Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 décembre 2015 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à être autorisée à substituer à son nom celui de " C... ", ensemble la décision du 24 mars 2016 portant rejet de son recours gracieux formé contre cette décision.
Par un jugement n° 1607990 du 7 juillet 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2017, MmeF..., représentée par la SCP Meier-Bourdeau Lécuyer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1607990 du 7 juillet 2017 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 29 décembre 2015 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à être autorisée à substituer à son nom celui de " C... ", ensemble la décision du 24 mars 2016 portant rejet de son recours gracieux formé contre cette décision ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer sa demande de changement de nom dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt légitime à demander son changement de nom afin de prendre le nom deC..., qui est menacé d'extinction ; les décisions attaquées sont entachées d'erreur de fait et d'erreur de droit en ce qu'elles ne reconnaissent pas l'existence d'un tel risque d'extinction ;
- son intérêt légitime résulte également de la volonté de pérenniser un nom illustre, celui de son grand-oncle et de son grand-père maternels, qui se sont illustrés par leur comportement héroïque pendant la seconde guerre mondiale.
Une mise en demeure a été adressée le 15 janvier 2018 au garde des sceaux, ministre de la justice, en application de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, à la suite de laquelle aucun mémoire en défense n'a été produit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.
1. Considérant que, par une requête en date du 11 octobre 2013, Mme F... a saisi le garde des sceaux, ministre de la justice, d'une demande de changement de nom en vue de prendre le nom de " C... ", qui est celui de sa mère ; que, par décision du 29 décembre 2015, ce ministre a rejeté cette demande, au motif notamment qu'elle n'apportait pas " la preuve qu'aucun descendant ou collatéral depuis le trisaïeul de sa mère, dont le nom est sollicité, n'a pu transmettre celui-ci, l'arbre généalogique produit étant incomplet " ; que, par un courrier en date du 3 mars 2016, la requérante a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, qui a été rejeté par décision du 24 mars 2016 ; que Mme E...demande l'annulation du jugement du 7 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. " ; que si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit ; qu'il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier ;
4. Considérant qu'à l'appui de sa requête, Mme E...soutient que le ministre a entaché ses décisions d'erreur de fait et d'erreur de droit en estimant qu'elle n'établissait pas que le nom " C... " était menacé d'extinction, alors que ce nom n'a pu être transmis à aucun des descendants de son trisaïeul, Louis-DenisC... ; qu'elle produit un arbre généalogique, accompagné d'actes d'état civil et d'actes notariés, permettant d'établir que le trisaïeul de la requérante, Louis-Denis C...(1847-1925), fils de Louis Michel C...(1817-1890), a donné naissance à un fils, Arthur C...(1875-1926), que celui-ci a eu deux enfants d'une première noce qui sont décédés sans descendance et que parmi les trois enfants qu'il a eus d'une seconde noce, MauriceC..., né en 1923, est décédé sans descendance, et ses deux frères, M. A...C..., né en 1916, et M. D...C..., né en 1920, ont eu respectivement trois et deux filles, qui n'ont pas transmis leur nom à leurs descendants ; qu'elle en déduit que le nom de C...n'a ainsi pu être transmis à aucun des descendants de son trisaïeul, dès lors que ni Louis-Denis C...ni Arthur C...n'ont eu de frères susceptibles de le transmettre ; qu'une copie de la requête de Mme E...a été communiquée le 8 septembre 2017 au garde des sceaux, ministre de la justice, qui a été mis en demeure le 15 janvier 2018 de produire un mémoire en défense dans le délai d'un mois ; que cette mise en demeure, dont le ministre a accusé réception le 16 janvier 2018, est demeurée sans effet ; que l'inexactitude des faits allégués par Mme E...ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier ; que, dans ces conditions, le garde des sceaux, ministre de la justice, doit être réputé avoir admis leur exactitude matérielle conformément aux dispositions précitées de l'article R. 612-6 du code de justice administrative ; que, dès lors, le ministre n'a pu sans erreur de fait rejeter la demande de changement de nom au motif que le nom " C... " n'était pas menacé d'extinction dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 61-2 du code civil ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement, ainsi que les décisions du garde des sceaux, ministre de la justice rejetant la demande de Mme E...tendant à être autorisée à substituer à son nom celui de " C... " ;
6. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique que, conformément aux dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, le garde des sceaux, ministre de la justice, prenne à nouveau une décision sur la demande de Mme E...après une nouvelle instruction; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, à mettre à la charge de l'État, qui succombe dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1607990 du 7 juillet 2017 du tribunal administratif de Paris et les décisions des 29 décembre 2015 et 24 mars 2016 rejetant la demande de changement de nom de Mme E...sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de statuer de nouveau sur la demande de Mme F...tendant à substituer à son nom patronymique celui de " C... ".
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. B...La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA03020