sans son consentement, pendant trois ans et demi de ses données personnelles figurant dans l'arrêt de la cour d'appel prononçant son divorce, préjudice qui devrait être indemnisé à hauteur de 5 000 euros ;
- les frais liés au constat d'huissier, qui était nécessaire pour constituer une preuve de la publication non-anonymisée de la décision de justice la concernant, doivent être indemnisés, de même que les frais annexes de déplacement, à hauteur de 228,95 euros ;
- à titre subsidiaire, ces derniers frais peuvent être mis à la charge de l'Etat au titre des dépens en application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2018, le premier ministre conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requérante n'apporte aucun élément permettant de considérer que son préjudice moral n'aurait pas été suffisamment réparé par l'octroi d'une indemnisation d'un montant de 1 000 euros ;
- les frais d'huissier ne présentent pas un lien de causalité direct avec la faute commise par l'autorité administrative ;
- les frais d'huissier sont au nombre des dépens mentionnés à l'article R. 761-1 du code de justice administrative lesquels ne peuvent, dès lors qu'ils ont été engagés avant l'introduction de la présente instance, être pris en compte à ce titre ;
- il n'est pas établi que les tickets de stationnement se rapportent au présent litige ;
- les frais d'essence ne sont pas justifiés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nguyên Duy,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.
1. Considérant que, par un courrier du 25 janvier 2015, Mme B...a demandé au Premier ministre (direction de l'information légale et administrative) de l'indemniser des préjudices subis du fait de la publication sur les sites internet Légimobile et Légifrance, pendant trois ans et demi, de l'arrêt non anonymisé de la cour d'appel de Douai du 20 janvier 2011 statuant sur son divorce ; qu'à la suite du rejet de sa demande par décision du 5 mars 2015, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Paris ; qu'après avoir considéré qu' en procédant à cette publication, la direction de l'information légale et administrative avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, les premiers juges ont, par un jugement du 7 novembre 2016, condamné l'Etat à verser à Mme B...la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral et rejeté le surplus de ses conclusions ; que Mme B... interjette régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice moral à 1 000 euros et rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice financier ;
Sur le préjudice moral :
2. Considérant que, pour demander le versement d'une indemnité de 5 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle a subi, Mme B...fait valoir qu'elle a été profondément affligée par la découverte de la publication sur deux sites internet officiels, sans son consentement, pendant une durée de trois ans et demi, des données à caractère personnel relevant de sa vie privée figurant dans la décision juridictionnelle prononçant son divorce, et produit, à l'appui de ses allégations, des attestations de plusieurs proches ; que si le défaut d'anonymisation par la direction de l'information légale et administrative de l'arrêt prononçant le divorce de Mme B... a rendu possible la consultation par des tiers des données personnelles la concernant, il résulte de l'instruction que l'accès à cette décision de justice n'était toutefois possible qu'après avoir effectué une recherche sur un moteur de recherche associant les prénoms et noms de Mme B...avec un autre terme figurant dans cet arrêt tels que le prénom de ses enfants ou encore son code postal, de sorte que cet accès était nécessairement restreint aux personnes disposant de ces informations, l'intéressée n'établissant au demeurant pas que des tiers, à l'exception de sa nièce, qui a découvert cette publication non anonymisée et l'en a avertie, et des personnes qu'elle a elle-même informées par la suite, ont effectivement pris connaissance de cet arrêt ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif de Paris aurait fait une insuffisante appréciation des circonstances de l'affaire en fixant à 1 000 euros l'indemnisation du préjudice moral subi par MmeB... ; qu'il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à demander un relèvement de cette évaluation qui n'est pas contestée par le Premier ministre ;
Sur le préjudice financier :
3. Considérant que si les frais résultant pour une partie de la production, de sa propre initiative, d'un constat d'huissier ne sont pas compris dans les dépens, il résulte de l'instruction que le constat d'huissier dressé le 15 juillet 2014 à la demande de Mme B...afin d'établir l'absence d'anonymisation de la décision de justice la concernant sur les sites Légifrance et Légimobile, a été utile au juge administratif pour déterminer l'existence d'une faute engageant la responsabilité de la direction de l'information légale et administrative, et donc à la requérante pour faire valoir ses droits ; que cette dernière est donc fondée à demander le remboursement des frais de constat d'huissier ainsi que des frais de déplacement et de stationnement exposés pour se rendre à l'étude d'huissier les 8 et 15 juillet 2014 au titre de son préjudice financier ; qu'il n'en va pas en revanche de même des frais de déplacement exposés par Mme B...pour se rendre au commissariat d'Hénin-Beaumont pour y déposer plainte en juin 2014 ; qu'il sera donc fait une exacte appréciation de ce préjudice en allouant à Mme B... la somme de 223,30 euros ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander qu'une somme de 223,30 euros correspondant à son préjudice financier lui soit versée en plus de la somme de 1 000 euros que le tribunal administratif de Paris a condamné le Premier ministre à lui verser au titre de son préjudice moral ;
Sur les frais liés au litige :
5. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me de Bouteiller, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me de Bouteiller de la somme de 1 500 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à Mme B...par l'article 1er du jugement n° 1507125 du 7 novembre 2016 est portée à 1 223,30 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1507125 du 7 novembre 2016 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me de Bouteiller la somme de 1 500 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au Premier ministre.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 mai 2018.
Le rapporteur,
P. NGUYÊN DUY La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01825